| action | | | En poésie, le faire, c'est la musique, et le dire, c'est l'intelligence. C'est ainsi qu'il faudrait comprendre Dante : « Que le dire soit fidèle au faire » - « Che dal fatto il dir non sia diverso ». | | | | |
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| action | | | Ton étoile ne se livre qu’au regard de ton âme ; ni la raison ni les pieds ni les mains ne t’en rapprochent. C’est ainsi qu’il faut comprendre Dante : « Si tu suis ton étoile, un port de gloire t’attend au bout » - « Se tu segui la tua stella, non puoi fallire a glorioso porto ». | | | | |
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| amour | | | Dante est dans le regard, Béatrice est dans la hauteur. « L'éternel Féminin nous aspire vers le haut » - Goethe - « Das Ewig-Weibliche zieht uns hinan ». Élever son regard devient question de conservation de l'espèce : « Psyché est fécondée par le regard d'Éros » - Salomé. Heureusement, le vrai regard a une bonne source : « L'amour est le regard de l'âme »*** - S.Weil. | | | | |
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| amour | | | La peinture d'un enfer coule de source, même chez ceux qui ne connurent ni flammes ni honte. C'est le paisible paradis qui se refuse aux pinceaux sans frisson. Celui-ci ne peut venir que de l'amour : Dante fut guidé par Béatrice, Goethe fut l'éternel amoureux, mais Gogol brûla la seconde partie des Âmes Mortes, faute de Muse. La présence de Dieu n'aide que les charlatans. | | | | |
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| amour | | | Ne pas aller au-delà des premiers sentiments (après, on plane), mais toujours exiger des secondes pensées (pour trébucher au bon endroit). « Revois deux fois pour voir juste ; ne vois qu'une fois pour voir beau » - H.-F.Amiel. Vivre de revenez-y des idées et de reste-là des sens primesautiers. Ne tenir qu'à ce qui est de première ou de haute main. Sachant que la hauteur et le premier sentiment ne promettent pas de paradis ; l'enfer n'est-il pas « l'œuvre du haut savoir et du premier amour » - Dante - « fecemi la somma sapienza e l'primo amore » ? | | | | |
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| amour | | | L’Europe unique, lyrique, se forma à la Renaissance, grâce à Dante et Pétrarque, les premiers à se détourner de la misogynie antique et à créer l’image d’un amour courtois pour l’éternel Féminin. La vulgarité asiatique ou la mécanique américaine sont des formes de misogynie déguisée. La Russie en représente un compromis fragile et ambigu. | | | | |
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| amour | | | Pour rêver, briller, chanter, créer – il faut aimer. Pour certains, il le faut même pour penser ! « On ne peut philosopher sans aimer » - Dante - « A filosofare è necessario amare ». | | | | |
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| amour | | | Le cycle de la Table Ronde : des mâles en rut, se chamaillant pour une femelle ; la goujaterie des meurtriers fortunés, pouvant s’offrir des heaumes, des hauberts, des écus, des destriers, des panaches, pour occire plus sûrement d’autres brigands. Il fallut attendre Dante et Pétrarque, pour chanter l’amour courtois, en découvrant l’art de triompher non pas par le gourdin, mais par la passion et la faiblesse. | | | | |
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| amour | | | Les plus belles qualités du cœur, de l’âme, de l’esprit se réduisent, en fin de compte, à la même chose – à la maîtrise des caresses, qui exprimeront, respectivement, l’amour, la noblesse, le talent – le visage illuminé, le regard mélancolique, la tête haute. « Le visage dévoile la couleur du cœur » - Dante - « Lo viso mostra lo color del coro ». | | | | |
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| art | | | « L'universalité et l'éternité se manifestent le mieux dans la poésie » - qui l'a dit ? - un rimailleur en manque de lecteurs ? - non, le plus fort cerveau de tous les temps, paraît-il (« le maître de ceux qui savent » - Dante - « il maestro di color che sanno », ce que d'autres contestent : « le pire des sophistes, exécrable jouet des mots » - F.Bacon - « pessimus sophista, verborum vile ludibrium ») - Aristote ! Mais dès que le poète penche pour la preuve, au détriment de la musique, il devient aussi borné et impermanent que l'historien. | | | | |
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| art | | | C'est la calme majesté d'esprit qui accompagne et rend mieux le tremblé d'âme. Le tremblé de pinceau le défigure et le trahit. Dante : « Maîtrisant l'art, la main d'artiste tremble » - « L'artista ch'a l'abito de l'arte ha man che trema » - a tort. | | | | |
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| art | | | Toute beauté a besoin de miroir. Non spéculaire, toute belle chose en soi ne dépasse pas le grade d'idole, de poids ou d'outil. Le miroir minimal - une négation. Toutefois, ce qui nous émeut le plus dans une beauté ne figurera jamais sur un tableau ni dans une formule ; elle est annonciatrice du merveilleux : « La beauté devient la preuve visible des miracles » - Dante - « La bellezza diviene argomento visibile dei miracoli ». | | | | |
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| art | | | La beauté se concentre sur la hauteur, ne fait qu'effleurer la profondeur et est absente de l'ampleur ; c'est pourquoi elle est teintée d'azur, fuit le noir et ignore le gris. L'ardeur, à l'origine de la rencontre au sommet entre la hauteur et la couleur… « Plus ton regard gagne en hauteur, plus ample est l'ardeur, qui s'y alimente »** - Dante - « Onde la vision crescer convene, crescer l'ardor che di quella s'accende ». | | | | |
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| art | | | L’un des buts de l’écriture est d’occulter le comparatif et rester en compagnie du seul superlatif. En exclure tes contemporains est une prévention pédagogique à recommander. Soli Deo auribus – aurait pu être ma devise (plagiée de Bach : Soli Deo gloria). Quand ton seul auditeur, interlocuteur muet, est un absolu inexistant, appelé Dieu, tu deviens bon Narcisse : « L’âme de philosophe contemple sa propre contemplation »** - Dante - « L’anima filosofante contempla il suo contemplare medesimo ». | | | | |
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| art | | | Goethe ne voyait la littérature cosmopolite (et non pas universelle, comme on traduit d’habitude die Weltliteratur) que dans quatre pays européens. Au sens abstrait, cette littérature n’exista jamais ; au sens concret, elle ne pouvait toucher qu’une poignée des polyglottes : ils étaient des milliers au XVIII-e siècle, des centaines – au XIX-e, des dizaines – au XX-e. Au XXI-e, il n’y a en pas un seul. Cette défunte rejoint le néant de Dieu, de la poésie, de la tragédie. Quant aux littératures nationales, en Europe, elles sont toutes sorties de Dante. | | | | |
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| art | | | Rendre un climat convient à la musique, rendre un paysage – à la peinture ; la poésie devrait se concentrer sur le premier et ne confier au second que des cadres. Or, il y a trop de paysages, chez Dante, et pas assez de climats. Seul le romantisme se voua aux climats uniques et ardents ; mais l’art moderne, et même la philosophie, se tournèrent vers la reproduction de paysages mécaniques. | | | | |
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| art | | | Les Anciens inventèrent tous les genres littéraires, que la modernité ne fait qu’imiter. Le seul genre, où une réelle nouveauté fut introduite, c’est la tragédie, dont le vrai sens fut découvert par Tchékhov. Ni Dante ni Shakespeare ni Descartes ne peuvent prétendre à de telles trouvailles. Nabokov ne trouvait chez Tchékhov : « que des trébuchements continus, mais c’est l’homme, qui ne quitte pas des yeux les étoiles, qui trébuche »** - « непрерывное спотыкание, но спотыкается человек, заглядевшийся на звёзды ». | | | | |
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| bien | | | Au Bien, qui scintille au fond de notre cœur, la terre n'offre pas beaucoup de faces, qui pourraient refléter, fidèlement, cette lumière incertaine ; il reste ton étoile, découverte par ton intelligence : « L'intelligence déploie sa bonté, multipliée par les étoiles »** - Dante - « L'intelligenza spiega sua bontate, multiplicata per le stelle ». | | | | |
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| cité | | | Pour que le néon et l'hygiène satisfissent le besoin des hommes en lumière et en pureté, il fallut, au XX-ème siècle, tenter les deux termes de l'alternative tolstoïenne : éclairer ou être pur (светить или быть чистым), le phénomène ou le fantasme, le communisme ou le nazisme, aboutissant aux ténèbres et à la boue. La cuirasse exclut la pureté d'âme quoi qu'en pense Dante : « sous l'armure du sentiment d'être pur » - « sotto l'asbergo del sentirsi pura ». | | | | |
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| cité | | | Méfie-toi de l'équilibre dans la vie provenant soit de l'acceptation d'une volonté surhumaine, de la reconnaissance donc de l'assujettissement, soit de l'excitation des droits. Soit je confie ma liberté à une idole infaillible, soit je la profane par ses prétentions et ses certitudes. Cherche de belles servitudes et ne crois pas que « la liberté fut le plus grand don que Dieu fit en créant » - Dante - « la libertà, lo maggior don che Dio fesse creando ». | | | | |
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| doute | | | N'apprécier que des chemins inaboutis (des Holzwege de Heidegger), à travers une forêt obscure (la selva oscura de Dante), et m'abandonnant au pied de mon arbre, qui sera mon opus, la ruine des chemins et clartés. | | | | |
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| hommes | | | Quand la culture européenne aura définitivement crevé, de désintérêt et sous les coups des barbares robotisés, on procédera à sa reconstitution à partir des musées et bibliothèques américains, et l'on l'appellera Renaissance américaine ou New Revival. Dante ou Cioran, réanimés à Harvard ou Palo Alto ! La nature humaine retrouvée, l'homme controuvé - banni… L'humanité savante vivant sous le slogan : More Wisdom in Less Time ! | | | | |
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| hommes | | | Dans l'Antiquité, on peut trouver des égaux à Dante, Léonard, Michel-Ange, on n'en trouvera pas à Bach ; c'est la découverte de la musique qui nous rend modernes, au sens non-banal du terme ; que la passion, la souffrance ou l'angoisse puissent servir de thèmes aux plus belles mélodies, auxquelles se réduirait la vie, voilà une idée, qui n'effleure aucune tête antique. | | | | |
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| hommes | | | Deux objets des recherches humaines : des nouveautés universelles ou des permanences particulières – la Vita Nuova de Dante ou la Vita solitaria de Pétrarque. | | | | |
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| intelligence | | | D'où viennent les partisans de l'Un ou du multiple ? - de la perte du droit chemin (Dante). Ou bien je me sens au milieu de la vie, dans une forêt obscure (les multiplicateurs dantesques, explorant girons et cercles), ou bien je suis subjugué par la source ou l'issue de la vie et me consacre à la verticalité et l'immobilité de l'arbre unique, qui me fera oublier « la forêt trompeuse de cette vie » - Dante - « la selva erronea di questa vita ». | | | | |
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| intelligence | | | Le désir et la foi en philosophie : la transcendance est le désir de preuves ; l'immanence est la foi, qu'en dernière instance, toute preuve est tautologique. Et l'on finit par comprendre, que seule leur valeur, l'intensité simultanée du désir et de la foi, la hauteur, qui en résume l'essence ; cet état ek-statique s'appelle éternel retour : « le retour à sa source, au suprême désir, au premier don de la nature » - Dante - « lo ritornare a lo suo principio, sommo desiderio, prima da la natura doto ». | | | | |
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| intelligence | | | La notion de problème, c'est à dire de requête formulée dans un langage rigoureux, permet de distinguer deux types de beauté : des mystères, c'est à dire des étonnements intraduisibles en problèmes, et des solutions des problèmes grandioses. Le monde est beau et par ses poèmes et par ses théorèmes ; on trouve de la beauté aussi bien chez Homère, Dante, Rilke que chez Diophante, Fibonacci, D.Hilbert. | | | | |
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| intelligence | | | Adoucir la souffrance par un rêve astral, affermir la noblesse par une sagesse verbale – tels sont les plus grands thèmes d’une haute philosophie. « La philosophie n’est autre chose que la compassion et la sagesse »*** - Dante - « Filosofia non è altro che amistanza e sapienza ». | | | | |
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| ironie | | | L'ironie apocalyptique : le paradis soumis aux cadences infernales, l'enfer suggérant des visions paradisiaques. « Comme s'il avait pour l'enfer un souverain mépris » - Dante - « Come avesse lo'nferno in gran dispitto ». | | | | |
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| mot | | | Personne ne rit chez Homère ; l'amour, chez Platon, n'est que charnel ; l'enfer de Dante n'est pas plus effrayant qu'un musée minéralogique (où Dante se serait promené en touriste – Péguy ; « les formes et couleurs de la poésie de Dante sont de nature géologique » - Mandelstam - « Стихи Данта сформированы и расцвечены геологически ») - et l'on en garde le rire homérique, la passion platonique, la vision dantesque. Se méfier des adjectifs, cette cinquième colonne du hasard antonomastique. La traîtrise des noms est moins déroutante, quoique vous chercheriez en vain l'âme dans De l'âme d'Aristote (que, bizarrement, vous trouverez dans Cité de Platon), ou la nature dans Sur la nature de Parménide ou dans De natura de Lucrèce, ou la logique dans la Science de la Logique de Hegel. | | | | |
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| mot | | | L'antique fut toujours dans le ludique. Dans les mots à musique. « Toi qui lis, tu entendras un jeu nouveau » - Dante - « O tu chi leggi udirai nuovo ludo ». Le moderne est dans les mots ternes. Dans les mots à claques. De l'homo ludens au playboy. Du surhomme au Superman. | | | | |
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| mot | | | Dans l'arbre de la connaissance, quelle est la place du langage ? - fournir un ramage harmonieux, faire éclore des fleurs et couler la sève (« Je presserais mes idées, pour en extraire la sève » - Dante - « Io premerei di mio concetto il suco »), donner un sens à la cime - mais je ne vois sa place ni dans le tronc ni dans les racines : « Le sensible et l'intelligible, en tant que troncs de la connaissance, émergent d'une même racine, racine inconnue » - J.G.Hamann - « Sinnlichkeit und Verstand als zwei Stämme der Erkenntnis entspringen aus einer gemeinen, aber unbekannten Wurzel » - et elle n'est certainement ni langagière ni conceptuelle, mais purement mentale. | | | | |
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| mot | | | La parole fut donnée aux vulgaires, pour traduire leur pensée (Talleyrand), aux sages - pour la déguiser (Dante et Machiavel), aux intuitifs - pour la dépister, en passant. Les uns forment, avec la vérité, un couple, les autres s'en réjouissent comme d'une maîtresse, enfin les troisièmes l'approchent en dilettantes et vivent les faveurs des Muses comme promesses de rendez-vous. Convention (la règle), religion (la honte), superstition (l'extase). La poésie est la superstition du mot. | | | | |
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| proximité | | | Impossible de douter d'un dessein divin, en admirant l'invraisemblable rose : « La rose est sans pourquoi » - Angélus - « Die Ros' ist ohn' Warum ». Elle fait entrevoir le goût du Dieu artiste : « La rose, la vraie, serait-elle l'apothéose d'un Dieu qu'on ne verra jamais » - Borgès - « La rosa verdadera puede ser el júbilo de un dios que no veremos ». Ou du Dieu souffrant : « La rose, dans laquelle le Verbe divin se fit chair » - Dante - « La rosa in che il verbo divino carne si fece ». | | | | |
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| russie | | | Dans une ode lyrique, le brave Swinburne met Dante, face à Charon, avant de traverser le Styx, cinglant vers la sainte Russie : « Dante ne vit point les lieux, où la pourriture fut la plus immonde, les nuits les plus noires, les gouffres infestés de ces diables de Moscovites » - « Dante saw not, where the filth was foulest, and the night darkest, depth whose fiends could match the Muscovite ». | | | | |
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| russie | | | La mesure du gouffre creusé entre l'Europe et la Russie par le règne du goujat : je n'ai aucune peine à tracer un chemin, qui mène de Byron à Lermontov, sans ruptures ; de la conscience historique de Soljénitsyne je n'arrive pas à atteindre même les Valaco-Bohémiens Conrad, Kundera ou Cioran, quoique sa conscience tout court en fasse un Dante homérique, toujours dans l'infernal ou dans l'épique. | | | | |
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| solitude | | | On échoue à rendre un vrai état d'exil (Ovide, Pétrarque, Dante, Pouchkine, Dostoïevsky, H.Arendt, S.Zweig), on ne réussit qu'à en esquisser la pose (Sénèque, Casanova, Byron, Nietzsche, Kafka, S.Weil, Nabokov, Cioran). Et l'exil n'est pas le seul état d'âme, qui reste toujours à inventer, je soupçonne, que l'amour, la foi et la noblesse possèdent la même étrangeté. | | | | |
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| solitude | | | La célébrité est un baume, que ne renchérit que l'absence de plaies. (« L'obscurité du nom est un bien égal à la souffrance » - Diogène). Je découvris la joie hautaine d'être inconnu à la même époque, où j'enterrai en fanfare ma première caresse non-sollicitée, hurlai de plaisir devant la première métaphore, jaillissant d'une douleur muette, et chassai la dernière idole de mes ruines royales, sacrées par l'Architecte anonyme : « Heureux, qui vit dans l'état obscur, où les dieux l'ont caché » - J.Racine. Vivre ignobilis (méconnu) devint le privilège du nobilis (noble). « Vivre méconnu des hommes et sans amertume - une qualité des nobles » - Confucius. Plaire, c'est appartenir ; réserve-toi à tes semblables, aux meilleurs, même au prix de ta méconnaissance. Et Dante n'a raison qu'à moitié en plaignant ceux qui : « vécurent sans honte ni lauriers » - « visser sanza 'nfamia e sanza lodo ». | | | | |
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| solitude | | | Ce que je reproche à un Dante, un Byron ou un R.Debray, c'est leur attitude face au Prince : vivre la hauteur de sa solitude et jalouser l'inaccessible profondeur de sa puissance. Il vaut mieux vivre sa puissance et jalouser sa solitude. | | | | |
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| solitude | | | Le désert est notre destination commune ; pour le justifier ou glorifier, deux démarches : trouver les meilleures pistes ou les plus riches caravanes, ou bien faire voir des mirages, pour croire en oasis. « Dante ou la ligne droite ; Pétrarque ou le pointillé sans fin » - Paz - « Dante o la línea recta ; Petrarca o el continuo zigzag » - une minéralogie aboutissant à St-Antoine ; une passion menant à St-Augustin. | | | | |
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| solitude | | | Mon enfance : de vrais châteaux de glace et une forêt, transformée en océan par des eaux printanières, avec des atolls d'arbres, avec, à leurs pieds, quelques lièvres ou primevères, sauvés et cueillis dans une barque. Aujourd'hui : des châteaux en Espagne, châteaux de grâce, et un arbre, secoué par le frimas automnal, au milieu des singes, nageant mieux que moi, et des bouquets aux fleurs absentes. Je ne peux plus compter que sur mon étoile : « Du paradis, il nous restent trois choses : l'étoile, la fleur et l'enfance » - Dante - « Tre cose ci sono rimaste del paradiso : le stelle, i fiori e i bambini ». | | | | |
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| emerson r.w. | | | To go into solitude, a man needs to retire as much from his chamber as from society.
Pour entrer en solitude, un homme doit se retirer tout autant de sa chambre que de la société. | | | | |
| | solitude | | | Si la solitude n'était qu'une affaire de pas ou de lieux ! Elle commence, hélas, par le choix fatal d'une étoile, que ne rend plus proche aucun pas et qui m'isole, où que je sois. Sous les étoiles, la liberté est solitude et tristesse, dans la rue, elle est la joie. Mais me trouver sans étoiles, c'est être dans un enfer profond, où « grondent les malheurs, dans des hauteurs sans étoiles » - Dante - « alti guai resonerano sanza stelle ». | | | | |
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| souffrance | | | Pour peindre l'enfer, Dante n'a que l'embarras de noms et de faits, mais dès qu'il se met à s'attaquer au Paradis, il est à court de couleurs et d'exemples. Et comme lui, tous les bienheureux n'y mettent que leur Maître et/ou leur Béatrix. | | | | |
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| souffrance | | | L'exil est l'état d'esprit le plus propice à l'écriture libre. Les Psaumes de David, Pétrarque, Dante, G.Bruno, Rilke, Nabokov, Cioran. La paix d'âme étant devenue une patrie sans faille du Français moderne, la perspective d'un exil intérieur n'attire plus que des Descartes et des Hugo. | | | | |
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| souffrance | | | L'exil, c'est l'arbre me résumant, devenu déficient. Dans le cas de défaillance le plus fécond, je suis un déraciné de cimes. « Dell'albero che vive della cima »** - Dante. | | | | |
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| souffrance | | | Dante a raison : aucune espérance ne me dispensera de l’Enfer ; mais l’espérance humaine, tournée vers le futur, n’empêchera pas que je vive l’Enfer comme un abattoir, tandis que l’espérance divine, atemporelle, éternelle, le transformera en autel des dieux inconnus, mais miséricordieux. Mais la fumée qui monte, est-elle plus douce que le sang qui se glace ? | | | | |
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| souffrance | | | Une belle, bien qu’éphémère, espérance t’ouvre les portes d’un paradis, qu’il soit artificiel ou authentique. On sait, devant quelle entrée Dante invite à déposer toute espérance, même bien calculée. Ne pas espérer, c’est ne pas/plus savoir aimer. | | | | |
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| souffrance | | | L’excellent indice de l’origine de la vraie tragédie qu’en donne le comédien Dante : « Au commencement savoureux, à la fin insipide »*** - « In principio est admirabilis, in fine est foetida ». | | | | |
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| boèce | | | In omni adversitate fortunæ, infelicissimum genus est infortunii fuisse felicem.
Dans tout malheur, avoir été heureux est le pire des malheurs. | | | | |
| | souffrance | | | « Il n'est pas de douleur plus grande, que de se souvenir des jours de bonheur dans la misère » - Dante - « Nessun maggior dolore che ricordarsi dei tempi felici nella miseria ». Inversement, « le souvenir des douleurs passées a du charme, quand on est à l'abri » - Cicéron - « habet praeteriti doloris secura recordatio delectationem ». L'abri le plus sûr, nous protégeant contre l'écroulement du meilleur, a pour nom - ruines. Comme le sous-sol, en tant qu'habitacle, aide beaucoup à la préservation de la hauteur. | | | | |
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| vérité | | | Au sens sentimental du terme, mensonge, c'est la révolte du bon sens à une imposture fastidieuse, qui dure trop longtemps. « Le mortel doit toujours, autant qu'il peut, refuser de répéter une vérité, qui paraît un mensonge » - Dante - « Sempre a quel ver ch'ha faccia di menzogna de' l'uom chiuder le labbra ». Et l'artiste vit non pas de ce qui est, mais de ce qui apparaît. | | | | |
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| renan e. | | | L'art est propre d'une humanité encore dans l'enfance, laquelle, devenue adulte, ne goûtera plus que la vérité. | | |    | |
| | vérité | | | Quelle sinistre prophétie ! La nostalgie d'Eden où « la foi et l'innocence ne poussent que sur l'arbre de l'enfance » - Dante - « fede e innocenza son reperte solo ne' parvoletti ». Mais « la poésie ne survit que dans l'adolescence fermentée » - Ortega y Gasset - « la poesía es adolescencia fermentada y así conservada ». Parler de l'enfance, les yeux mouillés, est encore le moyen le plus sûr de devenir créateur. | | | | |
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