Rousseau J.-J.
 
 
 

action
La seule chose, qui m'empêche de m'attendrir sur l'homme, comme je m'attendris sur l'enfant, est le reflet blasphématoire de ses rêves inavouables, noyés dans ses actes innocents. La vraie innocence a honte de toute action (à l'opposé de Rousseau).
auteur,enfance,honte,rêve

action
La lumière cynique de l'être projetant de belles ombres du faire - Pythagore ou Diogène ; la lumière héroïque du faire invoquant d'humbles ombres de l'être - R.Debray ou S.Weil ; les ombres honteuses du faire se désolidarisant des ombres piteuses de l'être - Rousseau ou Tolstoï. Trois manières de prouver sa noblesse : esthétique, mystique, éthique - faire briller, brûler, être brillant.
acquiescement,élite,être,honte,noblesse,ombre,platitude

rousseau j.-j.
La tristesse fait fermenter l'amour.
amour
Pour faire mieux sauter les bouchons, en se mettant en goguette.
bonheur,mélancolie

art
Le style d'un auteur (Nietzsche, Nabokov) permet de reconstituer assez fidèlement non seulement son visage, mais aussi sa biographie, mais les auto-biographies de ceux qui manquent de style (St-Augustin, Rousseau) embrouillent leur visage jusqu'aux paradoxes et mensonges.
mensonge,paradoxe,style,voix

art
Peut-on peindre son soi, en confessant ses turpitudes, face aux Manichéens ou aux duchesses (St-Augustin ou Rousseau) ? - à la limite, on y trouve quelques éclats de cervelle. Heureusement, il y a aussi la chair ; et la concupiscence augustinienne ou la mauvaise paternité rousseauïste nous font entrevoir quelque chose de vraiment intime. Heureusement, il y a aussi l'âme et le talent, c'est à dire le regard, qui, à toute sa production, affecte le genre de confession ou de testament.
âme,esprit,intelligence,regard,soi

art
Même les plus obtus des philosophes professionnels (« la tourbe philosophesque » - Rousseau) se doutent bien, que leurs concepts sont dus au hasard, à l'impéritie et à l'inertie, que leurs preuves ne sont que fatras de sentences d'apparence logique (« Les résultats de la «métaphysique» sont et doivent être nuls, plaisir à part » - Valéry), et que le poète, par son jeu de métaphores, atteint le même but avec autant de rigueur et avec plus d'élégance.
acquiescement,bonheur,continuité,contrainte,école,élan,goût,grâce,idée,jeu,…

art
Sur l'arbre de la poésie, l'apport littéraire de Rousseau est plutôt d'ordre lacrymal que végétal, mais cette branche fut à hauteur d'homme, et le choix de la hauteur y est peut-être plus vital. La plus grande dispute, de tous les temps, fut la hauteur, à laquelle doit se hisser l'homme, pour échapper à la largeur des coteries des hommes.
arbre,hauteur,hommes,poésie,vie

goethe j.-w.
Es ist mit Meinungen, die man wagt, wie mit Steinen, die man voran im Brette bewegt ; sie können geschlagen werden, aber sie haben ein Spiel eingeleitet, das gewonnen wird.

Une pensée risquée peut être un dé sur le tapis ; il peut être perdant, mais il entame un jeu gagnant.
art
« Son système est peut-être faux ; mais en le développant, il s'est peint lui-même au vrai » - Rousseau. Comment savoir où il faut vivre d'enjeux et où - du jeu lui-même ? Vaincre la contrainte d'une belle règle ou se paralyser dans l'admiration d'un bel enjeu ?
continuité,contrainte,discursif,école,idée,jeu,mensonge,système

maistre j.
Le goût est la conscience du beau, comme la conscience est le goût du bon.
art
L'aberration du français : le même mot désigne la conscience végétale, la clarté rassurante, et la conscience charnelle, le doute mortificateur. Je ne suis pas sûr, que les Français comprennent Rabelais et Rousseau : « Conscience ! Juge infaillible du bien et du mal » - est-ce le rouge au front ou le gris de la cervelle ?
beauté,bien,conscience,doute,france,goût,langue

bien
L'homme parfait : une fusion entre Rousseau (la pitié de l'homme naturel) et Cioran (l'ironie de l'homme inventé). Les grands imparfaits : Nietzsche - le faible sans pitié, et Valéry - le fort sans ironie.
artificiel,création,force,ironie,nature,pitié

bien
Qu'est-ce qui est à l'origine de l'homme, la chute d'un ange ou la socialisation d'un prédateur ? La première version, la rousseauïste, est invraisemblable, le progrès global paraissant être une norme. Mais la seconde hypothèse voudrait dire, que Nietzsche a raison, et que la pitié mène à la décadence, à la chute. Seulement, il ne faut pas oublier, que sans la pitié, la société ne peut converger que vers deux modèles : le mouton et, en second lieu, - le robot, les deux espèces ignorant aussi bien la chute que l'essor.
défaite,élan,mouton,pitié,robot

bien
La fonction primordiale de la comédie et de la tragédie est d'entretenir en nous l'ironie et la pitié, ces deux meilleurs sentiments humains ; j'ai bien peur, que la tragédie soit morte, puisque la pitié a définitivement tari dans les cœurs des hommes ; pourtant c'est la pitié qui apporterait à nos passions - la purification (catharsis) - Aristote, elle serait même « le premier sentiment relatif qui touche le cœur humain » - Rousseau.
ange,cœur,hommes,ironie,mort,pitié,tragédie

bien
J'ai vécu au milieu des sauvages, qu'aucune modernité n'avait déviés de leur état de nature, et de terribles violences et brutalités constituaient leur quotidien. Le vrai ne figurait guère à leurs horizons microscopiques, le beau n'illuminait point leurs firmaments bien bas, mais le bon était nettement plus présent dans leurs cœurs que chez les humanistes universitaires. Rousseau vit juste : l'état de civilisation, engagé sur la voie du vrai et du beau, nous éloigne du Bien.
auteur,beauté,cœur,culture,humanisme,modernité,nature,russie,vérité

bien
La chute du prestige de la vertu est une question de statistiques : les occasions de la pratiquer, comme utiliser les pièces d'or, devinrent si rares, que l'organe responsable, l'âme, devint atavique. La noblesse, ne serait-elle pas réduction d'échanges et autarcie des besoins ? Et elle serait sans prix : « La noblesse est la seule vertu » - Juvénal - « Nobilitas est unica virtus ». La pitié, ne serait-elle pas hors usage, puisque l’État s’en charge ? « La pitié est la seule vertu Naturelle »* - Rousseau.
âme,balance,cité,grandeur,ironie,mal,noblesse,pitié,reconnaissance

bien
La culpabilité, est-elle innée ou acquise ? Rousseau penche pour la seconde réponse, et moi, avec Tolstoï, - pour la première. Le Créateur nous tente par deux sortes d'énigmatique liberté : traduire la voix du Bien en actes, ou celle du beau – en création. Mais si la seconde liberté nous donne des ailes, la première nous conduit, inexorablement, au désespoir et à la honte.
action,beauté,création,dieu,élan,espérance,honte,liberté,question

bien
En matière libidinale, l'homme fut, de tous les temps, un fieffé pécheur. Mais ce péché se commet aujourd'hui en mode machinique et non plus ludique. C'est pourquoi on ne voit plus de moralistes, rongés par la repentance et la honte, à la Rousseau ou Tolstoï.
hommes,honte,jeu,modernité,robot

bien
Non seulement l'homme est innocent originairement (Rousseau), mais il l'est toujours, tant qu'il reste en compagnie de son cœur, sans confier son innocence aux bras. Le Bien est l'innocence du sentiment non traduit en actes ; la mal est le rapprochement entre le sentiment et l'acte. Chez l'homme de caverne, l'acte fut personnel, d'où la persistance de sa honte. Chez l'homme moderne, tout acte est social, d'où sa conscience tranquille.
action,angoisse,cœur,conscience,honte,mal,modernité,mouton

bien
L'humanisme, c'est la découverte du Bien et du Mal – Rousseau, Nietzsche, Tolstoï – la morale. Aristote, Platon, Jésus, Spinoza ne parlent que du bon et du mauvais – l'éthique.
humanisme,mal

bien
Ni Socrate ni St-Augustin ni Montaigne ni Rousseau ni Kant ni Tolstoï ne brillent par des actions, qui découleraient de leurs idées. On ne doit pas juger les hommes d'après leurs pensées, et encore moins d'après leurs actes, mais d'après leur talent de rendre un fond de bonté - par une forme de beauté !
action,balance,beauté,hommes,idée,style

bien
Parmi les chantres d'un amour, aveugle ou mystérieux, - Rousseau et Einstein. Ils abandonnent leurs enfants, l'un, remords bien avalé, l'autre, sourire aux lèvres. L'ironie de l'intelligence ou la pitié humaniste ne nous empêchent pas d'être de fieffés salopards ; mais la honte rehausse l'intelligence et approfondit la pitié.
amour,bassesse,enfance,hauteur,honte,humanisme,intelligence,ironie,mystère,pitié

bien
Le fond de ma liberté est dans l’écoute du Bien, et sa forme se présente en musique de fidélités ou de sacrifices, dont aucune loi, aucune causalité, aucune partition ne prédétermine l’exécution. « L’obéissance à la loi, qu’on s’est prescrite, est liberté » - Rousseau – non, la liberté serait plutôt une révolte inconsciente qu’une obéissance sereine !
doute,liberté,musique,révolte,sacrifice,style

bien
L’intellect, face au Bien et à l’action : il aide à vénérer le mystère du premier ; par la solution de la seconde, il ne peut que nous accompagner dans le mal. « Tout le mal que j’ai fait, je l’ai fait par réflexion ; et le peu de bien que j’ai pu faire, je l’ai fait par impulsion »** - Rousseau. Le Bien m’interpelle, mais je ne puis en inoculer une trace dans mes actes que par un réflexe aveugle ; la réflexion ne fait qu’illuminer le mal fait ou à faire. Le Créateur mit en nous l’élan d’une flèche, sans donner la moindre indication des arcs à bander ou des cibles à toucher.
action,dieu,élan,flèche,intelligence,mal,mystère

bien
L’homme de bien est un gourmet, qui ne cherche pas tant à assouvir ses appétits qu’à harmoniser son goût exigeant avec le goût des aliments exotiques, loin des basses cuisines, sans actions, sans lustres, sans convives. « L’impulsion du seul appétit est esclavage » - Rousseau.
action,beauté,goût,hommes,liberté

bien
Le vrai m’invite à dévoiler le monde – je deviens héraut de la connaissance ; le beau chatouille mes sens – me voilà chantre d’une musique ; mais le Bien qui inquiète mon cœur reste inutile, inutilisable, intraduisible, d’où son dépérissement. Il me faut du bruit ou de la musique ; le silence me paralyse, me rend angoissé ou indifférent. Je reste le même (Rousseau penserait le contraire), mais avec un organe atavique.
angoisse,beauté,cœur,hommes,intelligence,musique,silence,savoir,utilité,vérité

bien
Ce n’est pas la bonne mais bien la mauvaise conscience qui nous rapproche davantage de l’ange : St-Augustin, Rousseau, Mozart, A.Rimbaud, Nietzsche, Tolstoï. L’homme content fricote avec le Satan.
ange,mal,proximité

rousseau j.-j.
Ce sont presque toujours de bons sentiments mal dirigés qui font faire aux enfants le premier pas vers le mal.
bien
Les bons sentiments bien dirigés s'engagent sur les mêmes routes. Les sentiments sont bons, quand les bras, les pieds et, surtout, l'esprit n'arrivent qu'en derniers sur les lieux, où ton cœur voulut se poser, désemparé.
chemin,commencement,cœur,enfance,esprit,mal

rousseau j.-j.
Dieu m'a donné la conscience, pour aimer le Bien, la raison - pour le connaître, la liberté - pour le choisir.
bien
On n'aurait pas dû mêler la raison de ce qui ne la regarde guère ; et la liberté, dans le choix de ce qui n'a ni corps ni règle ni hauteur, ne peut aider qu'un mouton, pour le débarrasser de la conscience, ou un robot, pour qu'il ait une conscience tranquille.
angoisse,conscience,hauteur,liberté,mouton,raison,robot

rousseau j.-j.
Toute méchanceté vient de faiblesse.
bien
Les hommes t'écoutèrent bien, ils devinrent forts et sans états d'âme. La méchanceté est vaincue par la force de l'indifférence.
force,hommes,mal

rousseau j.-j.
Homme, ne cherche pas l'auteur du mal ; cet auteur, c'est toi-même.
bien
Mais on aurait tort de s'en prendre à sa raison ou à son âme, toujours désarmées face au Bien, - le mal est sécrété par ton bras armé, ce mal que notre raison décèle et notre âme vit.
action,âme,mal,raison,soi

rousseau j.-j.
Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins.
bien
De tous les jours on voyait dans le voisin un Tartare, mais aujourd'hui on fit du Tartare son voisin. On n'aime qu'à distance, il n'y a donc plus personne à aimer.
amour,philosophie,proximité

france a.
Il faut donner à la vie humaine pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié.
bien
Ce serait le procès de la vie le plus équitable ! Il faut empêcher l'Ironie de se présenter en tant que Procureur, et la Pitié - en tant que circonstance atténuante. L'Ironie, en souriant, nous rend la vie aimable ; la Pitié, qui pleure, nous la rend sacrée. Difficile de les voir cohabiter ; Voltaire, devenu larmoyant, ou Rousseau, devenu caustique, y perdraient beaucoup de leur verve.
ironie,pitié,sacré,tragédie,vie

dostoïevsky f.
Сознание, что тебя стоит высечь, - есть уже начало добродетели.

La conscience que tu mérites le fouet est le commencement de la vertu.
bien
Beaucoup de vices commencent par la conviction que d'autres le méritent. Nietzsche, pour se faire rosser, n'allait vers la femme qu'avec un fouet. Baudelaire fut encore plus indépendant : « Je suis le soufflet et la joue ». Pour être libre, rien de plus efficace que la honte : « Je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords »* - Rousseau.
commencement,femme,honte,liberté,mal,nihilisme

cité
Je ne peux penser librement que sous un joug. Imposé par des autres - une tyrannie, ou par moi-même - des contraintes. Débarrassé de ses fers, l'homme mourra esclave (c'est du Rousseau revisité). La façon, dont la plupart des hommes parlent de la liberté, est franchement grégaire.
auteur,contrainte,liberté,mouton

cité
Mon acharnement contre les forts (et le robot, son aboutissement) parachève (?) une longue, et assez stérile, tradition française, où la cible fut : les scolastiques (Descartes), les cléricaux (Voltaire), les gentilshommes (Rousseau), les bourgeois (Flaubert), les intellectuels (mes contemporains). Hélas, vitupérer les zombies - Dieu, le peuple, l'ignorance - est un exercice sans grâce.
auteur,dieu,flèche,force,grâce,hommes,moyen âge,révolte,robot,savoir

cité
La fraternité et la liberté ne sont que de belles idées, sans traductions fidèles dans la réalité ; seule l'égalité relève du réel, tandis que son idée est assez plate et sans envergure. Et en matière des inégalités, Rousseau - « Commençons par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question » - est avec les raisonneurs repus.
argent,égalité,fraternité,idée,liberté,platitude,réalité

cité
Le sentimentalisme de la fraternité engendra le réalisme de la liberté, mais le moralisme de l’égalité resta rêve stérile, sans descendance. Le contrat social rousseauïste, la lutte des classes marxiste ou les transactions modernes entre les corporations des riches ou des pauvres ne portent que sur les conditions du maintien de l’inégalité.
égalité,fraternité,liberté,misère,modernité

cité
Jadis, la littérature fut totalitaire : elle enveloppait une âme secrète d'un style et d'une pose, que « l'on adore ou l'on maudit » (Rousseau) ; aujourd'hui, elle est démocratique : elle développe des informations et des positions, connues de tous, et qu'on parcourt dans des rubriques des faits divers.
âme,art,discursif,platitude,pose,style

cité
Les faux rebelles : Hugo, Flaubert, Dostoïevsky, le Nietzsche du surhomme, Mallarmé, les surréalistes, les nouveaux de tout poil des années 60-90 du siècle dernier. Les vrais : Rousseau, Rimbaud, Tolstoï, le Nietzsche du trop humain.
grandeur,révolte

cité
L'homme oublia le bonheur irresponsable et fou, que la nature lui prépare ; il devint sage et responsable de sa seule fonction sociale, qui le déprave et rend misérable (Rousseau) ; il oublia ce que c'est que la nature. Même la poésie, aujourd'hui, est artificielle ; pourtant, encore tout récemment, « la philosophie ou la poésie furent, face à la vie, des attitudes dictées par la nature » - Chafarévitch - « Философия или поэзия - это модель крестьянского отношения к жизни ».
artificiel,bassesse,bien,bonheur,folie,hommes,mémoire,misère,modernité,nature,…

cité
La culture est bien réelle et la nature (humaine) – entièrement imaginaire. La première nous fait calculer la liberté (en multitude) ou désirer la fraternité (en solitude) ; la seconde nous fait songer à la chimérique égalité. Rousseau (celui du Discours sur l'inégalité et non pas celui du Contrat social) fut le plus noble des hommes des Lumières.
culture,égalité,fraternité,liberté,noblesse,réalité,rêve,solitude

cité
Le communisme est enfant des Lumières (Voltaire, Rousseau, Danton), comme le nazisme est celui de la Renaissance ou du Moyen Âge (la Propagande de Goebbels s'inspira de la propaganda fide de la Curie romaine, comme le modèle de la SS de Himmler, ce Loyola de Hitler, fut l'Ordre des Jésuites, qui fut le modèle originel de tout totalitarisme) ; mais le nihilisme de leurs homme ou ordre nouveaux doit beaucoup aux nouvelles valeurs de Nietzsche.
allemagne,axe,hommes,moyen âge,nihilisme,russie

cité
Ah, que ce serait beau, si les performances et les compétences n’étaient récompensées que par la gloire ! Mais elles amènent surtout des pécunes, pour le plus grand bien-être social et pour l’effondrement du Bien personnel. « La première source du mal est l’inégalité »*** - Rousseau.
argent,bien,hommes,savoir

doute
Le naturalisme ne s'oppose pas à l'artificialisme : la nature, c'est le fond, et l'artifice, c'est la forme de l'existence ; et quand on les confond, cela donne du rousseauisme ou du dandysme.
artificiel,création,nature,style

doute
Je peux aimer, et même vénérer, mon soi inconnu, mais mon soi connu ne mérite que du respect, de la honte ou de l’indifférence ; malheureusement, on donne à ces deux attitudes incomparables le même nom de passions« La source de nos passions est l’amour de soi » - Rousseau – ce qu’on doit saluer dans le premier cas, on doit le regretter dans le second.
amour,honte,inconnu,soi

hommes
L'étrange synchronie des évolutions irréversibles de la langue (G.B.Vico), de l'éthique (Rousseau), de l'esprit : jaillir dans le poète (le vouloir), mûrir dans le héros (le devoir), croupir dans le robot (le pouvoir). Heureusement, quelques renaissances ou révolutions réveillent en nous, épisodiquement, un nouveau désir poétique ; on abandonne la routine du sens propre, pour s'enthousiasmer pour les ruptures du sens figuré.
art,continuité,élan,enthousiasme,esprit,grandeur,intensité,langue,moyen âge,poésie,…

hommes
Le contraire d'organique s'appelle mécanique, le contraire de naturel s'appelle robotique. C'est ainsi qu'il faut comprendre les appels au retour à la nature (de Rousseau à Nietzsche). Le robot, c'est la fusion des hommes avec le sous-homme (l'homme de la nature s'identifiant avec l'homme des hommes), l'oubli de l'homme (côté divin) et le désintérêt pour le surhomme (côté créateur).
création,dieu,nature,robot

hommes
Ils s'engueulent avec leur cuisinier, créditeur ou éditeur, et ils appellent passion leur mauvaise humeur, due au débordement de bile, et ils se mettent à appeler de leurs vœux une céleste paix d'âme. « Il faut que le cœur soit en paix et qu'aucune passion n'en vienne troubler le calme » - Rousseau. L'âme vraie se moque éperdument de cette paix des bêtes et vit de la passion du combat avec l'Ange.
âme,ange,angoisse,cœur,lutte

hommes
Ce charlatanisme moderne, les sciences humaines, s'intéresse à l'homme en tant qu'animal social, où tout est trivial, transparent, banal. Cet engouement moutonnier nous éloigne de l'homme solitaire : « Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l'homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin » - Rousseau – ce lointain n'existe plus que dans la verticalité, disparue des dimensions modernes.
axe,hauteur,modernité,mouton,proximité,science,solitude

hommes
L’évolution de la vision de l’homme : Hobbes y aperçut la bête, Pascal lui enjoignit l’ange, Rousseau privilégia l’ange, Dostoïevsky accepta la cohabitation de l’ange et de la bête. Les hommes ne lisent plus les poètes, ils ne font que calculer – l’homme, pour eux, ne sera ni angélique ni démoniaque, mais robotique.
ange,modernité,poésie,robot

hommes
Sans interventions de la société, que deviendrait l’homme de la nature ? - pour les rousseauïstes – un ange, et pour les fatalistes – une bête. Mais la cité y veille ; ces espèces s’éteignent, pour laisser la place aux moutons-contribuables et aux robots-exécutables.
ange,cité,mouton,nature,robot

hommes
Je suis très sceptique quant aux perspectives ou promesses d’un perfectionnement personnel, prôné par Rousseau, Tolstoï ou H.Hesse. En revanche, un perfectionnement collectif est un objectif tout à fait réalisable et bienfaisant ; une seule hypostase personnelle de l’homme (sur quatre) en profiterait, celle qui s’appelle les hommes. Ce qui est le plus précieux, chez l’homme, reste immuable, du berceau au tombeau.
action,immobilité,mouton,nature,voix

rousseau j.-j.
Ce peuple serait plein d'originaux, qu'il serait impossible d'en rien savoir ; car nul homme n'ose être lui-même.
hommes
Un autre peuple se présenta comme la nature l'a coulé. Depuis, on sait tout sur le troupeau.
absurde,audace,mouton,nature,russie,soi,voix

intelligence
Mes yeux parcourent le paysage social commun, mais mon regard crée mon climat intérieur. L'homme du regard : de son œuvre, sans qu'il y songe lui-même, se dégage un système inimitable et complet. L'homme des yeux : son œuvre suit les règles aléatoires, imitées des autres. L'homme créateur de grâces paradoxales sur des axes entiers ou l'homme reproducteur de pesanteurs ponctuelles. « J'aime mieux être homme à paradoxes qu'homme à préjugés » - Rousseau.
axe,climat,grâce,hommes,mouton,paradoxe,regard,système

ironie
Quand on se dit : impossible d'être naturel, ou plutôt, de faire le naturel, - on a trois issues : le cynisme, l'ascétisme ou l'ironie, ou les trois à la fois, - Rousseau, Tolstoï, Cioran. « Être naturel est une pose très difficile à garder » - Wilde - « To be natural is such a very difficult pose to keep up » - les naturels adoptent des poses difficiles, les empruntés s'identifient avec des positions faciles.
absurde,nature,philosophie,pose

ironie
La méditation, c'est à dire la rumination, fait de l'homme un animal dépravé (Rousseau). Mais que de dignité dans l'animal suprême, qui ne médite pas !
bassesse,grandeur,raison

ironie
Ah, s’il était possible de réunir l’ironie, les yeux, les finalités de Voltaire avec la honte, le regard, les commencements de Rousseau ! Le luxe avec l’ascèse !
commencement,honte,regard

ironie
Pourquoi l'homme Nietzsche est si mesquin et malheureux ? - parce qu'il lui manque l'ironie, ce contraire du sérieux et du grave (dans la vie et dans l'art), et la pitié, ce compagnon du Bien (dans la vie). Ignorant ces deux élans, il les opposait ; pour lui, l'ironie de Voltaire et la pitié de Rousseau furent incompatibles.
art,bassesse,bien,bonheur,élan,négation,pitié,vie

ironie
Quand on voit où nous conduit l’intelligence mécanique, on est tenté de succomber à la bêtise organique, mais ce geste exige beaucoup de talent : « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes » - Voltaire (de Rousseau).
esprit,intelligence,nature,robot,style

rousseau j.-j.
Plus le corps est faible plus il commande, plus le corps est fort plus il obéit.
ironie
L'esprit fait l'inverse, face au sentiment : plus il est fort plus il obéit, plus il est faible plus il commande. Pourtant, mens sana in corpore sano.
caresse,esprit,force,négation,sentiment

mot
Il n'y a que deux types de véritable négation : non X (où X est référence de valeur, d'objet ou de relation) et il est faux que X (où X est une proposition) ; ce qui se traduit par : être différent de X et il est impossible de prouver que X. Le français est plein de fausses négations (qu'on appelle syntaxiques - restrictives ou qualificatives) : ne … que, ne … point, ne … guère, ne pas + inf., nullement, aucunement. Et lorsque le temps s'en mêle, ça donne des curiosités comme : « Les Russes ne seront jamais vraiment policés, parce qu'ils l'ont été trop tôt » - Rousseau.
absurde,concept,france,négation,russie,temps

noblesse
Ce n'est ni la « durée-étendue » (Rousseau) ni l'« intensité-profondeur » (Nietzsche) des grands sentiments qui fait les grands hommes, mais l'intensité de la durée, du devenir, - la hauteur. On est ce qu'on devient, se dit l'homme d'élan ou de plume, tel fut le sens de la vie nietzschéenne, qu'il déforme lui-même dans le paradoxal : « Comment on devient ce qu'on est » - « Wie man wird was man ist » - à moins qu'il y mette simplement le comment au dessus du quoi, ce qui aurait dû donner : comment on est ce qu'on devient.
élan,être,grandeur,hauteur,intensité,sentiment

noblesse
Des vases communicants : « L'imagination gagne autant de vigueur qu'en cède la ratiocination » - G.B.Vico - « La fantasia è tanto più robusta quanto più debole è il raziocinio ». Et Rousseau résume parfaitement l'équilibre recherché : « Les hommes n'eussent jamais été que des monstres, si la nature ne leur eût donné la pitié à l'appui de la raison » Le rêve garde curieusement une certaine auréole, mais là où l'homme moderne prétend rêver, il ne fait la plupart du temps que calculer. Calcul = rêve de raison !
esprit,nature,raison,rêve,robot

noblesse
Les présomptueux (St-Augustin, Rousseau) imaginent pouvoir exhiber leurs vrais visages ; parmi les masqués avoués - profonds ou hautains - il y a ceux qui croient, que le masque les cache (Descartes, Nietzsche) et ceux, les plus lucides, qui les y réduisent (Valéry, Cioran). « L'homme ne vit pas, il s'invente »** - Dostoïevsky - « Человек не живёт, а самосочиняется ». Me montrer ou me cacher sont parfaitement équivalents ; m'inventer est mon seul visage transmissible.
création,hauteur,jeu,soi,voix

noblesse
Des grands, tels Rousseau ou Tolstoï, tentèrent, pitoyablement, de mettre l’homme en eux à la hauteur de l’artiste qu’ils furent. Je ne connais que deux réussites de cet effort, inutile mais noble, – Rilke et R.Debray.
art,défaite,utilité

noblesse
Tu comprends très vite, que les plus beaux de tes rêves sont inaccessibles, irréalisables, et tu acceptes la faiblesse comme leur digne compagne. « Ce sont nos passions qui nous rendent faibles, parce qu'il faudrait pour les contenter plus de forces que ne nous en donna la nature »* - Rousseau.
élan,force,inconnu,nature,réalité,rêve

proximité
Dans toutes les objurgations vers la vertu, de Socrate à Rousseau, Kant ou Tolstoï, on sent tout de suite une désespérante inanité, une banalité mécanique. Que le message de Jésus, nous convaincant de nos péchés inexpiables et nous appelant à la repentance, c'est à dire à la honte, avant même de reconnaître nos fautes, réelles ou imaginaires, est plus juste et honnête !
bien,christianisme,honte,intelligence

proximité
L'amour aérien du lointain, en perdant de la hauteur et en se diluant en étendue ou en se consolidant en profondeur, se mue en souci du prochain, qui s'avère plus performant et juste. Et ils appellent cela « progrès ordonné des affections primitives » (Rousseau)
amour,hauteur,justice,retour

russie
Le Dostoïevsky politicien est un pamphlétaire impuissant et nullement oraculaire. Aucun des personnages des Possédés ne vit le jour (comme le Candide qui leur servit de prototype). Le héros central de la Révolution russe ne fut deviné que par Mérejkovsky dans l'Avènement du Goujat (héritier du gros animal de Platon, du Léviathan de Hobbes, de la multitude de Rousseau).
cité,mouton,révolte

russie
Les plus français des écrivains russes : Pouchkine, Tiouttchev, M.Boulgakov. Les plus russes des français : Rousseau, Lamennais, A.France. Savoir sourire à tout, savoir s'apitoyer sur tous. À propos, le plus français des Allemands, ce serait, ma foi, Nietzsche, qui a dû avoir sous les yeux Voltaire et Rousseau, pour exclure de son champ, par souci d'originalité, leurs thèmes centraux - l'ironie et la pitié.
allemagne,art,france,ironie,pitié

russie
Pour clarifier leurs rapports avec Dieu, le Russe, le Français, l'Allemand, abandonnent leur organe principal – l'âme, l'esprit, le cœur – et comptent, respectivement, sur l'esprit (pour Le connaître), le cœur (pour s'en émouvoir) ou l'âme (pour Le réinventer). Rousseau : « Croirai-je qu'un Scythe soit moins cher au Père, et pourquoi penserai-je qu'il lui ait ôté, plutôt qu'à nous, les ressources pour le connaître ? » - a peut-être raison.
allemagne,âme,cœur,création,dieu,élan,esprit,france,savoir

russie
Tous les courants protestataires russes proviennent d’un mysticisme primitif des francs-maçons du XVIII-me siècle, poussant les hommes à former des clans, des bandes, des cercles clandestins, animés par des formules ampoulées, surréalistes, inopératoires. Celui qui manqua à la Russie, ce n’est ni Voltaire ni Rousseau, mais Montesquieu.
cité,histoire,hommes,lutte,mystère

solitude
Il est plus noble de m'immoler à un autel vide, au lieu de Tout immoler à l'autel de nos dieux ; la fumée y gagne en pureté, le feu - en intensité, l'étincelle - en hauteur. Mais cet autel, où je dépose mes trésors, est une ruine ; je devrais m'y moquer des offrandes d'Héraclite au Temple d'Artémis, de Rousseau - à Notre-Dame, de Valéry - au Palais Chaillot.
ange,auteur,dieu,éléments,être,hauteur,intensité,sacrifice,soi

rousseau j.-j.
L'enfer du méchant est d'être réduit à vivre seul avec lui-même, mais c'est le paradis de l'homme de bien.
solitude
Les deux vivent d'illusions, illusions de fausse franchise ou de vraie bêtise. Et si le bien et le mal n'étaient que des matériaux, dont on pave le chemin - travaux du purgatoire - dont peu compte la destination ? Le vrai solitaire aménage si bien son vide, qu'il résonne de tout regard, qui le parcourt ; le solitaire forcé laisse toute sonorité dehors, rentré chez lui, il est effrayé par tant de silence. Métamorphose chrétienne d'une métaphore païenne.
bien,chemin,christianisme,filtre,mal,matière,métaphore,musique,rêve,silence,…

souffrance
Deux calamités s'opposent à la félicité des hommes – le sérieux et l'inégalité ; c'est pourquoi la plus belle image d'un homme parfait serait la fusion d'un Voltaire de l'ironie avec un Rousseau de la pitié - d'une lumière, profonde et espiègle, avec des ombres, hautes et tragiques.
bonheur,égalité,hauteur,ironie,ombre,pitié,tragédie

souffrance
Les uns croient (Ronsard ou Pascal), que le temps est immobile, et que c'est nous qui passons devant le temps. D'autres y voient « cette image mobile de l'immobile éternité » - Rousseau. On y a une illustration : on souffre dans le devenir, on végète dans l'être.
éternité,être,immobilité,style,temps,vie

souffrance
J'ai honte des jérémiades de ma première jeunesse, qui ressemblent tellement aux récits kierkegaardiens de ses tourments réels, - le sérieux rend mesquine toute peine authentique. En revanche, quel plaisir de suivre les souffrances, fausses et maniérées, des personnages de Goethe ou de Rousseau, où tout est … convaincant, séduisant. La souffrance qu'on vénère ne doit pas toucher terre.
auteur,authenticité,enfance,honte,mensonge,réalité

cioran é.
Être vrai, c'est blesser et se blesser.
souffrance
La vérité est incolore, et ses blessures indolores. C'est dans le beau qu'on exerce ses meilleures lames et c'est par le bien (« la beauté en action est le bien » - Rousseau) que se calment les pires des plaies. Mais ces trois courants coulent d'une même source, la passion, qui est elle-même brisure et blessure. C'est le faux - charité, style, enthousiasme - qui « colore et fait vivre le vrai » (Valéry).
action,amour,angoisse,beauté,bien,commencement,continuité,enthousiasme,intensité,style,…

vérité
Exposer « la vérité de sa nature » (Juvénal, St-Augustin, Abélard, Rousseau, Wittgenstein), ou s'inventer dans des convulsions de la honte (Dostoïevsky, Kafka, Cioran) - les seconds me convainquent davantage de leur authenticité (подлинный-authentique, en russe, ne signifie-t-il pas arraché sous la torture ! Et toute confession digne de notre intérêt devrait s'appeler Historia calamitatum).
auteur,authenticité,création,honte,nature,russie,souffrance

vérité
Je veux dire hautement ce que je fus (Rousseau). Mais mes auditeurs entendraient profondément ou largement, et chercheraient, en vain, le grand que je fisse ou le vrai que je disse ; le soi ne peut habiter qu'en hauteur de l'être.
auteur,être,grandeur,hauteur,soi
Rousseau J.-J.