Nietzsche F.
 

préface
Périodiquement, pendant les quatre siècles précédents, Pascal, Hegel, Nietzsche et Valéry nous proclamaient déjà orphelins de Dieu, mais celui-ci revint en force, plus jovial et sain que jamais, incarné dans des idoles socio-économiques et confirmé par des miracles en béton. Les annonciateurs optimistes comptaient sur la résurrection de Dionysos, c'est Mercure qui plante partout ses lieux de culte. Le Mercure des marchands et non le Mercure des messagers et des interprètes. Avec la puissance des messageries les messages se dévitalisent, et les interprètes, qui nous inondaient jadis de rimes et de rythmes, sont à leur tour submergés par le déferlement de protocoles et de modes d'emploi, les genres qui sont aujourd'hui au service aussi bien des platitudes surfaciques que des profondeurs volumiques. À l'ampleur impassible et toute robotique qui envahit tous les livres de la cité, je veux opposer une hauteur sans échelle ni fondations, séjour d'ironie et de honte, substitut des déserts disparus. Mais que devient son destinataire ? - l'homme est à l'agonie, tandis que ses héritiers putatifs, le mouton et le robot, égarèrent sa dernière volonté.
argent,désert,dieu,enthousiasme,hauteur,ironie,modernité,mort,mouton,platitude,…
 

préface
Le lecteur que je vise serait de l'espèce de plus en plus rare : c'est un amoureux de la noblesse de Nietzsche, de l'intuition de Valéry, du ton de Cioran, c'est un Européen, raté et orgueilleux. L'Europe se tourne vers un avenir transcontinental, la société dépêtre les plus gauches, seule la réussite fait rehausser l'âme de l'homme moderne. Le nombre de lecteurs d'un livre est proportionnel au nombre d'écrivains capables d'en relever l'enjeu. Cioran parti, je ne vois pas qui, dans ce monde dépeuplé, aurait pu s'atteler à la tâche que je me suis imposée, ce qui ne présage pas un grand succès de librairie.
âme,auteur,défaite,europe,hauteur,hommes,style

préface
Héraclite me soufflait : « Voilà quelqu’un qui, en se plongeant dans mon flux, ne pense qu’aux entrées et méprise la nage et la navigation ».
St-Augustin comprit ce que veut ma maîtrise : « Son esprit commande que son âme veuille » - « Imperat animus suus, ut velit anima sua ».
Montaigne fut mon bon lecteur : « En voulant se transformer en bête, il se transforma en ange ».
Pascal saisit le jeu de mes fibres : « Son intelligence sait céder au sentiment ».
Ma recherche de consolations fut bien résumée par Voltaire : « Dans le rêve il trouve son bonheur, en échappant à la réalité ».
Mon ami Nietzsche vit bien la place de mes trésors : « Au commencement il sera ce qu’il est » - « Er ist am Anfang, was er ist ».
Et pour apprécier mon chant de la faiblesse, il faut être Heidegger : « Le Bien n'est pas pour tout le monde, mais seulement pour les faibles » - « Das Gute ist nicht für jedermann, sondern nur für die Schwachen ».
Le regard de ma compagne, M.Tsvétaeva, me suivit dans les éléments opposés : « Il est Phénix ou Narcisse : il chante dans le feu et s’admire dans l’eau » - « Птица-Феникс он, в огне поёт, в воде в себя влюбляется ».
Cioran m'écrivit : « Comment se hasarder encore à une œuvre en partant de l'âme ? Et puis, il y a le ton. Le vôtre - j'en ai peur - sera du genre noble, entaché de mesure et d'élégance ». Curieusement, votre voisin d'en face, de l'autre côté de la rue de l'Odéon, me mettait en garde dans les mêmes termes. Mais les deux furent généreux avec moi ; celui-ci – en introduisant fraternellement ce livre, celui-là – en me laissant de la place, où je peux défier ses appréhensions, en dédiant, à titre posthume, mes soubresauts aux plus défaites des « hautes turpitudes ».
âme,ange,auteur,bien,bonheur,commencement,consolation,danse,éléments,force,…
 

action
L'action est une traduction libre, ce qui justifie cette cohérence : l'humilité devant ce qui est produit, ma face traduite, la fierté devant ce qui produit, ma face intraduisible. Mais leur dénominateur commun est un regard chaud (et non pas froid, comme le prétend Nietzsche) et qui est la valeur même.
acquiescement,axe,création,grandeur,inconnu,regard

action
La hauteur n'est pas dans la capacité d'indiquer les directions (Schiller ou Nietzsche), mais dans celle de voir nettement les chemins à ne pas parcourir. Tous les chemins se dessinent dans l'horizontalité ; dans la verticalité, il n'y a ni tournants ni pentes, que des élans et des chutes : « Le chemin vers la hauteur et le chemin vers la profondeur sont un »* - Héraclite - et il n'est ni spatial ni même bidimensionnel, mais réduit à un point, où demeurera ton regard.
axe,chemin,élan,hauteur,ironie,regard

action
Peser l'homme en fonction de ce qu'il veut (Nietzsche, l'acte-intensité), de ce qu'il peut (Valéry, l'acte-compétence), de ce qu'il doit (Tolstoï, Tagore, les francs-maçons, l'acte-performance) - je le réduirais à ce qu'il vaut dans l'art de fabrication de balances et de l'inaction.
auteur,balance,hommes,intensité,savoir,valoir

action
Préférer l'Agir au Faire, l'action à la production, la résolution de contraintes à l'avance vers le but, la liberté des buts à la liberté des moyens. Aristote : « Seul le mouvement, dans lequel le but est immanent, est l'action-praxis ». L'action-poïésis serait le mouvement animé par le rêve, cette contrainte transcendante, un telos intérieur au-dessus du skopos extérieur (cette action vers l'extérieur - Tat nach außen - Nietzsche) ; le malheur est que, au-delà du rêve défait, sévit le bilan, l'action-prohairésis, qui te laissera, le plus souvent, non pas avec une paix d'âme, mais avec une honte.
angoisse,contrainte,création,honte,liberté,rêve

action
Valéry ne parle que de l'action, et je n'y entends que du rêve ; Nietzsche ne parle que du rêve, et le sot ne lui trouve qu'un appel à l'action.
auteur,rêve

action
C'est en surmontant la fatigue vitale (Lebensmüdigkeit) que Nietzsche espère descendre jusqu'au problème vital (Lebensaufgabe). Oh combien plus prometteur est de céder à la puissance vitale pour monter vers le mystère vital !
force,mystère,vie

action
La musique en mouvement ne peut conduire qu'en caserne ou en cimetière ; c'est la musique de l'immobilité, n'ayant besoin d'aucun chemin, qui m'approche de ce qui m'est infiniment cher et lointain. Aucun silence ne peut la remplacer : « Le chemin vers tout ce qui est grand passe par le silence » - Nietzsche - « Der Weg zu allem Großen geht durch die Stille ».
angoisse,chemin,grandeur,immobilité,mouton,musique,silence

action
La sensation de puissance vient soit de l'action (force matérielle), soit de la maîtrise des métaphores (force créatrice), soit, enfin, de la noblesse (force de l'âme). Nietzsche est fort, dans le deuxième sens, son Zarathoustra - dans le troisième, mais tous les deux sont dérisoirement faibles, dans le premier sens. D'où toute l'ambigüité de la volonté de puissance. « Toute mon action est résultat de ma faiblesse »** - H.Hesse - « All mein Tun kommt aus Schwäche ».
force,matière,métaphore,noblesse,philosophie

action
Il faudrait parler de volonté en et non pas de puissance, puisque Nietzsche refuse à cette volonté le statut d'une faculté, devant déboucher sur une action ; chez lui, elle n'est qu'en puissance, puisqu'elle se réduit à une pulsion, à un affect, à une intensité, qui peuvent se passer de faits et de causes.
force,intensité,réalité

action
Trois clans philosophiques, en fonction du réceptacle prévu pour l'être : la réflexion (Heidegger), l'action (Sartre), le rêve (Nietzsche).
esprit,être,philosophie,rêve

action
Ce qui est grand dans le combat de Nietzsche, c'est qu'on ne voit jamais ni ses ennemis ni ses alliés ni l'origine du conflit ni les trophées escomptés ni la direction de ses flèches. On sent une corde bandée, on oublie les carquois. L'intensité.
flèche,force,grandeur,lutte

action
Créer résulte du devoir (le Christ) ; créer équivaut au vouloir (Nietzsche) ; créer traduit le pouvoir (Valéry). Créer, c'est une unification des trois ; créer, c'est le soi connu, la face lisible du soi inconnu, du valoir.
création,inconnu,valoir,soi

action
L'homme Nietzsche n'a rien à voir avec la puissance, comme l'homme Valéry - avec l'action ; mais, pour tous les deux, savoir est synonyme de vouloir, d'où un remarquable parallèle entre la volonté de puissance et le savoir-faire, qu'ils choisirent pour leurs emblèmes respectifs.
force,savoir,valoir

action
Vivre des tempêtes (de l’espérance) et toucher aux gouffres (du désespoir), sans quitter le rivage, soupirer - « Suave, mari magno… » (Lucrèce). Nietzsche a tort de pousser le philosophe vers le navire en perdition - troquer ses ruines contre une épave ? Pour exposer le meilleur des arts de navigation, le naufrage n'est pas un but suffisant, mais une contrainte nécessaire. « Navigare necesse, vivere non necesse » (Plutarque) - que des Hanséatiques ou internautes s'en accommodent, affaire d'échanges, lucratifs ou ludiques.
argent,contrainte,défaite,espérance,europe,immobilité,jeu,mort,nécessité,philosophie,…

action
La philosophie au marteau dionysiaque de Nietzsche (ou le marteau de l'art, chez Marx, défiant le miroir, ou le bistouri de Foucault neutralisant la folie) porte la même innocuité que l'arc d'Apollon, dont on ne fait que bander les cordes, ou la lance de Don Quichotte, qui ne sert qu'à pointer le ciel, tout en ratant les moulins.
art,flèche,folie,ironie,philosophie

action
Pour dédaigner de marcher, il faut avoir des ailes. Mais si tu as envie de marcher, oublie que tu as les ailes. Et Nietzsche se trompe de chronologie des apprentissages : « Qui veut apprendre un jour à voler doit d'abord apprendre à marcher » - « Wer einst fliegen lernen will, der muß erst stehn lernen ». Comme la prose naquit jadis d'une poésie exténuée, la marche est de la danse perdant de son envol.
danse,erreur,étoile,poésie

action
Tant d'enthousiastes rêvaient du jour, où la vérité serait la force, où le savoir se traduirait immédiatement en pouvoir. Ce jour est venu. On pourrait continuer à tenir à la beauté du mot, on serait sans doute horrifié de la complicité du savoir et du pouvoir. « On paye cher l'accès au pouvoir : le pouvoir abêtit » - Nietzsche - « Es zahlt sich teuer, zur Macht zu kommen : die Macht verdummt » - mais encore davantage abêtit le savoir moderne. Quand la force était la vérité, quels beaux mensonges chérissions-nous !
beauté,enthousiasme,force,mensonge,mot,rêve,savoir,vérité

action
Les goûts du médiocre viennent des habitudes aléatoires, et ses partis pris - des actions imposées. Mais le parti pris dans le goût et l'habitude dans le geste sont peut-être moins blâmables. La philosophie, préconisée par Nietzsche, ne devait-elle pas « anticiper les possibilités du nihilisme de parti pris » - « die Möglichkeiten des grundsätzlichen Nihilismus vorwegnehmen ». L'homme est si prompt à se fabriquer des scénarios, de raisonnement ou de conduite, que l'hypothèse darwinienne qu'au Commencement divin était l'Habitude a l'air assez plausible.
commencement,fanatisme,goût,nihilisme,philosophie

action
Ce n'est pas parce que la cible lui « fait défaut » (Nietzsche) que le nihiliste néglige de lâcher ses cordes, mais la vulgarité des flèches lui fait mépriser le métier d'archer. Comme d'ailleurs les métiers de vivre ou d'écrire : « Avoir écrit te laisse comme un fusil, une fois le coup parti » - Pavese - « Aver scritto ti lascia come fucile sparato ».
art,fanatisme,flèche,haine,nihilisme,vie

action
La fidélité au désir ou son sacrifice, l'épicurien ou le stoïcien, auraient pu s'équivaloir si, au lieu de s'intéresser à la volonté, c'est à dire à l'inertie ou à la fuite en avant, ils se penchaient sur la puissance, c'est à dire sur l'intensité et son retour éternel ; c'est ainsi que Nietzsche interpréta la misérable idée spinoziste : la béatitude (le conatus) résiderait dans l'augmentation (le progrès, donc, – à l'opposé de l'éternel retour) de la puissance d'agir, tandis que, pour Nietzsche, il s'agit de la puissance de rêver. Comme quoi, les (pseudo-)parentés philosophiques se fondent sur les mots et non pas sur le sens.
bonheur,continuité,élan,éternité,mot,philosophie,retour,rêve,sacrifice

action
L'essentiel n'est ni dans la promesse du sensible (Nietzsche), ni dans le souci de l'effable (Heidegger), ni dans le geste du faisable (Sartre) - ce sont trois types d'homme fort, trois types d'audace anticipante, qui finiront tous dans le troupeau - l'essentiel est dans la vénération résignée de l'indicible.
acquiescement,amour,audace,espérance,force,inconnu,mouton

action
Le culte de l'avant-dernier pas a des noms malheureusement compromis : avant-décision - hypo-crisie, ou avant-jugement - pré-jugé (l'exemple célèbre est donné par la mort, qui, aux yeux de Dieu, n'est qu'un pré-jugé, Vor-Urteil - Nietzsche). Il ressemble au désir d'Aristote ou Spinoza - vision des fins dépourvue de moyens - mais je l'associe plutôt au repérage de contraintes. Cette recherche débouche souvent sur un autre nom compromis : la scolastique - la noble oisiveté.
auteur,contrainte,dieu,élan,goût,immobilité,interprétation,justice,mort,vie

action
Nietzsche arrive bien à ce postulat désabusé : il n'existe pas de moyens nobles pour atteindre un but noble ; mais au lieu de rétrograder le but visible au titre de source illisible, il se met à accepter tous les moyens, y compris ceux qui n'anoblissent guère le but.
commencement,contrainte,flèche,inconnu,noblesse

action
Chercher dans le nécessaire - le désirable (amor fati), que vaut cette morne litanie des stoïciens et nietzschéens à côté de l'éclat du : trouver dans le désirable - le nécessaire (fatum amoris) !
amour,intensité,nécessité

action
Ne viser que les premières ou les dernières des cibles de l'homme, sans relâcher la corde de ton arc, comme un certain marteau philosophique (Nietzsche) ne visait que les clous, destinés au berceau ou au cercueil de l'homme. La médiocrité des contraintes est pire que la médiocrité des buts.
commencement,contrainte,flèche,intensité,platitude

action
Une place négligeable pour le bien, dans l'action réelle, une place modeste - pour le vrai, une place capitale - pour le beau. L'art est presque la seule action métaphysique (metaphysische Tätigkeit - Nietzsche) immédiate.
art,beauté,bien,philosophie,réalité,vérité

action
Pascal, Nietzsche et Valéry sont d'accord, pour ne pas glorifier le soi connu, c'est à dire nos productions ; mais là où Pascal le proclame haïssable, et Nietzsche lui voue une haine farouche, Valéry, le plus intelligent des trois, se contente de le trouver insignifiant.
esprit,haine,intelligence,soi

action
La volonté de puissance, surtout celle que Nietzsche appelle volonté d'un ordre (Wille ist Befehl), ressemble beaucoup à mes contraintes : l'action extérieure en est exclue, seule est visée l'intensité intérieure, intensité qui est fusion de la volonté et de la puissance, du sentiment et de la raison. Et le soi inconnu serait la hauteur même. « Volonté de puissance : accéder à la hauteur au-dessus de son soi » - Heidegger - « Wille zur Macht heißt : die Ermächtigung in der Überhöhung seiner selbst ».
auteur,contrainte,hauteur,inconnu,intensité,raison,soi,valoir

action
Ce que les hommes font, est de plus en plus inattaquable. Ce qu'ils pensent et ce qu'ils sentent est de plus en plus morbide. Mécanique des gestes, mécanique des cœurs. La synthèse : le vivant plaqué sur du mécanique (l'analyse de Bergson voyait le contraire). Et c'est précisément ce caractère mécanique qui accorde les actes et les pensées et qui est à l'origine du fléau de ce siècle - le pullulement des consciences tranquilles. « Votre esprit est emprisonné dans votre bonne conscience »*** - Nietzsche - « Ihr Geist ist eingefangen in ihr gutes Gewissen ». La recta ratio et la recta conscientia vont rarement de pair, quoiqu'en pense Cicéron.
angoisse,cœur,commencement,conscience,hommes,idée,raison,robot,sentiment

action
Le créateur, souvent, est à l'opposé de l'homme d'action ; au second on dit (de Pythagore à Nietzsche) : deviens ce que tu es ; au premier – sois ce que tu deviens.
création,être

action
La hauteur du ciel s'offre à tous, mais son appel est perçu de deux manières : soit il fait chercher des chemins et met en marche nos pieds et nos calculs, soit il se transforme en élan et réveille nos ailes et nos âmes. Et Goethe : « Du ciel, en passant par le monde, vers l'enfer » - « Vom Himmel durch die Welt zur Hölle » - parle d'un enfer collectif. Nietzsche voit un ciel et un enfer personnels : « Le sentier vers mon propre ciel passe toujours par la volupté de mon propre enfer » - « Der Pfad zum eigenen Himmel geht immer durch die Wollust der eigenen Hölle », tandis que le ciel, ou Dieu, est toujours commun pour les hommes fraternels. N'est personnel que l'élan, mais il exclut tout chemin.
âme,chemin,dieu,élan,fraternité,hauteur,voix

action
La même nécessité d'action se lit dans le conatus spinoziste, la volonté schopenhauerienne ou nietzschéenne, l'élan vital bergsonien. Mais sa nature peut être soit mécanique soit organique : soit développer l'idée par un discours sans vie, soit envelopper le discours du souffle de l'idée. La cohérence discursive du pouvoir ou l'intensité inchoative du vouloir. La puissance de la volonté ou la volonté de puissance.
continuité,discursif,élan,force,idée,intensité,nécessité,robot,valoir,vie

action
Quand on s'attache au mât au-dessus des rameurs et prêche une haute voilure, on ne fait plus attention aux fuites de la vie dans les cales profondes. Odysseus, en s’attachant au mât, suivit le conseil, que Nietzsche adressait aux philosophes.
défaite,hauteur,musique,philosophie,vie

action
Ton soi connu se manifeste dans ton action et dans ton corps ; ton soi inconnu se devine dans ton cœur et dans ton esprit. « Derrière tes pensées et sentiments se tient un sage inconnu, appelé le soi »** - Nietzsche - « Hinter deinen Gedanken und Gefühlen steht ein unbekannter Weiser – der heißt Selbst ».
cœur,esprit,idée,inconnu,sentiment,soi

action
Jadis, l’acte fut directement associé au vouloir ; la modernité le réduit en savoir et au pouvoir ; la volonté devint moutonnière ou, pire, robotique. Aucune métaphysique de l’acte n’est plus possible. Il faut enterrer Descartes et Kant et ressortir Nietzsche.
modernité,mouton,philosophie,robot,savoir,valoir

action
Pour eux, la volonté est une flèche affairée qui vise la puissance (Nietzsche) ou la réalité ( (Schopenhauer) – Drang nach Realität) ; pour moi, elle est une flèche immobile, visant un rêve inaccessible, et ma puissance est dans l’arc complice, arc du goût.
auteur,flèche,force,goût,immobilité,inconnu,réalité,rêve

action
Les épopées homériques de déroulent autour de l’agon (compétition) et de la victoire, si chers au jeune Nietzsche, faux guerrier ; mais plus on s’approche de la solitude, plus on s’éloigne de l’olympique compétition publique, qui finit par prendre l’allure d’un combat hésiodique, où tu ne combats qu’un ange, un démon ou un sous-homme, tous imaginaires, - tu es près du Nietzsche mûr.
ange,défaite,histoire,lutte,mouton,solitude

action
Les centres d’intérêt d’un créateur se forment par la focalisation de ses innovations sur l’échelle temporelle : depuis longtemps on épuisa les ressources tactiques (changement de parcours) et stratégiques (changement de buts). Il ne restent que des inventions de nouveaux principes de départ (changement de commencements). Les derniers à l’avoir compris sont Nietzsche et Valéry.
chemin,commencement,création,temps

pascal b.
On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais en touchant les deux à la fois et en remplissant tout l'entre-deux.
action
La fidélité et le sacrifice, la pitié et l'ironie, la passion et le génie, l'humilité et l'outrecuidance, la foi et le doute, la justice et l'intimité, le héros ou l'ermite, le nihilisme et l'acquiescement. On peut toucher aux oasis opposées et mirifiques des mots-mirages, sans remplir le désert de la narration. Tout remplissage des bas-fonds rabaisse les sommets. Ce dont rêvait Pascal fut accompli par Nietzsche ! L’axe, chargé d’une même intensité !
acquiescement,axe,discursif,désert,doute,fanatisme,grandeur,hauteur,intensité,ironie,…

schopenhauer a.
Der Wille ist die Wärme, der Intellekt - das Licht.

La volonté est ardente, et l'intellect - lumineux.
action
Nietzsche tenta de renverser cette banalité, en faisant de la volonté un guide et de la vie intellectuelle - une intensité. À l'époque romantique, la volonté fut chargée de rythmes ; à notre époque robotique, elle n'exprime que des algorithmes. Jadis, l'âme se servait de la lumière intellectuelle, pour répandre de belles ombres ; aujourd'hui, les âmes sont paralysées par la grisaille des intellects calculateurs.
âme,intensité,modernité,ombre,robot,romantisme,valoir,vie

emerson r.w.
Whatever makes us either think or feel strongly adds to our power and enlarges our field of action.

Tout ce qui nous fait éprouver des sentiments ou pensées forts contribue à notre pouvoir et élargit notre champ d'action.
action
Jadis, au lieu d'élargir le champ d'action, tâche des minables, les grands sentiments rehaussaient le regard jusqu'à rendre les mains émues - immobiles. « Je l'ai fait - me dit la mémoire, Non, je ne pouvais pas du tout le faire - me dit mon intraitable orgueil, et la mémoire dut plier devant l'orgueil » - Nietzsche - « Ich habe es getan - sagte mir mein Gedächtnis, Nein, das konnte ich gar nicht tun - sagte mir mein Stolz und war unbeugsam, und das Gedächtnis mußte sich dem Stolz beugen ».
grandeur,immobilité,mémoire,platitude,regard,sentiment,valoir

nietzsche f.
Man führt extreme Handlungen auf Eitelkeit, mittelmäßige auf Gewohnheit und kleinliche - auf Furcht zurück.

On ramène les actions extrêmes à la vanité, les médiocres - à l'habitude et les mesquines - à la peur.
action
De même, on ramène l'inaction extrême à la noblesse, la médiocre – à la paresse, la mesquine – à la bassesse. Et en passant, sur les deux échelles, on reconnaît si l'on a besoin d'une Psyché, d'un psychologue ou d'un psychiatre.
âme,angoisse,bassesse,grandeur,noblesse,platitude

nietzsche f.
Es fehlt der Philosoph, der Ausdeuter der Tat, nicht nur der Umdichter.

Le philosophe fait défaut, l'interprète de l'action, et non pas seulement celui qui la transforme en poésie.
action
Que l'interprète calcule la valeur de l'action, le poète fixe le vecteur du rêve. Le poète-philosophe élabore une telle représentation des acteurs et des pièces à jouer, que l'interprétation ramène l'action à la fonction de décor. Ne pas attacher à l'action de rôles déterminants – tel devrait être le meilleur résultat de l'interprétation. L'inaction, ce privilège des nobles, découle des contraintes que je me donne.
art,auteur,axe,contrainte,création,filtre,interprétation,noblesse,philosophie,poésie,…

amour
Dans le regard, il devrait y avoir de la grâce et de la pesanteur, de ce qui est charmant et de ce qui est charmeur, comme dans le regard de femme, qui prolonge ou complète ce que la bouche n'ose pas prononcer. « La femme enrichit la hauteur de la vie et en multiplie la profondeur »*** - Nietzsche - « Durch Frauen werden die Höhepunkte des Lebens bereichert und die Tiefpunkte vermehrt ». Elle voit plus de branches à variables que de constantes racines. Le regard est un interprète, et l'interprétariat, c'est le contraire de l'empreinte.
arbre,audace,caresse,femme,hauteur,interprétation,négation,regard,vie

amour
Trois hypostases, à hiérarchie variable, nous résument : celui qui crée, celui qui connaît et celui qui aime. Leur fusion (l'ambition des sots) n'a aucun sens, bien que même Nietzsche succombe à l'illusion : « Toute création est l'envoi de messages : tout y est un - ce qui connaît, ce qui crée, ce qui aime » - « Alles Schaffen ist Mitteilen. Der Erkennende, der Schaffende, der Liebende sind Eins ». L'illusion vient de la fausse association du philosophe avec la connaissance et du saint - avec l'amour (« Le philosophe, l'artiste, le saint - c'est tout un » - Heidegger - « Der Philosoph, der Künstler, der Heilige - Eins »), tandis qu'ils n'en sont que chantres, sans être ni savants ni amoureux ; réunis, ils forment un poète. Les connaissances – contraintes négatives, l'amour – positives. La création – chemin.
absurde,art,contrainte,création,philosophie,poésie,savoir

amour
La volupté nous conduit au seuil de la chute, et l'esprit en crée la hauteur ou nous munit d'ailes. « La spiritualisation de la sensualité s'appelle amour »** - Nietzsche - « Die Vergeistigung der Sinnlichkeit heißt Liebe ». La spiritualité est créatrice d'images soudaines, indéchiffrables et éclatantes, en sursaut ou en pointillé, dont se nourrit l'ombrageuse sensualité, adepte du continu.
caresse,continuité,esprit,hauteur,inconnu

amour
Les plaisirs de l'esprit ou du corps ne sont pas si différents de nature ; il suffit d'observer, que la source des meilleures voluptés, que procurent soit les images fortes soit les mains accortes, est la même - la caresse. Le philosophe doit y être aussi expert que l'amant. Nietzsche, ne voulait-il pas être amant de la vérité même (der Wahrheit Freier) !
caresse,esprit,vérité

amour
Chez les écrivains, il y a une énigmatique relation entre la qualité de leurs amours secrètes et le degré de fébrilité de leur style ; mais je ne saurais déterminer où est la cause et où est l'effet. Les amours délicates favoriseraient les classiques (Goethe, Flaubert, Valéry), les amours banales réveilleraient les romantiques (Lamartine, Hugo, Pasternak), les amours vulgaires pousseraient les véhéments (Tolstoï, Nietzsche, Cioran). L'esprit, le cœur ou le corps y sont conducteurs de leurs émois. Mais il semblerait que le plus parfait organe de l'amour fût, malgré tout, l'âme (Goethe serait du même avis) ; et c'est l'exemple unique de Tsvétaeva, qui connut toutes les trois sortes d'amour et n'aima que de l'âme, et qui en est la plus belle et la plus tragique illustration.
âme,cœur,élite,esprit,romantisme,style,tragédie

amour
Que le délire philogyne des vieux Casanova, Goethe ou Tiouttchev me séduit davantage que ne me convainquent des savantes analyses des misogynes, vautrés dans leur misère sexuelle, tels que Byron, Schopenhauer ou Nietzsche ! Un manque cruel d'ironie, pour bien digérer ses déboires. Un manque, plus cruel encore, d'imagination, pour chanter ce qu'on ne connaît pas.
défaite,esprit,ironie,savoir

amour
On reconnaît trois tons distincts dans la littérature : de ceux qui ne sont pas aimés, de ceux qui le sont, de ceux qui s'en fichent. Ceux-ci : Dostoïevsky, Flaubert, Valéry. Les deuxièmes : Montaigne, Tolstoï, Rilke. Les premiers : Pascal, Nietzsche, Cioran.
art,goût

amour
L'axe contrainte - liberté reste assez insignifiant ; à contrainte il faut chercher un opposé, suivant le sens du toucher, et je le verrais dans caresse. Au commencement était peut-être le toucher : la caresse ou la contrainte (die Zucht de Nietzsche).
auteur,axe,caresse,commencement,contrainte,liberté,négation

amour
Depuis Jésus, on sait que Dieu est Amour (Éros), mais Marx lui oppose Polémos, NietzscheDionysos, FreudThanatos. Le soupçon tue l'amour.
dieu,élan,lutte,mort,négation

amour
Une vie sentimentale à deux perd de la profondeur, quand la femme veut définir l'harmonie des fins, et cette vie perd de la hauteur, quand l'homme veut se charger de la mélodie des sources. « L'homme dicte le rythme et l'harmonie ; la mélodie naît dans la femme » - Nietzsche - « Der Mann bestimmt Rythmus und Harmonie ; die Melodie stammt vom Weibe ». L'erreur double les condamne à la platitude.
commencement,erreur,femme,hauteur,musique,platitude,sentiment

amour
Le culte du saint amour ou de la sainte écriture consiste à en vivre le saint commencement. La téléologie ou le changement en sont ennemis. « L’amour redoute le changement plus que la destruction » - Nietzsche - « Vor dem Wechsel graut der Liebe mehr als vor der Vernichtung ».
art,commencement,grâce,mort

amour
Une attitude qui, par la volonté bien bête d’être original en tout, répugne à l’instinct charnel (le Nietzsche frustré et le Valéry comblé y succombent), cette attitude ne voit pas qu’on n’est en partage avec les autres que par l’esprit et non pas par le cœur. Et l’ivresse d’un cœur débordant ou d’un corps palpitant est semblable à l’ivresse de l’âme enchantée, à l’écoute d’une musique. L’esprit devrait se taire ou s’éclipser devant toute ivresse incompréhensible ou cachottière.
absurde,âme,caresse,cœur,défaite,élan,esprit,mouton,musique,silence,…

amour
On peut sacrifier la vérité au nom du Bien, mais le Bien peut être sacrifié au nom de la Beauté ou de l’amour. Ce que Nietzsche dit de l'amour : « Ce qu’on fait par amour, s’accomplit toujours par-delà le Bien et le mal »** - « Was aus Liebe getan wird, geschieht immer jenseits von Gut und Böse » - s'applique aussi à l'art.
art,beauté,bien,mal,sacrifice,vérité

amour
Dans la vie ordinaire, le poète ou l’amoureux se soumettent à l’éthique commune ; mais, une fois à l’œuvre dans l’art ou dans l’amour, ils doivent devenir esclaves de la beauté ou de l’amour, puisque c’est c’est le seul moyen d’en entretenir l’intensité. « Malheur à tous les amoureux, qui n’auraient pas encore atteint une hauteur, au-dessus de leur pitié ! » - Nietzsche - « Wehe allen Liebenden, die nicht noch eine Höhe haben, welche über ihrem Mitleiden ist ! ». Et même sur terre, la pitié menace l’amour : « L’amour n’est plus en sécurité, si la pitié rôde autour » - G.Greene - « Love isn't safe when pity's prowling around ».
beauté,hauteur,intensité,pitié,poésie

amour
La volupté est un plaisir d’origine divine ; on pourrait donc dire qu’elle vaut l’éternité ou veut son retour éternel. La volonté y est secondaire, quoi qu’en pense Nietzsche : « Toute volupté veut l’éternité » - « Alle Lust will Ewigkeit  ».
bonheur,dieu,éternité,retour,valoir

amour
La poésie est à la prose ce que le regard est aux yeux ; le poète, les yeux fermés, se sert de son regard pour recréer les objets illusoires, engendrant des émotions réelles. L’amour est l’un de ses instants bénis, où l’on puisse se passer d’yeux : « L'amour est l'état dans lequel les hommes ont les plus grandes chances de voir les choses telles qu'elles ne sont pas »* - Nietzsche - « Die Liebe ist der Zustand, wo der Mensch die Dinge am meisten so sieht, wie sie nicht sind » - seulement il ne les voit pas, il les crée.
création,poésie,regard,sentiment

racine j.
Présente, je vous fuis, absente, je vous trouve.
amour
Vous tenir, dans mes bras, absente, - de magnifiques indécisions spatiales, plus belles que l'indécision temporelle du « To be or not to be » ! L'appel de la proximité, auquel on répond par : se perdre dans l'ampleur, chanter la hauteur (Nietzsche) ou viser la profondeur (Schopenhauer).
doute,hauteur,proximité,rêve,temps

nietzsche f.
Eure Liebe zum Leben sei Liebe zu einer höchsten Hoffnung.

Que ton amour de la vie soit l'amour d'un espoir suprême.
amour
Que tu n'atteindras jamais et n'en palpiteras que de loin. L'espérance s'adresse à ton regard, non pas à tes projets ; plus que l'horizon de ton acte, elle forme le firmament de ton rêve.
action,espérance,proximité,regard,vie

nietzsche f.
Wo man nicht mehr lieben kann, da soll man - vorübergehn !

Là où l'on ne peut plus aimer, on devrait passer sans s'arrêter !
amour
Et encore moins là où l'on veut aimer ! S'en aller, vers l'altissime. Ou vers le bas, si le ciel est hostile. L'amour ne peut jaillir que d'ailleurs.
étoile,hauteur,intensité,proximité,valoir

nietzsche f.
Wen ich liebe, den liebe ich Winters besser als Sommers.

Si je t'aime, que ce soit plutôt en hiver qu'en été.
amour
En été assourdissant, je confondrai souvent ma voix avec celle des autres. Le printemps hymnique et l'élégiaque automne me mettront en mouvement, tandis que je cherche une immobilité. Avec les chutes du mercure, il est plus facile de vivre ma chute dans la funèbre solitude. Mettre les naissances en berne, mettre les morts en transe - tâches d'une sombre ironie. « Loin des gens qui meurent sur les saisons. L'automne » - Rimbaud. Porteur d'un climat ne compte pas, non plus, sur l'éternel printemps, promis par Zarathoustra.
auteur,climat,commencement,enthousiasme,immobilité,ironie,mélancolie,mort,solitude,voix

nietzsche f.
Eine schöne Frau hat doch etwas mit der Wahrheit gemein : beide beglücken mehr, wenn sie begehrt, als wenn sie besessen werden.

La belle femme et la vérité, toutes les deux, donnent plus de bonheur lorsqu'on les désire, que lorsqu'on les possède.
amour
Bonheur des étiquettes, bonheur d'une liqueur en bouche, bonheur d'une ivresse - muni d'un bon goût, toute lecture, érotique ou logique, peut tourner en fête heureuse. Plus immatériel est ton désir, de moins de rêves on pourra te déposséder ; le romantisme se moquant du stoïcisme : « Quel est celui qui possède le plus ? - Celui qui désire le moins » - Sénèque - « Quis plurimum habet ? Is qui minimum cupit ».
bonheur,caresse,élan,femme,goût,maîtrise,matière,philosophie,raison,romantisme,…

tsvétaeva m.
Чувство всегда начинается с максимума, а у поэтов на этом максимуме и остаётся.

Le sentiment est au maximum à sa naissance et, chez les poètes, il ne va pas plus loin.
amour
Nietzsche veut remplir toute forme avec une même intensité, ce qui en constitue l'éternel retour ; Tsvétaeva va en sens inverse : étant donnée l'intensité, lui trouver une forme, ce qui en constitue la création : « À toute intensité, venue d'ailleurs, imaginer ce qui la forcerait, de nouveau, à se remplir » - Benjamin - « Jeder Intensität als Extensivem ihre neue gedrängte Fülle zu erfinden ». C'est dans le sentiment que Valéry place et le départ et le retour : « Je cherche le calcul du sentir - penser - agir, qui définit l'Éternel Présent ». L'homme fade attend tout de l'accroissement, du passage du simple en expression au complexe en sentiment. Du complexe en expression au simple en sentiment est peut-être le seul cheminement, qui préserve la hauteur. Le vrai sentiment sait, qu'il est condamné, et n'attend rien de l'expérience. « Tu seras simple si, sans t'impliquer dans le monde, tu l'expliques » - St-Augustin - « Eris simplex, si te non mundo implicaveris, sed ex mundo explicaveris ».
action,art,chemin,commencement,création,défaite,éternité,hauteur,intensité,négation,…

art
Trois races d'écrivain-éponge : ceux qui s'adressent aux contemporains (solution temporelle), aux pairs (problème spatial), à soi-même (mystère vital). Le message universel ne naît que chez les derniers : Nietzsche, Valéry, Cioran. Et leurs morts, étrangement espacées chaque fois d'un demi-siècle précis…
mort,mystère,soi,temps,universel,vie

art
On comprend ce qu'est un bon écrivain, en confrontant les plaisirs comparables à la lecture de Nietzsche ou de Valéry : le premier écrit avec son corps, sans se soucier du mental ; le second occulte le corps et ne fait que sonder les états mentaux, mais j'y retrouve le même homme, hors tout cadre temporel ou spatial, l'homme seul, résumant tout l'univers.
esprit,solitude,temps,universel

art
Je n'apprécie pas la verticalité de la lumière de midi, si chère à Nietzsche, je tiens à la verticalité des ombres, que réussissent le mieux les matinaux, ceux qui vivent des commencements. L'école romantique qualifiait de penseurs matinaux - les pré-socratiques, ce qui est un beau compliment.
auteur,commencement,hauteur,ombre,philosophie,romantisme

art
L'art de l'éternel est dans la musique, l'objet central d'une bonne philosophie, qui ne peut être que poétique : « Seul le philosophe est poète »* - Nietzsche - « Nur der Philosoph ist Dichter ». Par un malentendu terminologique, pauvre Platon, cet authentique poète, n'entendant goutte à la mathématique, n'invitait à l'Académie que des géomètres, (ceux qui savent évaluer les choses terrestres). Lui, qui n'offrait aux hommes que des mythes, s'en prend à ses confrères : « Je mets au défi les passionnés de la poésie de montrer, qu'elle est non seulement réjouissante, mais aussi bénéfique à la vie humaine ordonnée » - Platon. Mais peut-être le chaos et le spleen sont les seuls éléments, dans lesquels la poésie ne se noie pas.
école,éternité,mot,musique,ordre,philosophie,poésie,science,souffrance,utilité

art
Les plus ambitieux visent la fusion langagière du statufié et de l'exalté : Heidegger, avec ses révérences à Sophocle et Hölderlin, fait chou blanc dans un langage pourtant naturel ; Cioran, avec Valéry et Nietzsche en références, tire son épingle du jeu dans un langage entièrement inventé.
artificiel,création,langue,sentiment,style

art
Tout travail littéraire est érection d'un temple, autour de ton image, que tu aimerais vénérer. Les apports des autres sont de deux types : fournir des matériaux impérissables ou démolir d'autres idoles. La dernière catégorie est la plus rare, et son rôle est capital ; ma reconnaissance va à Nietzsche, à Valéry, à Cioran, les seuls à savoir renverser les épouvantails du savoir et des écoles. Je me construis autour de leurs questions : Pourquoi je suis le mieux sculpté ? mes miracles sont-ils le plus inattendus ? Comment prier au milieu des ruines ?
amour,auteur,école,grâce,matière,mystère,question,ruines,savoir,soi,…

art
J'aimerais, qu'on comprît, que ce livre aurait gardé tout son sens, si je n'avais pas lu un seul des auteurs, qui en font le fond lointain ou le cadre immédiat. Nous sommes au temps des orages ; des nuages aléatoires traînent au-dessus de nos âmes réceptrices, chargées d'images et d'émotions ; l'éclair doit ne garder que le souvenir de nos âmes illuminées. Un bon exemple de fortuité des nuages passagers : pour Nietzsche - le bref passage de Schopenhauer et de Wagner, aux fonctions météorologiques.
âme,auteur,maxime,mémoire,sentiment

art
Cioran croit, sérieusement, que ce qu'il a à dire est plus important que son style ; Nietzsche occulte le fond et soigne le ton ; Valéry est parfaitement conscient de la part et du fond et de la forme. Le premier ne comprend rien ; le deuxième ne cherche pas à comprendre ; le troisième comprend tout. Mais on ne retiendra de tous les trois que la forme, puisque n'importe qui peut comprendre et même narrer notre fond commun. Tous les trois savent chanter, et peu importe si ce qu'ils ont à dire s'y mêle.
danse,esprit,intelligence,intensité,style

art
Les Chateaubriand et les J.Joubert (les Goethe et les Lichtenberg, les Nabokov et les Chestov) semblent être incompatibles. Le second se serait mis à imiter le premier - le rire de l'auteur nous empêcherait de nous émouvoir. Le premier se serait aventuré dans le genre du second - le rire du lecteur compromettrait toute estime. Il est clair qu'entre Chateaubriand et rien il y ait moins d'espace qu'entre Joubert et n'importe qui. Des exceptions : Shakespeare, Voltaire, Nietzsche, Tolstoï.
école,esprit,ironie,maxime

art
Tout texte - autant en poésie qu'en plomberie - est une suite de métaphores : de banales, de mauvaises, de bonnes. Dans la grande littérature, cette proportion est de 90 - 9 - 1 ; chez Nietzsche : 20 - 10 - 70 ; chez Valéry : 30 - 5 - 65 ; chez Cioran : 5 - 10 - 85.
balance,esprit,goût,ironie,métaphore

art
Trois dons majeurs d'écrivain - un tempérament, une hauteur, une ironie - que possèdent, séparément et sans partage, trois maîtres français : Bloy, Valéry, Cioran (en Allemagne, la morgue et le nihilisme de Schopenhauer et le port altier de Nietzsche ; en Russie, depuis l'espiègle Pouchkine, ironie est synonyme de légèreté). Sans atteindre les sommets de chacun, dans sa spécialité, ce livre aimerait en présenter l'équilibre.
allemagne,fanatisme,france,hauteur,intensité,ironie,nihilisme,noblesse,ordre,russie

art
La seule nourriture terrestre est la vie, tout écrit ne vaut qu'en tant qu'un excitant (Valéry jugeant Pascal ou Nietzsche). Mais c'est, curieusement, Nietzsche qui considérait comme excitants pernicieux, barbarica, ce qu'est la vraie vie : « erotica, socialistica, pathologica. ».
caresse,cité,intensité,vie

art
L'étrange surdité du goût chez ceux qui en ont pourtant une bonne vue : Platon préférant les généraux aux poètes, Nietzsche reconnaissant son devancier en Spinoza, Nabokov sélectionnant Robbe-Grillet, Valéry et ses faux modèles de Descartes et de Mallarmé, Cioran en admirateur de Saint-Simon ou Fitzgerald, G.Steiner voyant le plus grand génie du siècle en Proust (qui est pire que Saint-Simon, tout en pratiquant la même tonalité sirupeuse et nauséabonde).
gloire,goût,grandeur

art
Dans le genre discursif, les seuls archétypes, qu'on aurait dû peindre, seraient l'ange et la bête, ou les deux à la fois, au sein d'un même personnage. Les seuls à l'avoir tenté sont Dostoïevsky et Nietzsche ; chez les autres, il y a tellement d'impuretés ou de puretés mesquines, débouchant sur la grisaille réaliste.
ange,bassesse,discursif

art
Le soi inconnu est, tandis que la meilleure facette du soi connu, la créatrice, devient. La musique, cette traduction de l'indicible voix du soi inconnu, est un processus et non pas un état. Ce serait le sens de l'appel nietzschéen de devenir ce que tu es.
création,inconnu,musique,soi

art
Type de livre, qui me plaît : débouchant sur déshérence plutôt que source à résonances et encore moins à conséquences. Je veux sentir davantage ce qu'on exclut, que ce qu'on enferme. « Je trouvai chez Nietzsche, non point une incitation, mais bien un empêchement » - Gide.
action,auteur,continuité,contrainte

art
Le langage aurait dû être le seul lien visible de l'écrivain avec son siècle. Qui réussit cette gageure ? - Leopardi, Nietzsche, Valéry.
langue,temps

art
Le poète aime le printemps pour les chimères qui naissent et l'automne - pour celles qui se meurent. Les fleurs à peine nées et les fleurs à peine mortes. Chanter apparitions, pleurer disparitions - le contraire de Nietzsche : « être sans pitié pour ce qui est faible ou mourant en nous » - « unerbittlich sein gegen alles, was schwach und alt an uns ist ».
climat,force,mort,pitié,poésie,rêve,tragédie

art
Ce n'est pas le courage, mais l'obligation de l'artiste : énoncer l'ineffable, chanter l'inaudible, séjourner dans l'inexistant, tenir à l'insaisissable, se fier à l'irréparable, se détourner du prouvé, faire carrière et « sombrer avec le sublime et l'impossible » - Nietzsche - « am Großen und Unmöglichen zu Grunde zu gehen ». L'impossible devenant ma nécessité : « La nécessité, mère de l'art » - Apulée - « Mater artium necessitas ».
absurde,audace,danse,nécessité

art
Ce qui compte, en art, c'est ce qui ébranle la beauté ou le rêve. L'art pour la vie et la vie pour l'art - le but et les moyens. Mais par-dessus tout - la noblesse des contraintes : quand on maîtrise le qui et le quoi, on s'entend avec n'importe quels pourquoi et comment. Et Nietzsche : « Tout comment est bon pour celui qui a, dans la vie, un bon pourquoi » - « Wer ein Wofür im Leben hat, der kann fast jedes Wie ertragen » - ne fait que la moitié du bon chemin.
beauté,chemin,contrainte,interprétation,maîtrise,noblesse,rêve,vie

art
Le style d'un auteur (Nietzsche, Nabokov) permet de reconstituer assez fidèlement non seulement son visage, mais aussi sa biographie, mais les auto-biographies de ceux qui manquent de style (St-Augustin, Rousseau) embrouillent leur visage jusqu'aux paradoxes et mensonges.
mensonge,paradoxe,style,voix

art
Mon admiration oscille entre l'art de la naissance (paysage de Valéry) et l'art de la transformation (climat de Nietzsche). Mais les deux fuient le pire, celui de la nature morte. L'élégance d'une logique monotone, l'audace d'une logique non-monotone. Quelle cervelle que celle de Valéry, voyant en Nietzsche « un essai d'une logique à base réflexe » !
audace,auteur,climat,commencement,esprit,filtre,goût,grâce,raison

art
L'écriture, hélas, est mouvement ; mais, heureusement, deux courants y sont possibles : une avancée vers la différe(a)nce (espace/temps) avec le passager ou bien un retour éternel de l'Identique (chaldéen ou nietzschéen).
immobilité,ordre,réalité,retour,temps

art
Prêcher la créature - Goethe, Nietzsche, le créateur - Tolstoï, Cioran, la création -Shakespeare, Valéry. Polir, pâtir, bâtir.
création,souffrance,style

art
Ne pas chercher à être lu, mais à être (ap)pris par (le) cœur (une brigue d'aphoriste tirée de Nietzsche).
cœur,gloire,maxime

art
Dans l'éternel retour, sur la spirale de la création, peu importe sur quelle étape je m'attarde le plus (sur l'œuvre - Nietzsche, sur le créateur - Cioran, sur la création - Valéry), intensité - ironie - intelligence, envol - chute - invariants, - le regard tangent peut y être de la même hauteur et suivre la même direction.
création,défaite,esprit,éternité,hauteur,intelligence,intensité,ironie,regard,retour

art
Les valeurs particulières circonscrivent la vie, mais les axes entiers charpentent l'art. Il est trop facile de chanter la valeur de Wagner ; lui opposer celle de Bizet est bête, mais le défendre est une tâche si ardue, qu'elle est à l'honneur du talent paradoxal de Nietzsche. Son discours y est à prendre avec ironie et cynisme, sans pédanterie ni sérieux.
axe,ironie,paradoxe,vie

art
L'art commence par la création d'un langage, et donc, dans l'ancien, il est mensonge : « L'art est de la magie, débarrassée du mensonge d'être vraie »* - Adorno - « Die Kunst ist Magie, befreit von der Lüge Wahrheit zu sein ». On bricole de la vérité dans l'authentique, on crée du beau dans l'inventé. La vérité aide à vivre, mais la beauté apprend à rêver, bien que Nietzsche pense le contraire. Mais pour celui qui s'identifie avec l'axe entier art - vie, ce n'est qu'un retour du même.
artificiel,authenticité,axe,beauté,création,mensonge,rêve,retour,vérité,vie

art
La grandeur, ou plutôt la hauteur, d'une œuvre : lorsque aucun nouvel argument n'apporte ni n'enlève rien, une évidence irrésistible du tout et une évanescence discrète des parties : « La musique est quelconque, comme le côté poétique ou dramatique, - mais tout s'absorbe dans l'Un, à une vraie hauteur » - Nietzsche sur Wagner - « Die Musik ist nicht viel werth, die Poesie auch, das Drama auch nicht - aber alles ist im Grossen Eins und auf einer Höhe ».
grandeur,hauteur,inconnu,musique,poésie

art
Qu'est-ce que ma réalité ? - des sources, le fond, la fin mystérieux. Qu'est-ce que la réalité des autres ? - des causes justifiées, mécaniques. Vous comprendrez, que ce n'est pas un réaliste qui proclamait : « Un grand poète ne puise jamais que dans sa propre réalité » - « Der große Dichter schöpft nur aus seiner Realität ». Vénérer cette réalité suprême fait de l'homme - un surhomme.
commencement,élite,grandeur,hommes,réalité,robot,soi,style

art
Le chant du poète anime le silence du cœur, comme le sens divin remplit le vide de l'esprit. Le chant est aussi éloigné du bruit sensible que le sens - de la représentation intelligible. Et Chateaubriand se trompe de source : « Les poètes sont des oiseaux : tout bruit les fait chanter » - la musique naît dans l'âme, qui, chez le poète, est toujours neuve : « Cette 'âme nouvelle' devrait chanter et non pas narrer ! »** - Nietzsche - « Sie hätte singen sollen, diese “neue Seele” - und nicht reden ! ».
âme,cœur,commencement,danse,erreur,esprit,musique,poésie,raison,représentation,…

art
L'un des axes, dans lesquels Nietzsche pratique ses retours éternels du même, est art - vie, où l'on finit par comprendre que vivre, c'est vivre en artiste, ce qui munit les deux extrémités d'une même intensité.
axe,intensité,vie

art
La démarche la mieux réussie vers la musicalité d'une œuvre, c'est la démarche bien calculée nietzschéenne : la sélection d'axes intéressants, la création d'une tension entre les extrémités, entre deux langages respectifs également défendables, le refus de faire son choix sur cet axe et donc la confiance aux langages, le maintien de cette intensité comme ressource, contrainte et but de l'art.
axe,contrainte,intensité,langue,musique,révolte

art
Nietzsche n'a rien à dire ; son message est dans le chant. S'il avait écrit avec la lourdeur littéraire de Hegel ou Schopenhauer, personne ne l'aurait pris au sérieux.
allemagne,danse,style

art
La métaphore n'appartient pas à la langue ; elle naît d'une double et désespérante méfiance : face à l'indicibilité de la chose et à l'impondérabilité des mots ; la métaphore cherche à idéaliser la chose en en libérant le mot. Et Nietzsche n'y comprit rien : « les tropes ne surgissent pas dans les mots que sporadiquement, ils sont la nature même des mots » - « die Tropen treten nicht dann und wann an die Wörter heran, sondern sind deren eigenste Natur » - l'expression est dans l'élégance de la référence et dans l'originalité du référencé, et presque jamais - dans le mot même.
balance,discursif,idée,métaphore,mot,réalité

art
Se rendre compte de l'ineptie de tout système apriorique, c'est renoncer à la synthèse dialectique, laisser polyphonique toute partition ; l'art, dans lequel ne réussissent que les plus forts : Shakespeare, Dostoïevsky, Nietzsche.
école,force,négation,système

art
L'axe originel, qui, chez Nietzsche, se projette sur tous les autres, est celui de vie - art, une égale intensité répartie sur toute son étendue. Donc, ce qu'on appelle communément vital peut être qualifié, au même titre, - d'artistique. C'est surtout palpable aujourd'hui, où la vie est sans art et l'art - sans vie.
axe,intensité,modernité,vie

art
Un don musical ou pictural est le seul à pouvoir pallier à l'incapacité de formuler de bonnes définitions. « Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre »* - La Bruyère - le et devrait y être substitué par le ou. Nietzsche et Valéry sont les seuls à réunir ces deux talents.
esprit,maxime,musique

art
Héraclite se serait moqué des dialogues socrato-platoniciens ; J.Joubert arrachait les pages discursives de tous les livres, y compris de ceux de son ami Chateaubriand ; Nietzsche riait des pâles chinoiseries kantiennes ; Valéry baillait sur les marquises de Proust ou sur les cinq heures de Bergson. La philosophie est une matière littéraire ; la littérature ne vaut que par son côté poétique ; la poésie est un hymne à la musique ; la musique est faite de métaphores mélodiques et rythmiques ; la métaphore verbale s'identifie avec la maxime.
maxime,métaphore,mot,musique,philosophie,poésie

art
Une tentative de lecture de Nietzsche : la poésie peint le devenir fugitif, tandis que la philosophie scrute l'être immuable. Comment rapprocher ces deux mondes ? - en donnant au premier la stature du second et en munissant le second de l'intensité du premier. Rencontre entre la volonté d'artiste et la puissance de penseur, les deux mondes devenant le même : le devenir héberge le retour, l'être s'incarne dans l'éternité.
éternité,être,force,philosophie,poésie,retour,valoir

art
Partout s'imposa l'écriture sobre et linéaire ; aucune trace de l'ivresse hyperbolique (Chateaubriand et Dostoievsky), parabolique (Voltaire et Nietzsche) ou elliptique (Hugo et Tolstoï).
folie,ironie

art
Les véritables pinceaux de l'artiste Nietzsche ne sont point les transformations, amplifications ou rénovations, dont il parle abondamment, mais bien les filtrages, dont il ne parle jamais, mais qui, les seuls, assurent l'omniprésence de la noblesse, tout en restant invisibles eux-mêmes, dans tous les tableaux qu'il peint.
filtre,inconnu,noblesse

art
Avoir l'esprit de philosophe, l'âme de poète et le cœur de musicien – tel est le profil idéal d'un écrivain. Nietzsche, Valéry, Pasternak – les plus belles illustrations !
âme,cœur,esprit,musique,philosophie,poésie

art
Le style, qui se forme sous ta plume, dépend fortement de l'oreille, à laquelle tu veux t'adresser ; c'est pourquoi te tourner vers tes contemporains ou même vers tes complices te condamne à la médiocrité stylistique. Seule une création devant ton auditeur inexistant, te paraissant divin, promet et le style et la hauteur et la noblesse. « Le style doit se plier à ta propre mesure, projetée sur un auditeur clairement identifié, dans lequel tu veux te fondre »*** - Nietzsche - « Der Stil soll jedes Mal dir angemessen sein in Hinsicht auf eine ganz bestimmte Person, der du dich mittheilen willst ».
création,dieu,hauteur,modernité,noblesse,platitude,style

art
Surmonter les axes éthiques – bien-mal, ascension-déclin, force-faiblesse, fierté-humilité, acquiescement-négation, –, sur lesquels toutes valeurs sont différentes, en les enveloppant par un axe esthétique, qui réduit ces valeurs au même (ce qui traduit la volonté de puissance), - telle fut l'origine de la métaphore de l'éternel retour. Mais pauvre Nietzsche prit cette métaphore pour une pensée, qu'il chercha à développer par des chinoiseries lamentables autour des lois physiques ou des cycles, répétitions, anneaux.
acquiescement,axe,beauté,bien,éternité,force,idée,métaphore,négation,retour,…

art
Dans la métaphore se rencontrent la pensée et la musique, la pesanteur et la grâce. Ne suivre que le premier versant condamne à la pesanteur finale, au Schwergewicht nietzschéen de la pensée des pensées. L'écriture devrait être musique de la musique.
grâce,idée,métaphore,musique

art
Dans l'art, le bon nihilisme aide à former des commencements indépendants, mais les non du parcours sont toujours anti-artistiques et mesquins. Ces non promettent le progrès, le combat, la victoire, mais ils abaissent le regard. Le oui universel, que l'art adresse à la vie, c'est l'unification, ou la conversion, tout arbre de requêtes devenant le même ; le temps perd de son importance et passe le flambeau à l'éternité ; le retour nietzschéen, c'est la conversion, accomplie par le oui.
acquiescement,arbre,commencement,défaite,éternité,lutte,négation,nihilisme,regard,retour,…

art
L'idéal, jamais atteint, d'une écriture noble, la rencontre des trois dons : du ton, de l'intelligence, du style ; trois hommes brillent, chacun sur sa facette respective de ce faisceau, sans déborder vraiment sur les autres : Nietzsche, Valéry, Cioran. Et le talent consiste peut-être dans l'art de créer la sensation de plénitude en escamotant les fâcheuses lacunes. Pour cela, il faut prendre du recul, ou de la hauteur, par rapport au réel, se mettre à une grande distance de soi-même, adopter le ton du revenant (que Baudelaire entendait chez Chateaubriand), pour rester pur, pour ressembler à l'ange.
ange,esprit,hauteur,idée,intelligence,noblesse,proximité,style,vide

art
L'axe vie/art est parallèle à celui de lumière/ombres. Dans la vie, tout souci du feu et des astres se réduit aux chauffages ou éclairages collectifs ; dans l'art, seules persistent les ombres individuelles. Et c'est au troisième niveau qu'il faut comprendre la métaphore, involontairement ironique, du meilleur des axiologues : « Vivre – transformer ce que je suis en flammes et lumière » - « Leben – was wir sind in Licht und Flamme verwandeln » - dans son art, ne persistent que des ombres.
étoile,ironie,métaphore,mouton,ombre,vie

art
La métaphore règne aussi bien en poésie qu'en prose et en philosophie ; elle s'attaque, respectivement, au langage, à la représentation ou à la réalité. Les plus connues des métaphores de la réalité : Dieu (pour tous les angoissés), l'Être (de Parménide à Heidegger), l'Idée (Platon), les catégories (Aristote), la perfection (de Spinoza à Valéry), la pensée (Descartes), la chose en soi (Kant), la volonté (Schopenhauer), l'intensité (Nietzsche).
angoisse,dieu,élite,être,métaphore,mot,philosophie,poésie,réalité,représentation

art
Seul le poète se doute de l’existence des firmaments ; les horizons ou les profondeurs s’offrent aux autres doués ; le non-touché par la grâce est condamné à la platitude, c’est-à-dire à la réalité. La grâce est dans le langage ; le savoir - dans la représentation, ou dans l’apparence ; l’inertie – dans la réalité. « L’artiste place l’apparence plus haut que la réalité » - Nietzsche - « Der Künstler schätzt den Schein höher als die Realität » - mais le poète va encore plus haut. Mais – trois mystères : celui de la matière, celui de l’intelligence, celui de la musique.
continuité,grâce,hauteur,intelligence,langue,matière,musique,mystère,platitude,poésie,…

art
Celui qui vise la profondeur, sans posséder le talent littéraire, finit dans la platitude ; c’est le cas de Descartes, superficiel (oberflächlich) selon Nietzsche. Mais Valéry, avec sa liberté poétique, est profond. Les meilleurs prennent la profondeur pour moyen, la musique – pour but et la hauteur - pour commencement.
commencement,création,esprit,hauteur,liberté,musique,platitude,poésie

art
Les seuls génies, à la fois poétiques et prosaïques, - Goethe, Hugo et Pouchkine. Aucun autre poète ne maîtrise la musique des mots discursifs. Chateaubriand, Nietzsche et Nabokov ne sont bons qu’en prose.
discursif,esprit,poésie,style

art
Rien d’exceptionnel dans le savoir ou dans l’intelligence de Dostoïevsky ou de Nietzsche ; il est ridicule de les comparer sur ces dimensions : « Son [Dostoïevsky] savoir n’était pas moindre que celui de Nietzsche, mais il savait aussi ce que Nietzsche ne savait pas » - Berdiaev - « Oн знaл нe мeньшe, чeм знaл Hицшe, нo oн знaл и тo, чeгo Hицшe нe знaл ». Ils ne sont grands que par la qualité du son et du ton, des mélodies et des intensités. Dostoïevsky connaît l’angoisse du Bien (l’amour, le Christ, la liberté), condamné à rester dans le cœur (le corps), et il la rend par une incessante suffocation. Nietzsche connaît la divinité du Beau (l’âme, la création, l’angélisme), dont la noblesse autocratique exige la subordination tragique des autres fibres, fussent-elles divines.
âme,amour,ange,angoisse,axe,beauté,bien,christianisme,cœur,création,…

art
Tout livre est un arbre, qui peut être jugé soit en tant que fontaine soit en tant qu’éponge, donc – par le particulier ou par l’universel. Dans le premier cas compteront les racines, les fleurs, les fruits ; dans le second – les cimes, les branchages, les ombres. Et puisque l’unification avec d’autres arbres est la première fonction de tout arbre, c’est la présence de variables et de vecteurs de ses élans qui détermine sa valeur. D’où la grandeur de Dostoïevsky et de Nietzsche.
arbre,élan,grandeur,hauteur,ombre,universel,valoir

art
Dans l’approche de l’art, on doit partir soit de la vie soit du rêve, et ces deux angles d’attaque s’excluent, mutuellement. Nietzsche penche pour la vie, et moi – pour le rêve. La jouissance biologique serait, pour Nietzsche, l’essence même des valeurs esthétiques ; et pour moi, ce serait la caresse mélancolique. Sous toutes ses formes, le vitalisme est signe de la pauvreté – spirituelle, créatrice ou imaginative.
auteur,création,esprit,mélancolie,misère,négation,rêve,valoir,vie

art
Chez Nietzsche, van Gogh, Nabokov, j’entends surtout une musique. Aucun art sans musique ne peut m’attirer. Aucun esprit, développé en profondeur, ne vaut l’âme, enveloppée par la hauteur.
âme,auteur,discursif,esprit,hauteur,musique

art
Goethe - la musique, celle des compositeurs ou la sienne propre, n’est pas son fort ! Nietzsche, Valéry, Pasternak se passionnent pour la musique de leur époque, mais Goethe reste insensible à Mozart et Beethoven. Le sérieux tue non seulement le bonheur, mais aussi les pensées et le style.
bonheur,idée,musique,style

art
Tous les professeurs de philosophie possèdent plus de connaissances sur l’histoire de la philosophie que Nietzsche. Mais la bonne philosophie ne s’occupant que de nos consolations ou de notre langage, le savoir y a une place insignifiante ; la qualité de l’expression, l’atout principal de Nietzsche, y est l’élément central. On console avec le chant et non pas avec un discours ; la fonction poétique du langage est plus subtile que la fonction didactique.
consolation,danse,discursif,école,langue,philosophie,poésie,savoir,style

art
Pour les médiocres, être près du réel signifie répéter les mots, que la majorité des savants eut déjà trouvés, pour le qualifier ; on gagne en objectivité, en perdant en subjectivité ; on a d’autant plus de valeur, qu’on s’éloigne davantage de ce réel.« L’artiste ne supporte aucune réalité » - Nietzsche - « Ein Künstler hält keine Wirklichkeit aus ».
école,mot,proximité,réalité,savoir,valoir

art
Les ailes, (celles qui permettent de « s’exprimer par métaphores »** - Nietzsche - « Flügel im Gleichnisse zu reden »), c’est, à la fois, la hauteur, la noblesse, le talent. Les posséder, pour le créateur, c’est savoir manipuler les métaphores à bon escient.
création,esprit,hauteur,maîtrise,métaphore,noblesse

art
Le goût de la perfection est un état d’esprit impossible, seule la réalité étant parfaite. Cioran, bêtement, le voyait chez Valéry, en y reconnaissant même un désastre (mais pourquoi ne salues-tu pas le désastre, que les vaincus inscrivent dans leurs bréviaires ?). Dans l’art, ce qui est le proche de la perfection du réel, c’est la musique. Et effectivement, tout goût, indifférent à la musique, mène au journalisme, au présentisme, à la routine. Que la perfection, c'est la réalité, fut connu et de Spinoza (« perfectio est gradus realitatis »), et de Nietzsche (« die Welt ist vollkommen ») et des sages orientaux de l'immanence (le bon chrétien, lui, place la perfection dans la transcendance, que Nietzsche appelle surhomme). Et la nature parfaite d'Aristote est un pléonasme. Musil : « une vie parfaite rendrait l'art inutile » - « das vollkommene Leben wäre das Ende der Kunst » - se trompe également.
christianisme,défaite,erreur,goût,grandeur,nature,platitude,réalité,religion,vie

art
On ne trouve de vrais rêveurs que chez Héraclite et Platon, Goethe et Byron, Dostoïevsky et Nietzsche ; tous les autres, avant, pendant ou après ceux-là, y compris leurs épigones, ne peignent que des bavards réalistes ou des pédants abstractionnistes.
réalité,rêve,savoir

art
Dans l’art (musical, philosophique, poétique), il y a trois sortes d’intuition, qui peuvent réveiller un génie imprévisible, – l’inconsciente, la profonde, la hautaine. La première famille – Bach, Mozart, Tchékhov ; la deuxième – Kant, Rilke, Valéry ; la troisième – Byron, Hölderlin, Nietzsche. L’homme, c’est-à-dire le maître, n’y est presque pour rien ; c’est une étincelle divine qui illumine leurs œuvres. La conscience, la profondeur, la hauteur, sans intuition, n’aboutissent à la beauté que grâce à la sobre maîtrise de l’homme, avec un talent purement humain et qui ne serait qu’un instrument auxiliaire.
beauté,dieu,esprit,hauteur,hommes,inconnu,maîtrise,musique,philosophie,poésie,…

art
Briller, simultanément, sur ces deux facettes littéraires, le fond et la forme, semble être un privilège exclusif des seuls poètes, comme Rilke et Pasternak. Valéry et Tchékhov brillent par le fond, avec une forme assez conventionnelle ; Nietzsche et Cioran brillent par la forme, avec un fond trop vague ou trop facile.
poésie,style

art
Qu’ils pratique le poème, la mystique ou l’apophtegme, Nietzsche et Valéry restent grands artistes. Mais Cioran, brillant dans le discursif, est terne dans l’aphoristique. Le style, c’est de la lumière maintenue, mais la maxime, c’est la qualité des ombres fugaces.
discursif,maxime,mystère,ombre,poésie,style

art
Nietzsche a le style et la noblesse ; c’est ce qui manque à Valéry, mais il a l’intelligence, dont est dépourvu Nietzsche ; Cioran n’a que le style. Le seul homme à posséder, en même temps, ces trois vertus, capitales en écriture, c’est R.Debray, et, en plus, c’est un héros.
intelligence,noblesse,style

art
Nietzsche, Valéry, Cioran – la hauteur, l’intelligence, le style – ce sont ces lignes d’héritage, dans la vie d’imagination, qui m'autorisent d'en réclamer la fraternité. Plus l’appartenance à la tribu virtuelle des aphoristes. Mais aucune parenté avec le petit bourgeois, le grand bourgeois, le SDF, qu’ils furent dans leur vie réelle.
auteur,fraternité,hauteur,intelligence,maxime,réalité,style,vie

art
L’écriture idéale : le chant des mots et l’accompagnement musical des idées – il faut être, à la fois, poète, musicien, philosophe – Nietzsche, B.Pasternak Les ‘séparatistes’ – la hauteur verbale de Nabokov et la profondeur intellectuelle de Valéry.
danse,élite,hauteur,idée,mot,musique,philosophie,poésie,style

schopenhauer a.
Der Stil erhält die Schönheit der Gedanken, statt daß bei den Scheindenkern sie durch den Stil schön werden sollen.

Le style contient, en lui-même, la beauté des idées, tandis que chez les pseudo-penseurs le style est censé les rendre belles.
art
« Améliorer le style, c'est améliorer la pensée » - Nietzsche - « Den Stil verbessern heißt den Gedanken verbessern ». Les mots, tombés amoureux d'une beauté, se transforment en idées. L'esprit prétendant épouser la beauté, sans amour du mot, est début de mésalliances.
beauté,filtre,goût,idée,mot,style,voix

flaubert g.
Nous avons trop de choses et pas assez de formes.
art
Cette phrase coupa net mon intérêt pour ta cervelle, trop prompte à peindre les boîtes d'allumettes. Avec de la hauteur, le nombre de choses, méritant qu'on leur dédie une forme, devient infime. Le premier jaillissement de la forme est dans un caprice sonore, pictural ou intellectuel, et très rarement dans la chose même. Près de la fontaine, la meilleure soif naît de la hauteur de la forme ; peu en importe le fond. Même les pensées n'en sont qu'un composant minéral et non pas vital. « L'écriture est un pis-aller : je n'ai pas encore trouvé un autre moyen de me débarrasser de mes pensées » - Nietzsche - « Schreiben ist eine Nothdurft : ich habe bisher noch kein anderes Mittel gefunden, meine Gedanken los zu werden » - tes pensées servirent d'engrais, à travers lesquels poussèrent tes belles hontes.
auteur,esprit,hauteur,honte,idée,réalité,soif,style,vie

dostoïevsky f.
В христианской литературе, самым совершенным является облик Дон-Кихота. Он внушает сострадание.

Des beaux visages, dans la littérature chrétienne, le plus achevé est celui de Don Quichotte. Il excite la compassion.
art
On ne le trouve aujourd'hui que sous les rubriques humoristiques. Comme Aliocha Karamazov et le prince Mychkine se trouveront un jour dans les rayons des romans policiers. Raskolnikov voisine avec le surhomme, tandis que le seul prototype de celui-ci, qui garda sa portée originelle, est le Grand Inquisiteur (imité, plus tard, par le vieux Pape de Nietzsche), bien que son message s'adresse aux Bourses, plus qu'aux Églises, et son image soit ancrée non plus dans des sanhédrins, mais dans des âmes calculatrices, débarrassées de sacrifices et de fidélités.
argent,christianisme,espagne,ironie,pitié,russie,sacrifice

nietzsche f.
Poesie - abergläubische Nützlichkeit.

La poésie - nécessité superstitieuse.
art
Ce qui est nécessaire à la superstition (qui est une religion du chœur) est suffisant pour la religion (qui est une superstition du cœur).
cœur,mouton,nécessité,poésie,proximité,religion

nietzsche f.
Alle guten Dinge sind starke Reizmittel zum Leben, selbst jedes gute Buch, das gegen das Leben geschrieben ist.

Toutes les bonnes choses sont des excitants de la vie. Même tout bon livre, écrit contre la vie.
art
« Mon unique espérance est dans mon désespoir » - J.Racine. C'est le talent et le frisson, maîtres de la proximité, qui rendent équidistants le pour et le contre, l'espérance et le désespoir. L'horreur dite amenant un espoir indicible. Le nez-à-nez avec la vie, s'appelle action endormante ; son plus beau panorama - hauteur excitante.
action,espérance,esprit,hauteur,proximité,sentiment,souffrance,vie

nietzsche f.
In der Kunst heiligt der Zweck die Mittel nicht ; aber heilige Mittel können hier den Zweck heiligen.

Dans l'art, le but n'ennoblit pas les moyens ; mais des moyens nobles peuvent ennoblir le but.
art
On aimerait toucher celui-ci, sans toucher à ceux-là. La noblesse a besoin d'attouchement, d'adoubement.
contrainte,flèche,noblesse,proximité

nietzsche f.
Der Dichter führt seine Gedanken festlich daher, auf dem Wagen des Rhythmus' : gewöhnlich deshalb, weil diese zu Fuß nicht gehen können.

Le poète mène triomphalement ses idées dans le char du rythme : ordinairement parce que celles-ci ne sont pas capables d'aller à pied.
art
Toute référence aux albatros ou alcyons, en fait d'élégance, est une esquive. La poésie doit donner des ailes et non pas être portée par elles. Mais quand un poème ne fait que marcher, c'est qu'il perdit le rythme de la danse. Les idées sont peut-être un livret de ballet, ses parures et ses décors, mais le poème, ce sont les corps exaltés.
danse,élan,étoile,goût,grâce,idée,musique,poésie

valéry p.
Ce style sec, qui traverse le temps comme une momie incorruptible.
art
À vrai dire, un sarcophage nous apprend mieux les grimaces d'un homme que sa momie. Le livre n'est qu'un excitant inerte ; son pouls n'existe qu'en âme de chacun. L'artiste, pour résonner, est-il condamné à porter le regard d'airain - « der Künstler, der wie Erz blickt » - Nietzsche – qu'aucun objet solide ne frappe ?
âme,interprétation,mort,regard,sentiment,style,temps

blok a.
Есть две реальности : одна историческая, другая музыкальная.

Il y a deux réalités : le fond de l'une est l'Histoire, de l'autre - la Musique.
art
Dans la première - des chiffres, dans la seconde - des rythmes. Des gestes et des messages. Des faits et des mots. Le sérieux et l'ironie. La première est toujours désaccordée et clonable, la seconde toujours arbitraire et irréproductible. L'art est plus proche de l'oreille que des yeux ; et ce que ceux-ci entendent est souvent du galimatias pour celle-là. À comparer : l'historicité cartésienne et la musicalité pascalienne. Tu entendis la musique de Lénine exactement comme Heidegger - le pathos de Hitler, dans une de ces trois ek-stases de la temporalité, (drei Extasen der Zeitlichkeit), que Nietzsche qualifiait de monumentale, antiquaire ou critique (monumental oder antiquarisch oder kritisch) : privée de musique organique, la réalité est dédaignée de Muses et vouée à la poussière des musées ou à la mécanique musique dans la glace (музыка во льду - Pasternak).
histoire,ironie,mot,musique,ouïe,réalité,regard,temps

heidegger m.
Der Künstler ist die Quelle des Werkes. Das Werk ist die Quelle des Künstlers.

L'artiste est la source de l'œuvre. L'œuvre est la source de l'artiste.
art
Tous ceux, que l'étincelle divine n'éclaire pas, se prennent pour astres ou astrologues. On n'est artiste que si l'on accepte l'inaccessibilité de ses sources et de ses estuaires et place son magnum opus dans les reflets de son étoile. Se chercher ne sert à rien puisque le soi inconnu ne se manifeste qu'a posteriori de l'œuvre : « Ce n'est pas moi que je cherche, mais mon œuvre » - Nietzsche - « Ich will nicht mich, ich will mein Werk ».
commencement,création,dieu,étoile,inconnu,soi

malraux a.
Le seul domaine, où le divin soit visible, est l'art.
art
Tu veux dire lisible. Le divin est surtout visible dans ce qui n'est pas artificiel. Hélas, l'art divinement artificiel (göttlich künstliche Kunst - Nietzsche) est risible. La superstition est l'une des formes du manque de talent qui pousse à placer Dieu au milieu des vétilles.
artificiel,création,dieu,ironie

bien
L'homme de troupeau, c'est l'homme fort ; la pitié reste l'apanage de l'homme noble en déroute ; les valeurs sans prix ne gagnent rien dans une transvaluation ; l'intelligible est un matériau de l'art plus souple que le sensible - quand on comprend tout cela, on ne garde de Nietzsche que ses métaphores et l'on jette sans regret, à la poubelle, ses pensées.
art,axe,défaite,force,idée,matière,métaphore,mouton,noblesse,pitié

bien
Être au-delà du Bien et du Mal paraît - à Nietzsche et à Valéry - être la condition de la liberté. C'est une liberté qui est déjà à portée des meilleures des machines. L'esclavage du rouge au front ne se programme qu'en deçà de l'homme.
honte,liberté,mal,robot

bien
L'homme parfait : une fusion entre Rousseau (la pitié de l'homme naturel) et Cioran (l'ironie de l'homme inventé). Les grands imparfaits : Nietzsche - le faible sans pitié, et Valéry - le fort sans ironie.
artificiel,création,force,ironie,nature,pitié

bien
Le Bien n'est peut-être que sym-bolique, l'Un platonicien ; c'est dans le multiple, le dia-bolique, que s'incarne le mal. La parabole va au symbolique, l'obole sied au diabolique. C'est pourquoi l'inventeur de nouvelles variables - le créateur d'inconnus de Nietzsche - cherche dans l'unification un rachat ou un équilibre. « L'harmonie est l'unification, la pensée commune de ce qui pense séparément »*** - Pythagore, qui mérite vraiment son titre d'Apollon Hyperboréen !
arbre,beauté,création,idée,mal,ordre,raison,style

bien
Ce qui me rendit le Bien sujet digne de curiosité, c'est l'unique cafouillage, chez les sages, pour le définir : « la connaissance des choses » - Sénèque ; « ce qui est utile » - Spinoza ; « ce qui élève et valorise » - Goethe. Mais je ne peux pas le voir comme « ombres furtives, accablements humides, nuages fugitifs » - Nietzsche - « Zwischen-Schatten, feuchte Trübsale, Zieh-Wolken ».
balance,auteur,mélancolie,ombre,philosophie,savoir,utilité

bien
Les balivernes nietzschéennes sur le surhomme et sur la volonté de puissance proviennent de sa méprise : il prit la recherche de la vérité - effectivement, une manie des sots ! - pour la morale (qui suppose le respect du faible et le sacrifice par le fort). Heidegger, en n'y voyant que la machine, fut plus lucide : « La vérité de l'être revendique le sacrifice de l'homme » - « Die Wahrheit des Seins nimmt das Opfer des Menschen in Anspruch » - de deux concepts cadavériques résulte ou, plutôt, surgit le geste vital, le sacrifice, ce concept vital appelant, en général, au renoncement du geste ou même au suicide en musique : « La mort est la hauteur insurpassable de la vérité de l'être dans le chant du monde » - Heidegger - « Der Tod ist das höchste Gebirg der Wahrheit des Seyns im Gedicht der Welt ».
action,esprit,être,force,grandeur,hauteur,idée,intensité,maîtrise,mort,…

bien
Nietzsche veut se débarrasser des ombres de la honte, qui gênent son obsession par la lumière, - il attend le grand midi. Je suis indifférent aux lumières terrestres ; je ne produis que des ombres, le plus souvent à la lumière de mon étoile ; il se trouve que les plus denses et intenses se créent le matin. Sans les ombres, tout devient le même ; avec mon étoile, le même, c'est mon soi inconnu.
création,étoile,honte,inconnu,intensité,ombre,soi

bien
Aucune relation entre ta (non-)participation à l'œuvre du bien et l'intensité de l'angoisse, qui t'étreint. La gratuité du bien est absolue. L'être y est plus près de la source mystique que le devenir : être bon y est la seule solution du problématique faire le bien. Certains prêtent au Christ (à travers Nietzsche) cette belle parole : « Pour être bon, il suffit d'être faible »*** (Enthoven).
action,angoisse,christianisme,commencement,être,force,intensité,mystère,sentiment

bien
De l'irréductibilité des sens : dans le Bien, le beau ne doit jouer aucun rôle ; dans le beau, il faut aller au-delà du Bien. La pitié est la valeur extrême du Bien, il faut donc aller même au-delà de la pitié, devenir impitoyable - tel est le message - nullement anti-humaniste ! - de Nietzsche ! Mais la pitié est aussi une des valeurs extrêmes du vrai, « qui nous conduit sur les bords privés de mots, où subsistent seules la pitié, la tendresse et l'amertume »** - Valéry.
axe,beauté,caresse,humanisme,idée,jeu,mot,pitié,vérité

bien
L'être débute avec la honte de la faute originelle (« Au fond de l'être de l'étant se trouve la faute » - Jaspers - « Seiendes ist im Grund seines Seins schuldig ») ; versé dans le devenir, il se mute en destin (« Le destin est la vocation du vivant pour la faute » - Benjamin - « Schicksal ist der Schuldzusammenhang des Lebendigen ») ; ce qui me gêne dans le devenir, c'est son innocence (« Unschuld des Werdens » - Nietzsche), puisque « L’innocence est ignorance » - Kierkegaard.
être,honte,mal,savoir,vie

bien
Cloué au banc des accusés, je ne perçois pourtant aucun juge ; ni le réquisitoire de Dostoïevsky ni la plaidoirie de Nietzsche - « qui a le droit de juger ? » - ne me concernent ni ne m'intéressent. L'éthique se ressent, et l'ontologie se réfléchit ; le coupable en moi a la primauté sur le capable.
auteur,être,honte,justice

bien
Un homme fort et sociable prônant la morale nietzschéenne ne peut être qu'un salopard ; elle n'est noble que chez ceux qui, comme Nietzsche lui-même, sont et se sentent infiniment seuls et faibles.
bassesse,force,noblesse,solitude

bien
L'opposition entre le Bien et le mal (le ressentiment de Dostoïevsky, l'idée empruntée par Nietzsche) est bête, puisque le vrai mal naît de l'incompatibilité entre le muscle et le rêve. La vraie innocence est la vraie honte, puisque, pour atteindre à l'une ou l'autre, il faut aller au-delà du Bien et du mal, dans une même direction.
action,ange,honte,mal,rêve,révolte

bien
Ils ont beau aller au-delà du beau et du hideux (Baudelaire), ou du Bien et du mal (Nietzsche), la bonté et la beauté, inséparables de l'âme, nous rattrapent tous. Les plus obtus, ou les plus rapides, ou les plus sourds, s'imaginent y tomber seulement sur le vrai livide ou sur l'être insipide et se mettent à hurler à la mort de Dieu, tandis que, par cette fission, c'est leur propre vie qui fiche le camp au profit de la seule cervelle.
âme,beauté,dieu,mal,mort,vie

bien
Qu'est-ce qui est à l'origine de l'homme, la chute d'un ange ou la socialisation d'un prédateur ? La première version, la rousseauïste, est invraisemblable, le progrès global paraissant être une norme. Mais la seconde hypothèse voudrait dire, que Nietzsche a raison, et que la pitié mène à la décadence, à la chute. Seulement, il ne faut pas oublier, que sans la pitié, la société ne peut converger que vers deux modèles : le mouton et, en second lieu, - le robot, les deux espèces ignorant aussi bien la chute que l'essor.
défaite,élan,mouton,pitié,robot

bien
On me juge le mieux, lorsque je me donne ; mais dans ce que je donne, c'est à dire dans mon offrande en tant qu'œuvre, on ne perçoit que la direction vers moi, ou mon soi déjà articulé, jamais mon soi inconnu, celui qui me poussait à me donner - un cercle vicieux, c'est ce que voulaient dire Nietzsche ou Sartre : « On se perd en se donnant »**.
auteur,création,doute,inconnu,sacrifice,soi

bien
Deux lamentables artifices, fondés sur une négation mécanique : Baudelaire et Nietzsche, s'imaginant qu'en renonçant au beau ou au bon, on puisse les rejoindre, les réinventer ou les réévaluer au-delà du Bien et du sublime, qui, eux, sont toujours en-deçà de nos épidermes, cervelles et âmes.
âme,artificiel,beauté,erreur,négation,vérité

bien
Pour Nietzsche, au-dessus, ou mieux, au-delà de tous les axes, Bien - mal, puissance - maladie, nihilisme - acquiescement, surhomme - dernier homme, seigneur - esclave, ce qui compte, c'est la mesure dite intensité, la pose, véhémente et incohérente, et non pas une position, sobre et argumentée. Pour se permettre d'être impitoyable et éhonté, par combien de hontes et de pitiés avalées a-t-il dû passer ! Et de même, Platon, avec ses diatribes contre la démocratie et les poètes dans la cité. On ne connaît que trop les positions des philosophes ; on n'en connaît pas assez les poses. De Vinci ou Valéry, apportant à l'art davantage d'intensité, en incluant la science au même axe artistique. Héraclite, chantant l'harmonie d'opposés.
art,axe,beauté,cité,fanatisme,force,honte,intensité,mal,négation,…

bien
Dieu plaça en nous un ver du remords et de la honte. Toute la modernité s'efforça de nous en débarrasser, en envahissant nos oreilles de bruits rassurants et endormants. Mais « la bonne conscience est une invention du démon »** - A.Schweitzer. Toute la philosophie de l'Antiquité fut au service du Malin, tandis que « le philosophe doit être la mauvaise conscience de son temps » - Nietzsche - « der Philosoph hat das schlechte Gewissen seiner Zeit zu sein ». Tant que le bon droit n'est qu'écrit, son encre se substitue au sang. Le sang ne charrie que le remords. La bonne conscience est une question de circulation.
angoisse,antiquité,conscience,création,honte,mal,philosophie,platitude,retour

bien
L'unification, au sein d'un même homme, de la pureté et de la honte, de l'ange et de la bête, est le mystère central de la morale et qui rendait Pascal - ironique, Dostoïevsky - perplexe, et Nietzsche - lucide.
ange,doute,honte,ironie,mystère

bien
Le faible, qui ne peut pas être assisté, et qui doit donc périr, est celui dont la palette est pauvre, et son pinceau - impuissant ; le fort, qui doit triompher, a la puissance au bout de sa plume. C'est ainsi qu'on doit lire le cas critique de la morale, exploré par Nietzsche.
art,force,frontière

bien
En morale, comme en intelligence, les plus belles poses ou idées, surgissent des représentations et non pas des interprétations ; Nietzsche, qui ne voit que des interprétations, est un mauvais juge et de l'une et de l'autre ; il resta au-delà et du Bien et de l'intelligence ; il ne lui resta que la musique, mais qui est au-dessus de tout.
intelligence,interprétation,musique,représentation

bien
Le devoir moralisateur chrétien, enseigné pendant deux millénaires, de St-Paul à Hegel, fut battu en brèche par Nietzsche - vers le vouloir, et par Valéry - vers le pouvoir, qui, curieusement, se rencontrent dans la volonté de puissance.
christianisme,temps,valoir

bien
Pour illustrer l'ampleur de l'axe du Bien, les exemples hyperboliques valent mieux que les statistiques ; un nietzschéen conséquent, au lieu de s'attarder, comme jadis, sur César Borgia, faute de saints ou de martyrs, choisirait aujourd'hui mère Térésa.
axe,modernité,temps

bien
Le goût pour la poésie est des plus anti-démocratiques et anti-humanistes. L'absence de honte pour leurs privilèges, implicitement ressentis comme mérités, chez Chateaubriand, Lamartine ou Nietzsche, disqualifie l'homme, mais n'atteint nullement le poète. La honte sociale, chez Hugo, Marx ou Tolstoï, honore l'homme, mais engrisaille le poète.
cité,hommes,honte,humanisme,poésie

bien
Le vrai mal, pour un créateur, est d'ordre esthétique ; ce n'est pas sur l'axe du Bien et du mal (axe du fond) qu'il faut le chercher, mais sur celui du bon et du mauvais (l'axe de la forme). C'est l'une des explications de la généalogie de la morale de Nietzsche.
création,beauté,mal

bien
Le choix du genre laconique, de celui qui élève une larme ou une goutte de sang, est souvent signe d'un porteur de honte ; l'éhonté nous inonde de platitudes de ses sueurs ou de son encre transparente. « Ce qui s'écrit avec du sang t'apprendra que le sang est esprit »** - Nietzsche - « Schreibe mit Blut, und du wirst erfahren, daß Blut Geist ist » - et le sang ne se verse qu'en gouttes, en perles. Celui qui se répand en largeur ne se repent ni en profondeur ni en hauteur.
esprit,hauteur,honte,maxime,platitude,souffrance

bien
La philosophie la plus noble n'est ni métaphysique, ni transcendantale, ni ontologique, ni phénoménologique, mais - axiologique. Le seul à l'avoir mis en pratique (sans jamais l'avoir bien formulé) fut Nietzsche : sa réévaluation de toutes les valeurs signifie, en pratique, que, pour un axe donné (sélectionné par notre goût de noblesse), ce ne sont pas nos valeurs privilégiées qui comptent, mais l'intensité égale (éternel retour du même), dont notre talent et notre intelligence sont capables de munir les deux extrémités de cet axe. Le nihilisme, le Bien et le mal, la volonté de puissance fournissent les exemples les plus frappants de cette noblesse insurpassable.
axe,balance,esprit,éternité,force,intelligence,intensité,nihilisme,noblesse,philosophie,…

bien
Tous les prophètes, vétérotestamentaires ou nietzschéens, divisent les hommes en bons et méchants. Mais le contraire du bon n'est pas le méchant, mais l'agissant. Est bon celui qui vénère la voix du Bien, sans en connaître les voies. Est méchant celui qui les confond.
action,hommes,mal,négation

bien
Éternel est peut-être une métaphore, pour désigner la source ou le fond de nos enchantements par le beau ou de nos béatitudes dans le bon, et qu'aucune agitation rationnelle ne puisse troubler. L'une des formes de l'éternité serait l'aphorisme (Nietzsche).
beauté,bonheur,éternité,maxime,métaphore,raison,style

bien
L'humanisme, c'est la découverte du Bien et du Mal – Rousseau, Nietzsche, Tolstoï – la morale. Aristote, Platon, Jésus, Spinoza ne parlent que du bon et du mauvais – l'éthique.
humanisme,mal

bien
Qu'est-ce qui nous autorise d'aller au-delà du Bien ? L'amour contre la moraleNietzsche - agapé gegen éthos. C'est la même chose qui pousse le philosophe à se moquer du savoir et le poète à dépasser les formes – l'intensité de leurs messages ! L'intensité égalise les extrémités axiales ; en partant de la bonne, elle rejoint la mauvaise, par un retour en puissance, elle les rend les mêmes !
amour,art,intensité,philosophie,poésie,retour,savoir,style

bien
Tout esthète, ayant suivi, comme tout le monde, la voie de la morale ordinaire, se trouve un jour devant un terrible appel vers un sentier de l'esthétique, où il serait le seul voyageur, se faisant guider par son seul talent, et avec un nouveau code de la route, l'obligeant d'oublier celui qu'il avait appris. Et il éprouvera un « mépris fulgurant pour ce qui s'appelait 'devoir' » - Nietzsche - « Blitz der Verachtung gegen das, was ihr 'Pflicht' hieß ».
beauté,haine,valoir

bien
Le Bien est métaphysique, et le Mal est réel ; toute projection ou justification du Bien, dans la sphère de nos actes, ne peut donc être qu'imaginaire, pour ne pas dire hypocrite. La sensation du Bien ne nous quitte pas même aux moments de la plus plate lucidité, loin de toute action, de tout cataclysme, de toute angoisse. Nietzsche, qui voit dans la peur l'origine et dans le Mal la source du Bien, Nietzsche qui en dénonce l'hypocrisie, montre sa profonde ignorance du sujet. De même les rapports entre la force et la faiblesse, le sain et le maladif, la volupté et la souffrance. Il lui fallait justifier la neutralité de son pinceau dans la peinture des axes entiers – la noble attitude d'artiste, mais trop humaine.
action,angoisse,art,force,intensité,mal,réalité,souffrance

bien
Ce qui augmente notre puissance correspond à notre intérêt bien banal, bien calculé ; définir cette augmentation comme le Bien même est une goujaterie, dans laquelle tombe Nietzsche (après Platon). Non seulement le Bien ne découle d'aucune force, il ne découle même d'aucune faiblesse ; il est la seule voix divine, ne laissant d'écho ni dans nos actes ni dans nos idées.
action,bassesse,dieu,force,idée

bien
Si mon action découle d'un calcul, elle n'est libre que sur un mode robotique ; la liberté éthique ne peut se confirmer qu'à travers mon sacrifice, où j'immolerais une partie de mes intérêts, peut-être vitaux, où je serais mon propre bourreau. C'est cette liberté qui serait une véritable métaphysique du bourreau (Nietzsche).
action,auteur,liberté,philosophie,sacrifice,souffrance

bien
Si les sophistes et Nietzsche effacent la frontière entre le Bien et le mal (die Grenze zwischen Gut und Böse verwischt sich), cela ne veut pas dire, que la vie en soit entachée au même point, mais que, au royaume des actes, cette frontière est impossible à tracer ; mais devant la conscience et devant les mots, cette frontière est chaque fois recréée et redessinée avec netteté, par la sensibilité ou par le talent. Platon et Aristote nous ennuient avec leurs valeurs ou prix fixes, tandis que ce sont des vecteurs à variables (des arbres ! ) qui décrivent mieux le monde.
absurde,action,arbre,axe,conscience,mal,mot,valoir,vie

bien
La vie veut me soumettre à la loi éthique, et l'art me conjure à suivre la liberté esthétique. Le choix est entre la honte et la noblesse, entre Tolstoï et Nietzsche, être fidèle à la vie, en l'élargissant à l'art, ou la sacrifier, en la rehaussant par l'art.
art,beauté,hauteur,honte,liberté,noblesse,sacrifice,vie

bien
Le ton, qui convienne le mieux, pour sonder le Bien ou relater l’amour, c’est le désespoir ou la résignation, le ton que trouvent Nietzsche ou Tchékhov ; Platon, en y mêlant la pensée grave ou l’Idée légère, profane les deux.
acquiescement,amour,angoisse,espérance,idée

bien
Que diriez-vous de celui qui nie le libre arbitre, la finalité, l’ordre moral, l’altruisme, le mal ? Comme moi, vous diriez, évidemment, que c’est un idiot de village, un étudiant renvoyé d’une faculté de logique, Buvard ou Pécuchet. Pourtant, c’est ce qu’admirerait Nietzsche chez cette araignée qu’est Spinoza !
absurde,auteur,école,intelligence,mal,platitude,science

bien
Les vertus sont des sédimentations des pratiques sociales, et la compassion n’est pas une vertu. En fonction de la hauteur de sa plume, l’artiste choisit sur l’axe compassion – indifférence la valeur, qui permette de garder l’intensité maximale de ses propos. L’indifférence soutient l’orgueil, la compassion entretient la fierté. Nietzsche est orgueilleux, et moi, je suis fier. De plus, la pitié pour celui qui est plus brillant que toi, mais qui souffre davantage, demande de l’intelligence, dont manquait notre philologue.
art,auteur,axe,création,grandeur,intelligence,intensité,pitié,souffrance

bien
Dans notre conscience, il n’y a rien de plus vivant que le sens du Bien, qui trouble notre cœur, sans lui donner la moindre indication des chemins ou des finalités, que ce Bien devrait adopter. Il est souhaitable peut-être, que les bras de l’homme d’action tâtonnent, en les prospectant ; mais l’homme du rêve n’a rien à y trouver, et le créateur encore moins. « Si le grain ne meurt… » - Goethe - « Stirb und werde ». - désigne la résignation de ne pas savoir traduire la voix du Bien en chant du Beau, et que Nietzsche place au-delà du Bien, en cherchant à munir le devenir créateur - de l’intensité de l’Être immuable.
action,beauté,chemin,cœur,conscience,création,intensité,rêve

bien
La place de la honte définit la tonalité d’un écrivain : Nietzsche fut torturé par la honte, venant de ses déficiences physiologiques et de son amour-propre froissé ; Cioran porta la honte de sa jeunesse d’un abjecte nigaud pro-nazi ; l’absence de toute honte rendit l’intelligence de Valéry - libre de toute contrainte sentimentale, pure et profonde par son contenu intellectuel. La noblesse et le style naissent de la honte, dans la faiblesse ou la bassesse, d’où la grandeur de Nietzsche et l’élégance de Cioran. Valéry émerveille notre esprit ; Nietzsche élève notre cœur ; Cioran caresse notre âme.
âme,ange,bassesse,beauté,caresse,cité,cœur,contrainte,création,enfance,…

bien
Appliquer ta liberté, pour te débarrasser de la honte et de la pitié, est un signe presque certain de ta bassesse. Mais il y a des exceptions paradoxales, témoignant, au contraire, d’une hauteur d’âme – c’est le cas de Nietzsche. Seul un grand artiste peut se permettre de sacrifier le Bien terrestre au nom du Beau céleste.
âme,art,bassesse,beauté,grandeur,hauteur,honte,liberté,paradoxe,pitié,…

bien
Seul un artiste, c’est-à-dire celui qui se met au-delà du Bien et du Mal, et donc au-delà de la liberté, peut se permettre des monstruosités du genre : « J’appelle décadent celui qui préconise ce qui n'est pas dans son intérêt » - Nietzsche - « Ich nenne ein Individuum verdorben, wenn es vorzieht, was ihm nachtheilig ist ». Une belle pose d’aristocrate, perclus de rêves, et une vile position de goujat, agissant dans la réalité.
action,art,bassesse,liberté,mal,réalité,rêve

bien
Ce n’est pas la bonne mais bien la mauvaise conscience qui nous rapproche davantage de l’ange : St-Augustin, Rousseau, Mozart, A.Rimbaud, Nietzsche, Tolstoï. L’homme content fricote avec le Satan.
ange,mal,proximité

bien
Ce n’est pas aux sages mais aux artistes que s’adresse l’appel d’être au-delà du Bien et du Mal ; Dostoïevsky fut près des sages, et Nietzsche – des artistes.
art,mal

bien
L’origine du sens de justice est à l’opposé de celui de Bien : celui-ci est divin, dans son immatérialité ; celui-là ne vaut que par ses applications. Le Créateur nous propose trois rôles : juge, accusé ou législateur : Nietzsche revêt le premier, Dostoïevsky – le deuxième, moi – le troisième. Toutefois, plus un législateur est noble, plus d’empathie il éprouve avec un banc des accusés.
action,auteur,création,dieu,justice,matière,noblesse

aristote
Le but du poète est de nous guérir de la pitié, source de tous les maux.
bien
Cette manie de paraître fort, que tu partages avec Nietzsche, vous vient du mauvais culte de la tragédie ; la pureté ou l'intensité seraient incompatibles avec la faiblesse ; heureusement, le christianisme reste le dernier à prôner la compassion pour le vaincu. Les cœurs en bronze, hélas, évincèrent les cœurs brisés.
art,christianisme,cœur,commencement,contrainte,défaite,mal,pitié,poésie

tolstoï l.
Надо не столько стараться делать добро, сколько стараться быть добрым ; не столько стараться светить, сколько быть чистым.

Ne cherche pas à faire du bien - sois bon. Ne pas éclairer, mais être lumineux.
bien
« Affairé à faire du bien, tu n'as plus le temps d'être bon »* - Tagore. Je sais que je suis bon et lumineux. Mais comment en convaincre l'observateur incrédule, qui est moi-même, le jour des yeux éteints ? « Deviens ce que tu cherches ! » - Angélus - « Werde was du suchst ! » - mais je suis ce que j'ai trouvé, et Pythagore, avec « Deviens ce que tu es », est plus percutant. La lumière de l'ascète ne chauffe pas, car elle ignore les facettes. La lumière de l'esthète se rit des facettes. La lumière du poète est tournée vers l'intérieur, et ses ombres – vers l'extérieur ; pour produire de l'éclat chez autrui, il faut être éclatant – en soi.
action,être,mot,ombre,poésie,regard,soi

tolstoï l.
Добро заражается злом в борьбе.

L'acceptation du combat avec le mal en contamine le Bien.
bien
« Qui combat le monstre devrait faire attention de ne pas en devenir un »** - Nietzsche - « Wer mit Ungeheuern kämpft, mag zusehn, daß er nicht dabei zum Ungeheur wird ». Avec tous les contrepoisons qu'on inventa le risque s'amenuisa considérablement. Le mal changea de bannières et il les plante plus volontiers devant des vitrines que sur des lances. Le contenu des combats, comme leur forme, se réduit, de plus en plus, aux alignements de chiffres. Les redditions résultent des additions, les charges se rapportent au fisc, les retraites sont de plus en plus anticipées.
argent,lutte,mal,platitude,robot

dostoïevsky f.
Сознание, что тебя стоит высечь, - есть уже начало добродетели.

La conscience que tu mérites le fouet est le commencement de la vertu.
bien
Beaucoup de vices commencent par la conviction que d'autres le méritent. Nietzsche, pour se faire rosser, n'allait vers la femme qu'avec un fouet. Baudelaire fut encore plus indépendant : « Je suis le soufflet et la joue ». Pour être libre, rien de plus efficace que la honte : « Je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords »* - Rousseau.
commencement,femme,honte,liberté,mal,nihilisme

nietzsche f.
Es ist mit dem Menschen wie mit dem Baume. Je mehr er hinauf in die Höhe und Helle will, umso stärker streben seine Wurzeln erdwärts, abwärts, ins Dunkle, Tiefe - ins Böse.

Avec l'homme c'est comme avec l'arbre : plus il aspire à la hauteur et à la lumière, plus fort est l'appel de ses racines vers la terre, vers le ténébreux et profond, vers le mal.
bien
Et comme avec l'arbre, sa hauteur se mesure par ses appétits : le fruit, la fleur ou le climat. Je ne crois pas à la légende d'un mal se tapissant dans des profondeurs ; le mal est dans la platitude ou l'étendue de l'action ; les racines, qui en seraient contaminées, ne sont que rhizomes surfaciques, parasitaires ou rapaces.
arbre,climat,élan,éléments,hauteur,mal,ombre,platitude

nietzsche f.
In jeder aristokratischen Moral wird das Mitleid als eine Schwäche wahrgenommen.

Dans toute morale aristocratique, la compassion passe pour une faiblesse.
bien
Cultive ta faiblesse ou ta défaite, et tu retournes facilement cette piqûre en éloge. Le goujat est connu par n'apprécier que la force. Ou, plus précisément, il ne sait pas tirer profit de ses faiblesses.
défaite,force,gloire,noblesse,pitié

nietzsche f.
Je stumpfer das Auge, desto weiter reicht das Gute ! Daher die ewige Heiterkeit des Volkes und der Rinder ! Daher die Düsterkeit und der dem schlechten Gewissen verwandte Gram der Denker !

Plus grossier est l'œil, plus facile est le contentement ! D'où l'éternelle pétulance du troupeau. D'où la tristesse et cet air ombrageux, proche d'une mauvaise conscience, - du penseur.
bien
La bonne conscience est donnée en prime à tout gagnant de la vie. D'où la lubie du penseur : s'introduire auprès des perdants, pour satisfaire son avidité de neurasthénies, sa volupté de l'échec et sa volonté de capitulation, pour ranimer sa bile dans une écriture du désastre (Blanchot). « Allègre en tristesse, triste en allégresse » - G.Bruno - « In tristitia hilaris, in hilaritate tristis ». L'ignorance étoilée ou « que le penseur rie » - Martial - « ride si sapis ».
angoisse,bonheur,caresse,conscience,défaite,étoile,haine,mélancolie,mouton,savoir,…

cité
Ce n'est pas à cause d'un prétendu gouffre grandissant entre la vie réelle et les intellectuels, que ceux-ci disparaîtront de la scène. C'est, au contraire, à cause de leur fusion journalistique avec la vie réduite aux statistiques. Ce gouffre béni aura existé pendant 250 ans, mais des pelletées des Balzac, Dickens, Hugo, Tolstoï, Sartre l'ont comblé malgré quelques sapes des Flaubert, Nietzsche, Valéry. Jadis, on confondrait l'intellectuel avec le vagabond (c'est à dire extra-vagant – celui qui vagabonde hors la vie) ; aujourd'hui, il est indiscernable d'avec le garagiste.
balance,esprit,jeu,mot,platitude,vie

cité
Toute la philosophie allemande d'avant Nietzsche préparait le chemin du robot, et paradoxalement ce sont les pires des robots allemands qui ont choisi pour symbole - Nietzsche ! On reconnaît une noble pensée par les catastrophes que déclencherait sa mise en application. « Néron eût été un grand prince, s'il n'eut été gâté par le galimatias de Sénèque » - Ch.Fourier.
allemagne,défaite,fanatisme,hommes,noblesse,paradoxe,philosophie,platitude,réalité,robot

cité
La mécanique des rapports humains évinça partout le chaos originel, ce chaud milieu, où je puisse encore respirer. Nietzsche a tout vu de travers : « la civilisation n'est qu'une mince pellicule au-dessus d'un chaos brûlant » - « Kultur ist nur ein dünnes Apfelhäutchen über einem glühenden Chaos ».
auteur,culture,hommes,ordre,robot

cité
Pour donner à Valéry ou Cioran la gloire populaire de Nietzsche, il faudrait qu'un futur Hitler, Staline ou Attila s'en entichât. Hélas, l'arbre et les ruines n'ont pas la puissance mobilisatrice du surhomme.
allemagne,arbre,force,gloire,grandeur,hommes,ruines,russie

cité
Le regard est question d'un goût, qui n'est pas à justifier, et le goût, en présence d'une espèce, est une préférence gratuite, donnée à certains genres ; c'est l'esprit qui a besoin de justification de ses unifications d'arbres, qui est sa première fonction, et où il cherche surtout des similitudes des espèces. Vu sous cet angle, le mot de Nietzsche : « Voir partout des similitudes et en faire des égalités sont le signe de mauvaise vue » - « Ähnlichseherei und Gleichmacherei sind das Merkmal schwacher Augen » - juge l'esprit et non pas le regard. Dans les affaires de la cité, c'est une myopie voulue, puisque l'égalité à faire est en bas, mais la liberté à rêver est en haut.
arbre,égalité,esprit,goût,hauteur,liberté,nécessité,regard,rêve

cité
Le socialisme cherche à arracher les crocs aux loups ; le capitalisme - à insérer ceux-ci parmi les moutons et à anesthésier la saignée. Mais le principe du troupeau est le même, quoiqu'en pense Nietzsche : « Le socialisme est l'aboutissement de la morale du mouton » - « Sozialismus ist zu Ende gedachte Herdentiermoral ». Le triomphe du capitalisme prouve, que « moins d'exigences morales forme une croyance, face à l'individu, plus vaste est le troupeau qui l'applaudit »** - S.Zweig - « je geringere moralische Anforderungen ein Glauben an das Individuum stellt, um so weiteren Kreisen wird es willkommen sein ».
bien,mouton,souffrance

cité
Le nazisme se soucie du surhomme, le communisme - du sous-homme, la démocratie - des hommes. À cette triade manque le quatrième élément (selon Dostoïevsky et Nietzsche) - l'homme, jadis au centre de l'humanisme, aujourd'hui évincé au profit du robot, qui prit sa place (comme le mouton s'était substitué jadis aux surhommes et sous-hommes).
hommes,humanisme,mouton,robot

cité
La grande chance de la démocratie, en France et en Angleterre, fut le positivisme philosophique, qui régnait dans la plupart des têtes pensantes ; toute démocratie, qui veut survivre, devrait se donner pour tâche prioritaire la détection à temps d'un nouveau Nietzsche, B.Croce, Ortega y Gasset, Berdiaev, pour le mettre à son service ; la place d'un lyrisme philosophique est dans un salon, un sous-sol ou une ruine, jamais - sur une place publique.
angleterre,philosophie,poésie,romantisme,ruines

cité
En politique, comme en culture, je suis mauvais citoyen et mauvais contemporain. Je salue le débat sur l'identité nationale, mais je sais, que, d'après les critères courants, je suis mauvais Russe, mauvais Allemand et mauvais Français. Ce qui me console, c'est que je me retrouverais dans la même catégorie que Pouchkine, Nietzsche et Valéry.
allemagne,auteur,consolation,culture,france,modernité,russie

cité
L'extase, comme état d'esprit, devrait être réservée aux seuls gentlemen (et interdite aux moines, avocats ou journalistes). Il faudrait bannir de la scène publique l'exaltation de l'ampleur (Wagner), de la profondeur (Dostoïevsky), de la hauteur (Nietzsche) et bercer les hommes par l'apaisante platitude, ou la mélasse, des Proust, Chopin, Hegel, qu'on glisserait entre les agitations des stades, des Bourses ou des salles de débat des intellectuels parisiens.
enthousiasme,france,hauteur,platitude

cité
Le charlatanisme des théories des systèmes ou de la complexité est bien illustré par la terminologie de la théorie des nombres : de la tyrannie du réel intégral on se dirige aujourd'hui vers la démocratie du complexe différentiel, comme hier Kant (ce grand Chinois de Königsberg - Nietzsche), passant du droit naturel au droit rationnel. Dommage aussi que personne n'ait constaté le triomphe, jadis larvé et aujourd'hui patent, de la théorie des ensembles pratiques (Sartre).
justice,nature,réalité,système

cité
Deux abstractions étonnamment semblables, le surhomme de Nietzsche et le prolétariat de Marx. Une utopie de solitaire et une utopie de solidaire. Une voix de l'esthétique, par-delà l'éthique, et une voix de l'éthique, par-delà la politique. Mais le même appel de la noblesse et du pathos. Frères sur papier et en rêve, ennemis en pratique et chez les acolytes.
beauté,bien,fraternité,noblesse,réalité,rêve,solitude

cité
Quand on ne vit que dans une seule dimension, dans la verticalité (tel Nietzsche), toute idée d'égalité apparaît comme profanation de la hauteur ; mais la politique, c'est la pratique de l'horizontalité, et la recherche d'une supériorité dans la platitude devient saugrenue, tandis que celle de l'égalité est signe d'une vraie supériorité éthique et même esthétique.
axe,bien,égalité,hauteur,hommes,justice,platitude

cité
Toutes les grandes idées sont tyranniques ; peut-on imaginer un chantre philosophique de la démocratie ? Mais Hegel, tout naturellement, s'entiche de Napoléon, Nietzsche - de César Borgia, Sartre - de Staline, Heidegger - de Hitler.
grandeur,idée,liberté,philosophie

cité
Athènes et Descartes doivent être remerciés pour avoir introduit deux grands principes : la liberté dans la cité et le système dans la philosophie, leurs valeurs sont indubitables. Ensuite, les héritiers épigones les mettent en pratique : les politiciens fondent tout sur le commerce et les impôts, et les philosophes – sur le savoir et la vérité. Le parcours est rarement d'accord avec la source. Ne gardent un contact avec les commencements que les adeptes de la grandeur ou de la poésie, de Gaulle ou Nietzsche.
argent,bassesse,commencement,grandeur,liberté,philosophie,poésie,savoir,système,vérité

cité
Le combat entre le fort et le faible - thème central et de Marx et de Nietzsche ; mais pour le premier, il se déroule entièrement en dehors de l'homme, au milieu des hommes, sous forme d'une lutte des classes ; chez le second, il est entièrement intérieur à l'homme, où le sous-homme fait toujours son travail de sape ; tous les deux sont pour la victoire du fort : le premier - en rendant fort le faible actuel, le second - en surmontant l'homme banal, en soi-même. Aujourd'hui, les hommes triomphèrent, à l'extérieur, et le sous-homme - à l'intérieur ; l'homme est remplacé par le robot, et le surhomme - par le mouton le plus habile ou chanceux.
défaite,force,hommes,lutte,mouton,robot

cité
Le culte de l'inégalité, dans nos sociétés repues, découle directement de la sensation de force, qu'éprouvent même ceux qui se trouvent en bas de l'échelle sociale. Pour rendre l'homme – fraternel, il faudrait lui rappeler qu'il est faible. Et la liberté se vit mieux en tant qu'un songe qu'une veille. « L'épuisement est le chemin le plus court vers l'égalité, vers la fraternité, et c'est le sommeil qui y ajouterait la liberté » - Nietzsche - « Die Ermüdung ist der kürzeste Weg zur Gleichheit und Brüderlichkeit – und die Freiheit wird endlich durch den Schlaf hinzugegeben ». Il n'existe pas de rêves, nés dans l'abondance ; l'utopie est affaire de la misère, réelle ou imaginaire ; la satiété fruste tue la société juste.
argent,égalité,force,fraternité,justice,liberté,misère,rêve

cité
Les esprits sont des libres entreprises ; les âmes exercent une tyrannie aristocratique. D'où l'extinction de celles-ci et la prolifération de ceux-là. Plus de rêveurs, esclaves de leurs âmes ; que des ruminants libres, négociant avec leurs esprits. « Rien ne m'est plus étranger que toute cette engeance, européenne et américaine, de libres penseurs » - Nietzsche - « Nichts ist mir unverwandter als die ganze europäische und amerikanische Species von libres penseurs ».
âme,amérique,esprit,europe,liberté

cité
Aujourd'hui, on juge les hommes d'après leurs positions politiques, idéologiques ou claniques ; jadis, on appréciait davantage la pose : d'un Byron, d'un Chateaubriand, d'un Nietzsche. Comme, de nos jours, j'admire la pose de Cioran : des apocalypses entièrement inventées, l'irréparable ressurgissant, rutilant, de ses cendres, l'incurable s'épanouissant dans de belles onctions suprêmes.
art,artificiel,ironie,modernité,pose,souffrance

cité
Le funeste projet, né dans les têtes exaltées de Marx ou Nietzsche, celui d'éduquer un homme nouveau, fut mis en chantier par les bolcheviques et les nazis, mais toute tentative de créer « un homme nouveau, intérieur et céleste » - Thomas d'Aquin - « homo novus interior et celestis » échoue à cause de l'homme ancien, tout à l'extérieur et si terre-à-terre.
allemagne,élan,hommes,russie

cité
Les faux rebelles : Hugo, Flaubert, Dostoïevsky, le Nietzsche du surhomme, Mallarmé, les surréalistes, les nouveaux de tout poil des années 60-90 du siècle dernier. Les vrais : Rousseau, Rimbaud, Tolstoï, le Nietzsche du trop humain.
grandeur,révolte

cité
Impossible de vénérer la liberté dans les plates affaires des hommes. Aucune profondeur casuistique ne l'héberge pas non plus. La liberté ne brille que par les sacrifices héroïques qu'exige la fidélité à la hauteur : « Selon quel critère juge-t-on la liberté ? - d'après l'effort pour préserver la hauteur » - Nietzsche - « Wonach misst sich die Freiheit ? Nach der Mühe oben zu bleiben ».
absurde,amour,hauteur,hommes,liberté,platitude,sacrifice

cité
Platon, comme Nietzsche, voient dans la société le milieu naturel, dans lequel doivent s'exercer les tâches les plus nobles d'une aristocratie. Ces tâches n'existèrent jamais. Ne sont aristocratiques que les contraintes. De plus, le milieu aristocratique, c'est la solitude, où la création est portée à maturité, dans la rencontre de l'ironie avec la pitié (le sérieux et la justice s'y opposent). Tout vrai philanthrope est agoraphobe.
contrainte,élite,hommes,ironie,justice,nature,noblesse,pitié,solitude

cité
Dans les besoins et plaisirs matériels, nous sommes égaux ; nous sommes inégaux dans les affaires spirituelles. Donc, la formule nietzschéenne : « Aux égaux – égalité, aux inégaux - inégalité » - « Den Gleichen Gleiches, den Ungleichen Ungleiches » - s'applique aux mêmes hommes ; elle est une heureuse réconciliation entre un communisme fraternel et un aristocratisme élitiste.
égalité,esprit,fraternité,matière,noblesse,pitié

cité
Le seul intérêt des indéfendables notions de caste et de domination, dans la société, consiste à examiner, sous le même angle, ma propre âme et d'y instaurer des hiérarchies aristocratiques. « Ce désir des distances, toujours recommencées, toujours plus grandes, à l'intérieur de l'âme même, cette formation d'états d'âme, toujours plus hauts, plus rares, plus lointains, plus vastes »*** - Nietzsche - « Jenes Verlangen nach immer neuer Distanz-Erweiterung innerhalb der Seele selbst, die Herausbildung immer höherer, seltnerer, fernerer, weitgespannterer Zustände ».
âme,grandeur,hauteur,noblesse,proximité

cité
Prenez les philosophes nobles – Voltaire, Marx, Nietzsche – et voyez vers où nous conduisent leurs adeptes – la terreur, la férocité, la misère. Et voici ceux, dont n'émanent que la banalité et l'ennui – Descartes, Spinoza, Kant – mais admirez leur rôle dans les sociétés démocratiques, justes et prospères.
ennui,justice,liberté,misère,noblesse,philosophie

cité
Le communisme est enfant des Lumières (Voltaire, Rousseau, Danton), comme le nazisme est celui de la Renaissance ou du Moyen Âge (la Propagande de Goebbels s'inspira de la propaganda fide de la Curie romaine, comme le modèle de la SS de Himmler, ce Loyola de Hitler, fut l'Ordre des Jésuites, qui fut le modèle originel de tout totalitarisme) ; mais le nihilisme de leurs homme ou ordre nouveaux doit beaucoup aux nouvelles valeurs de Nietzsche.
allemagne,axe,hommes,moyen âge,nihilisme,russie

cité
La démocratie est dans un devenir créatif, débouchant bon gré mal gré sur un être mécanique mais stable. La tyrannie pense incarner un être éternel et organique, dans un devenir chaotique ou féroce. Un homme d’exception trouverait mieux sa place dans le second cas, mais Nietzsche pense le contraire : « Le génie éprouve le ressentiment pour tout ce qui est déjà, mais qui ne devient plus » - « Das Genie kennt ein Rache-Gefühl gegen alles, was schon ist, was nicht mehr wird ».
esprit,éternité,être,haine,liberté,noblesse

cité
Dans l’élan vital, comme dans la volonté de puissance, se rencontrent le vouloir et le pouvoir ; mais ce sont deux clans irréconciliables qui les incarnent. Dans le premier, règne un pouvoir dominateur, normatif, machiavélique ; dans le second, culminant avec Nietzsche, – un vouloir artistique, gracieux, narcissique. Spinoza : « Par vertu et puissance j’entends la même chose » - « Per virtutem et potentiam idem intelligo » - ne fait que suivre Machiavel.
art,bien,grâce,justice,valoir

cité
Les cœurs et les esprits, sur tous les continents, se ressemblent ; le plus de différences réside dans les âmes. Et puisque l’art est affaire des âmes, il doit s’adresser au sol au goût savoureux et non pas à l’humanité insipide. C’est ainsi que Nietzsche se détourne du Bien (en se plaçant au-delà des cœurs), se moque du Vrai (en éliminant des objets et en s’identifiant avec le sujet) et veut ne servir que le Beau (émanant de l’âme) ; il veut être « découvreur des sentiers de l’âme européenne » - « Pfadfinder der europäischen Seele ». Je dirais plutôt – créateur des sources, des émotions qui se déversent dans les âmes.
art,beauté,bien,chemin,cœur,commencement,création,esprit,europe,goût,…

hugo v.
Car le peuple est en haut, mais la foule est en bas.
cité
Le peuple devient foule, quand il croit aux proclamations bruyantes, qu'il n'est qu'en haut. Dans notre société, éthiquement silencieuse et esthétiquement horizontale, - « la populace est en haut, la populace est en bas »*** - Nietzsche - « Pöbel oben, Pöbel unten ». La liberté crée le peuple qui parle, la fraternité crée le peuple qui chante, mais l'inégalité en refait la foule qui bavarde.
égalité,fraternité,hauteur,hommes,liberté,mouton,platitude,silence

tolstoï l.
Сила сцепления людей есть ложь, обман. Сила, освобождающая каждую частицу людского сцепления, есть истина.

Toute force centrifuge des hommes est mensonge. Toute force, qui libère chaque particule d'une multitude, est vérité.
cité
Et ce qui libère pour unir ? Ou ce qui unit pour libérer ? Des vétilles ! N'est vrai que le premier pas, dans n'importe quelle direction ; la grandeur n'est pas dans la direction (Nietzsche), mais dans le commencement, poétique ou héroïque. La direction, c'est tout pas second, expression de la force mécanique, de l'inertie.
commencement,continuité,force,grandeur,liberté,mensonge,mouton,poésie,vérité

nietzsche f.
Ich frage dich nicht wovon du frei bist, ich frage dich wozu du frei bist.

Je ne te demande pas de quoi, mais à quoi tu es libre.
cité
Chez l'homme, dit libre, on constate, que plus vaste est son de quoi (wovon), plus étriqué est son à quoi (wozu). Chez l'esclave, ce sont des synonymes ; la différence n'est de taille que chez le créateur : il est libre aux images virtuelles, il est libre des choses réelles.
action,contrainte,création,liberté,réalité

nietzsche f.
Der Kampf um die Erdherrschaft wird im Namen philosophischer Grundlehren geführt werden.

La lutte pour la domination du monde se déroulera sous le signe des principes philosophiques.
cité
C'est ainsi que fut pressentie la dernière guerre européenne : le bolchevisme contre le nazisme, où, mécaniquement, le premier aurait dû succomber au second. Mais le conflit dévia et, au lieu d'être une lutte de classes, devint une guerre de races, où l'âme slave s'avéra supérieure à la raison germanique.
allemagne,europe,lutte,philosophie,russie

saint exupéry a.
S'il n'est point de hiérarchie, il n'est point de frères.
cité
Ta voyante fraternité s'établirait par un simple coup d'œil aux galons. La mienne, plus gustative, se fierait plutôt - aux narines : « Mon génie est dans mes narines » - Nietzsche - « Mein Genie ist in meinen Nüstern ».
auteur,balance,élite,esprit,fraternité,goût,pitié,regard,simplicité

doute
Chaque fois que vous trouvez mon mot trop clair, je suis sûr, que vous ne me comprenez pas. « Ce qui devient clair cesse d'être de moi »*** - Nietzsche - « Eine Sache, die sich aufklärt, hört auf, uns etwas anzugehn ».
auteur,interprétation,mot,soi

doute
L'homme subtil vénère, en hauteur, l'ordre et surmonte, en profondeur, le désordre. Le deuxième cas, pour l'homme intelligent, est beaucoup plus fréquent, et on peut dire, que la vraie anthropologie est avant tout une entropo-logie. Par un essor-hauteur de l'âme on surmonte l'homme plus sûrement que par son élargissement-distance (Nietzsche - « Distanz-Erweiterung innerhalb der Seele »).
âme,élan,esprit,goût,hauteur,hommes,intelligence,ordre,proximité,simplicité

doute
Plus on appuie sur la touche unique d'un système, plus on frappe à côté de la vie. « L'homme du système ne veut plus avouer à son esprit qu'il vit, que, tel un arbre, il aspire à l'ampleur autour de lui » - Nietzsche - « Der Systematiker will seinem Geiste nicht mehr zugestehen, daß er lebt, daß er wie ein Baum, in Breite um sich greift ». Cette perte d'ampleur vivifiante est due au manque de hauteur palpitante
arbre,école,élan,hauteur,système,vie

doute
Rien que de belles ombres, même dans l'oubli des choses nécessaires, même d'une méchante lumière - ma réplique à Nietzsche : « rien que de la lumière, même par-dessus de méchantes choses »* - « Licht, nur Licht auch über schlimme Dinge ».
auteur,beauté,ombre

doute
La conscience de mon soi inconnu - me munir du regard, que je mettrai au-dessus et des choses perçues et des idées conçues (je pourrai l'appeler, comme Nietzschemon univers inconnu interne – unbekannte Welt in mir). La conscience de mon soi connu - me voir, bossu ou déçu.
auteur,conscience,défaite,idée,inconnu,nature,regard,savoir,soi

doute
La lumière pragmatique inonde le quotidien des hommes, qui vivent de plus en plus dans l'illusion d'un milieu sans ombres. D'où la chute de l'art et de la philosophie, qui ne vivent que des ombres. « Au fond de chacun, il y a son noyau inconnu, masse d'ombre, qui joue le moi et le dieu »*** - Valéry. Dieu voulut, à l'opposé de Nietzsche, que ce noyau fût fait de faiblesses (« Kern voll Schwäche »*** - Rilke !) ; dans l'inconnu de la volonté de puissance il y a autant de sources d'ennui que dans le connu de nos défaites : « L'inconnu passe pour grandiose » - Tacite - « Ignotum pro magnifico est ».
art,défaite,dieu,force,inconnu,ombre,philosophie,savoir,soi,utilité

doute
En quelle saison veux-tu unifier ton arbre ? Veux-tu privilégier la fleur, le fruit ou le bois de chauffage ? La lumière de sa cime, l'ombre de ses ramages, la ténèbre de ses racines ? Ce qui est visible, ce qui est lisible, ce qui est intelligible ? « Les principes philosophiques sont les racines de notre pensée et de notre volonté ; c'est pourquoi ils ne doivent pas s'exposer à la vive lumière »** - Nietzsche - « Philosophische Grundanschauungen sind die Wurzeln unseres Denkens und Wollens : deshalb sollen sie nicht ans grelle Licht gezogen werden » - cette préférence de la hauteur ne nous rend pas moins profonds, mais moins bavards.
arbre,hauteur,ombre,philosophie,valoir

doute
M'être familiarisé avec toutes les meilleures plumes du monde tua en moi le lecteur ; aucune chance que je tombe encore sur un auteur à la hauteur de Nietzsche, à l'intelligence de Valéry, à l'ironie de Cioran. La source livresque s'est définitivement tarie. De bonnes soifs ne peuvent dorénavant jaillir que de moi-même.
auteur,commencement,élite,esprit,grandeur,intelligence,ironie,maîtrise,soi,soif

doute
Ce qui est le plus fécond, ce n'est ni la solution issue des réponses, ni le problème entrant dans des questions, mais le mystère jaillissant des images. Comme le Parménide ou la Caverne de Platon, ou la Procession plotinienne, ou l'éternel retour nietzschéen. Et la réalité, que nous ne pouvons appréhender qu'en images ou en tropes, n'est pas moins mystérieuse.
continuité,création,éternité,mystère,question,réalité,retour,ruines,style

doute
Chez un maître, et les buts et les contraintes sont ce qui reste invisible dans le résultat. Nietzsche se donne pour but la transformation (Umgestalten), et moi je surveille surtout ma contrainte – éviter, par filtrage, tout ce qu'un autre aurait pu dire à ma place. Mais nos résultats peuvent se mettre à l'unisson, tout en refusant toute amplification ou propagation.
auteur,contrainte,inconnu

doute
Je suis inondé de cette lumière, qui existe avant tout langage et ne vaut que par sa source mystérieuse, refusant toute reproduction verbale. « Les pensées sont les ombres de nos sentiments » - Nietzsche - « Die Gedanken sind die Schatten unserer Empfindungen ». Quand on tient à l'intensité, tout reflet par le mot prend inexorablement la consistance des ombres.
auteur,commencement,intensité,langue,mystère,ombre,représentation,sentiment,style

doute
Soit une chose, C, son implexe, Im, et notre parcours, P, au-dessus de la chose, entre les moments t1 et t2, vécu avec l'intensité In. Héraclite nous dit, que l'égalité, C(t1) = C(t2) est impossible ; Nietzsche nous suggère qu'avec In suffisamment grande, cette égalité est métaphoriquement possible - l'Éternel Retour ; Valéry dit qu'il n'y a pas de choses, que des implexes, qui sont toujours unifiables, Im(t1) = Im(t2), - l'Éternel Présent.
absurde,arbre,éternité,intensité,métaphore,nécessité,réalité,retour

doute
Mon soi n'est bon qu'en tant qu'outil ; le dissimuler ou chercher son authenticité sont deux bêtises d'égale banalité. Parler de soi, ce n'est pas trahir mon soi : « Parler beaucoup de soi est un moyen de se dissimuler » - Nietzsche - « Viel von sich reden ist auch ein Mittel sich zu verbergen » - c'est se tromper de matière ; le soi en tant que matière n'est pas plus révélateur que n'importe quelle chose ; le soi en tant qu'outil, c'est le mot, éclipsant la chose.
authenticité,mot,soi

doute
Avec un bon auteur : autant de lectures que de lecteurs. C'est Nietzsche, lui encore, qui s'y fait remarquer ; le surhomme et l'éternel retour en sont les plus beaux exemples ; même Heidegger y fait appel, grossièrement, à l'histoire, à l'évolution des hommes ou à la méta-géométrie (retour à soi-même, la mêmeté comme l'être idéel, contrôlant le tout-étant), au lieu d'y voir l'intensité entretenue comme la seule justification de notre intérêt pour les choses.
éternité,être,histoire,hommes,intensité,retour

doute
C'est pour mieux scruter l'horizon ou fixer le firmament que Nietzsche ou Cioran s'entourent de ruines.
étoile,ruines

doute
Que trouve-t-on dans son âme ? - une musique silencieuse, une peinture des yeux fermés, une raison d'avant le Verbe, des attirances sans objets, et la tâche humaine d'introspection est tout de traduction ; je n'y vois aucune place pour la dissimulation, le refoulement, l'aliénation - toutes les philosophies du soupçon (et même l'école nietzschéenne de suspicion - die Schule des Verdachts - lorsqu'elle s'écarte du mépris - der Verachtung) ne s'adressent pas à l'homme, mais au robot, qui s'imagine, que ses copies sont plus authentiques que ses dissimulations.
âme,authenticité,haine,interprétation,mot,musique,philosophie,raison,robot,silence,…

doute
Au même lieu méditerranéen, où j'inventais et l'astre et la chose et l'ombre, Nietzsche chercha la lumière et Valéry trouva l'illumination - pour mieux peindre leurs ténèbres. Entre la hauteur du premier et la profondeur du second (entre Sète, Nice et Gênes), je m'y sens à l'aise, en oubliant les astres et les choses et en vivant des ombres.
auteur,création,étoile,hauteur,ombre,platitude

doute
Après de multiples plongeons dans le flux des choses, Héraclite se désole de l'inégalité du flux, et Nietzsche se console de l'égalité des choses. Il serait plus instructif de changer d'élément : à la nage préférer le vol ; d'une bonne hauteur tout flux et toute chose, c'est à dire tout être et tout devenir, prendraient de beaux contours de l'éternité.
consolation,éléments,éternité,être,hauteur,retour

doute
Dans le ton de ses fragments, Nietzsche est d'une noblesse insurpassable ; dès qu'il cherche la cohérence ou la reconnaissance, avec des hiatus, liaisons, faits ou preuves, il sombre dans la même banalité que tous les autres penseurs.
maxime,noblesse,reconnaissance

doute
C'est le lieu et la nature de ce qui est rigoureux et de ce qui est flou, dans les concepts et dans le discours, qui prédétermine la stature d'un philosophe  : le flou poétique des concepts et le flou poétique du discours (les pré-socratiques, Nietzsche), la rigueur prosaïque des concepts et la rigueur prosaïque du discours (Aristote, Kant), le flou poétique des concepts et la rigueur prosaïque du discours (Hegel, Schopenhauer), la rigueur poétique des concepts et le flou poétique du discours (Valéry). C'est la dernière combinaison qui est la plus heureuse.
idée,mot,philosophie,poésie,représentation

doute
Le commencement noble n'indique pas de direction, mais détermine la hauteur ou l'intensité : « À chaque fois, le commencement doit laisser perplexe ; ensuite, une lente montée d'inquiétude » - Nietzsche - « Jedesmal ein Anfang, der irreführen soll. Allmählich mehr Unruhe ».
commencement,étonnement,hauteur,intensité,noblesse

doute
L'une des justifications de la notion bancale d'être serait qu'elle nous amène à ce qui n'existe pas. En plus, elle serait un compromis pathétique entre la profondeur et la hauteur, l'être s'accomplissant dans : « l'acquiescement le plus haut et le plus ouvert à sa propre ruine » - Heidegger (« das höchste Jasagen segnet seinen Untergang ») - les meilleures des ruines s'érigeant en hauteur, Nietzsche y découvrant la compagnie de Cioran.
acquiescement,être,hauteur,ouvert,ruines

doute
Le contraire du regard n'est pas la croyance (Nietzsche - Schauen - Glauben), mais les choses vues (maîtrisées, stockées, pesées) ; la part de croyance est la même chez ceux qui possèdent leur propre regard et intensité que chez ceux qui se remettent à la vision et à la mesure communes.
balance,intensité,maîtrise,négation,regard

doute
Le soi, précieux et original, se refuse à la lumière, également répartie et le condamnant à la platitude ; je ne le perçois qu'illuminé par des étincelles soudaines ; l'exercice de Valéry ou de Nietzsche (der Versuch) relève de la même vision.
maxime,ombre,platitude,soi

doute
C'est sur les axes, sur lesquels nous sommes le plus vulnérables, que surgissent surtout nos extravagances et paradoxes, - écoutez ce faiblard de Nietzsche s'égosiller en faveur des forts ; mais ce n'est pas une faute musicale : c'est bien sur l'axe de la force que se concentrent les gammes les plus vastes.
axe,erreur,force,musique,négation,paradoxe

doute
Zarathoustra, à midi sans ombres, la lumière étant portée par l'aigle et le serpent - comment s'imaginer le retour de cette aveuglante foi ? - à minuit, où tout n'est qu'ombre dévoilante, un chien hurlant à la lune, - une conversion, grâce au même vecteur, plutôt qu'inversion ou réévaluation des valeurs, le nihilisme extérieur (derrière moi, en-dessous de moi, hors de moi - hinter sich, unter sich, außer sich - Nietzsche) se convertissant en nihilisme intérieur (mon meilleur moi m'est inconnu).
axe,nihilisme,ombre,religion,retour,soi,valoir

doute
Les soi-disant systèmes philosophiques sont des leurres, créés par des commentateurs ; les édifices des fragmentaires (Héraclite, Platon, Pascal, Nietzsche, Valéry) ne sont pas moins bien membrés que ceux des globalisants (Aristote, Spinoza, Hegel, Sartre) ; je dirais même que la part des balbutiements et des tâtonnements est plus importante chez les seconds, tandis que la qualité des métaphores est nettement supérieure chez les premiers.
continuité,élite,maxime,métaphore,système

doute
Être un Ouvert : vivre de l'élan vers la limite ; vivre à la limite ou vivre aux points déterminés, tendant vers la limite, sont deux attitudes des Fermés. Et je comprends Valéry, sceptique avec les seconds (Montaigne ou Pascal) et enthousiaste avec les premiers (Descartes ou Nietzsche).
amour,élan,frontière,ouvert

doute
Les preuves de Platon sont ridicules, mais ses mythes sont admirables. Ce bel exemple d'une bonne démarche elliptique ne fut suivi que par Jésus (en paraboles) et par Nietzsche (en hyperboles). La faillite des autres s'explique davantage par un manque de talent littéraire que par des lacunes de leurs preuves.
art,défaite,philosophie

doute
Nietzsche et Heidegger sèment des inconnues à profusion, unifiables avec l'art ou avec la vie, – un vrai régal pour tout herméneute. Mais quel sens peut avoir un commentaire sur tous ces Foucault, Deleuze, Derrida, Ricœur, où il n'y a que des constantes ? - écrits sur écrits sur écrits.
arbre,philosophie

doute
Ce misérable schéma hégélien : le progrès de l'esprit, la dialectique comme moteur de ce progrès, la contradiction comme matière première de cette dialectique. Et que, à côté de cette grisaille (la minable grisaille - Nietzsche - bei Hegel das nichtswürdigste Grau), l'éternel retour nietzschéen est beau ! - s'attacher à l'invariant vital, qui est le seul à être noble, atteindre sa hauteur artistique, finir par un acquiescement majestueux à cette vie divine, revue, repensée, tragique, unifiée avec l'art ! Une ridicule et orgueilleuse prétention à la scientificité et une fière et humble identification avec l'art.
acquiescement,art,hauteur,négation,noblesse,retour,science,vie

doute
C'est dans la hauteur qu'on doute le mieux, les certitudes étant renvoyées vers les profondeurs ou platitudes. Nietzsche se trompe de dimension : « Il faut douter plus profondément » - « Es muß gründlicher gezweifelt werden », mais c'est toujours mieux que de ne pas douter de la plus grande des incertitudes - de notre moi (Descartes). La naissance de la pensée : choisir un bon langage, formuler une bonne négation, viser une bonne hauteur - une belle croyance émergera d'un beau doute.
axe,beauté,hauteur,langue,nécessité,négation,platitude,raison,soi,vie

doute
Se moquer des oracles delphiques, de « Deviens ce que tu es » - Pythagore et Pindare, de « Sei was du bist » de F.Schlegel, de « Werde was du bist » de Nietzsche - s'inventer en toute occasion (entwerden) - « se piper soi-même » (Pascal). Sois ce que tu deviens (ce que fait de toi ta plume) !
création,être,soi

doute
La demeure des certitudes est la représentation (scientifique ou pragmatique) ; la croyance s'ancre dans la réalité (physique ou métaphysique). Ne croire en rien est donc une pose dogmatique, à l'opposé du nihilisme, bien que Nietzsche même en fasse le mode de penser de l'homme créateur. Pourtant, philosopher, c'est réduire toute espérance et tout savoir - au croire.
création,espérance,nihilisme,philosophie,réalité,représentation,science

doute
Tout bel enfant, en philosophie, se réclame d'une naissance miraculeuse ; ce qui les distingue, c'est le métier présumé de leur père – un scientifique (Hegel) ou un poète (Nietzsche). Des enfants de la vierge réflexion (Jungfraukinder der SpeculationJ.G.Hamann) ou des enfants de l'avenir (Kinder der ZukunftNietzsche). Des arbres, à généalogie établie ou à établir.
arbre,enfance,mystère,philosophie,poésie,science,temps

doute
La grandeur littéraire peut se mesurer par sa résistance à la relecture : la grandeur de Nietzsche, Tsvétaeva, Pasternak ne subit aucune fêlure, quel que soit le nombre de mes abordages. Montaigne, Dostoïevsky, Valéry perdent une partie de leur aura à chaque nouveau passage. Ceux qui dégringolent dès la deuxième lecture : Goethe, Pascal, Cioran.
art,auteur,grandeur,temps

doute
Le grand peut-être rabelaisien est pire que les petites certitudes des grenouilles de bénitier ; le néant absolu, qui t'attend, ne doit pas être entaché de relativisme. Vu en grand, même les certitudes apportent de la saine anxiété à l'allergique du sédentarisme. « Ce n'est pas le doute qui rend fou, c'est la certitude » - Nietzsche - « Nicht der Zweifel, die Gewissheit ist das, was wahnsinnig macht ». C'est le hasard matérialiste (le fors de Lucrèce) qui ne promet que la certitude d'ennui et d'horreur.
élan,être,folie,immobilité,jeu,matière,raison,religion,sentiment,souffrance,…

doute
Valéry n'a aucune ambition pour la rigueur d'un système, et pourtant ses phrases sont rigoureuses, et derrière elles on peut reconstituer facilement un système complet, profond et subtil, qui l'inspire. Tout, chez Nietzsche, n'est que rhapsodique, mais on y entend une symphonie, grandiose et harmonieuse. Spinoza, Kant, Hegel brandissent leur prétention à la rigueur scientifique, mais chacune de leurs phrases est un fatras anti-conceptuel, anti-logique, anti-poétique, où tout n'est que verbiage, hasard, irresponsabilité, arbitraire, que même le sens commun réfute sans peine, retourne ou s'en moque.
école,idée,jeu,musique,philosophie,poésie,science,système

doute
La volonté de l'éternel retour est une réaction au néant des finalités, proclamé par le mauvais, le téléonomique, nihilisme, mais elle se réalise dans le néant des commencements, ce bon nihilisme, cette recherche de l'impulsion initiale et initiatique, puisque la vraie source détermine le rythme ou l'intensité du fleuve anti-héraclitéen. « Le fleuve se reverse toujours en lui-même ; et toujours vous entrez dans le même fleuve, vous, les mêmes » - Nietzsche - « Der Fluß fließt immer wieder in sich zurück ; und immer wieder steigt ihr in den gleichen Fluß, als die Gleichen ».
commencement,éternité,être,intensité,nihilisme,retour

doute
L'absence de sens dans ce qui est grandiose – n'importe quel absurdiste péremptoire peut le clamer. Mais seul un nihiliste est capable de le créer ex nihilo : « Introduire un sens, admis qu'il n'y réside aucun sens » - Nietzsche - « Einen Sinn hineinlegen, gesetzt daß kein Sinn darinliegt ».
absurde,grandeur,nihilisme

doute
Deux porte-voix possibles, pour m'exprimer : le soi connu ou le soi inconnu. Mes maîtrises et mes expériences, ou mes perditions et mes rêves ? Dois-je coller mon verbe à mon corps et à mon esprit, pour qu'il en soit solidaire, ou bien dois-je créer un personnage imaginaire, en contact mystérieux avec mon âme irresponsable, tenant des propos imprévisibles ? Je penche pour le second choix, mais ce que furent Socrate pour Platon, Zadig pour Voltaire, Zarathoustra pour Nietzsche, s'appelle, chez moi, - mon soi inconnu.
âme,auteur,esprit,inconnu,maîtrise,mystère,rêve,soi

doute
Des forces hétérogènes animent, respectivement, nos corps, esprits et âmes ; et tout homme, consciemment ou non, crée, pour chacun de ces organes, une hiérarchie de ces forces, - une tâche de pure psychologie et que Nietzsche appelle volonté de puissance. Un don d'artiste permet de munir ces hiérarchies d'une même intensité – c'est le retour éternel du même, l'équivalence de la vie et de l'art, l'intronisation du surhomme.
âme,art,esprit,éternité,force,intensité,retour,vie

doute
Deux sortes d'inconnues, que le philosophe doit mettre dans l'arbre de son discours : celles que contient la vie et celles qu'entretient l'art. On reconnaît les grands par l'insertion de leurs inconnues non seulement dans des feuilles, mais aussi dans des racines, des troncs et des ombres. Héraclite le tente, Nietzsche le réussit, Heidegger en abuse.
arbre,art,grandeur,ombre,philosophie,vie

doute
Pascal, avant Dostoïevsky et Nietzsche, discerna nettement nos deux hypostases – l'ange et la bête. Mon soi inconnu est l'ange, et mon soi connu – la bête. Et il n'y a pas d'états intermédiaires entre les deux ; l'un fournit la lumière, l'autre en profite, pour jeter ses ombres. C'est pourquoi je suis sceptique face au grand midi nietzschéen : « entre la bête et le surhomme » - « der grosse Mittag zwischen Thier und Übermensch » Le matin du commencement, sacré par l'ange, inspire la bête.
ange,commencement,force,inconnu,ombre,sacré,soi

doute
Nous vivons au milieu des changements permanents de modèles et de langages, mais le sens (donné par nous et non pas par Dieu) en résulte après une confrontation avec l'immuable réalité (ou l'être). On a beau tourner autour du passager, on retourne toujours à l'éternel. « L'être, dénué de sens et de fins, sans aboutissement dans un néant, c'est l'éternel retour » - Nietzsche - « Das Dasein, ohne Sinn und Ziel, ohne ein Finale ins Nichts : die ewige Wiederkehr ».
éternité,être,immobilité,langue,réalité,représentation,retour,temps

doute
Ces va et vient, ces rapprochements et éloignements, ces reniements et acquiescements, ces fraternités et adversités, qui se déroulent entre ce que mon soi inconnu veut et ce que mon soi connu peut. Le talent permet d’en créer des axes continus, sur lesquels s’exerce l’éternel retour, grâce à la même intensité, artistique et vitale. Et c’est ce que Valéry reproche à Nietzsche : « Sa folie est de confondre ce qu’il est avec ce qui peut s’écrire ».
acquiescement,art,axe,création,esprit,éternité,être,folie,fraternité,inconnu,…

doute
La partie créative de la vie est dans les va-et-vient entre la réalité et ses représentations ; l’esprit scientifique est dans la recherche d’une adéquation entre ces séjours, et plus convaincante est celle-ci, plus grand est le talent. L’âme d’artiste est dans l’affirmation d’autonomie des représentations, et la distance, ainsi créée, maintenue, maîtrisée, reflète le même talent ; c’est celui-ci qui est le même, dans l’éternel retour nietzschéen, il est le contenu créatif du devenir – la répétition de la différence, plutôt que celle de l’identité.
âme,art,création,esprit,éternité,être,maîtrise,réalité,représentation,retour,…

doute
La qualité des yeux détermine la maîtrise et la profondeur ; la qualité du regard résume le talent et la hauteur. La rigueur d’une lumière ou la vigueur des ombres. La réalité se moque de la seconde démarche, mais le rêve la salue. Nietzsche est impuissant en technique poétique ou musicale, mais aucun poète ou musicien n’émit de métaphores aussi séduisantes là-dessus que les siennes ; Valéry ignore les théories linguistiques ou logiques, mais aucun linguiste ou logicien n’émit d’avis aussi pénétrants là-dessus que les siens.
esprit,hauteur,idée,langue,métaphore,musique,ombre,poésie,réalité,regard,…

doute
Là où mon regard est absent, toutes mes négations sont fades ; et c’est la première de mes contraintes – ne m’impliquer que dans le divin, dans l’intensité de mon acquiescement. « Que ma seule négation soit de regarder ailleurs ! »*** - Nietzsche - « Wegsehen sei meine einzige Verneinung ! ». La négation n'a de sens qu'en tant que position, tandis que la résignation ne vaut qu'en tant que pose. La résignation a donc plus de ressources en expressivité, comme la négation - de sources d'ennui. Mais, en restant dans l'immédiat, « l'acquiescement éclaire le visage, le refus lui donne la beauté » - R.Char.
acquiescement,beauté,contrainte,dieu,ennui,intensité,négation,pose,regard,révolte,…

doute
Le sens est un bon refuge, en bonne hauteur, qu'on apprécie surtout après le déclenchement des avalanches des apparences, même ironiques. « La vie dans l'apparence comme but » - Nietzsche - « Das Leben im Schein als Ziel ». - porterait plus de sens que vivre dans la vérité. Ce but inatteignable fut placé par Kant, le sédentaire de son île de la vérité, dans « un vaste océan, demeure de l'apparence » - « einen weiten Ozean, Sitz des Scheins ». Le sens s'éploie dans la hauteur de ta voile et se dépose, finalement, dans des bouteilles de détresse, coulant au fond de ta vie.
contrainte,défaite,exil,hauteur,ironie,vie

doute
Valéry (de ses Cahiers) n’est que de belles lumières muettes, qui peuvent mettre en valeur mes ombres musicales ; Nietzsche n’est que de belles ombres dansantes, auxquelles je trouve des sources lumineuses et immobiles. Toutefois, les sots savants proclament : « Nietzsche nous sert de lumière » - Foucault. Personne en France ne comprit Nietzsche. Comme personne n’y comprit Valéry.
danse,école,france,immobilité,intelligence,musique,ombre

doute
Pour appuyer sa vision de l'éternel retour, Nietzsche voit un sablier, qu'on retournerait après chaque tour temporel. Moi, je prendrais un cadran solaire, méprisant la lumière, jouant de mes ombres, devenant altimètre. J'y effacerais les chiffres et éliminerais les aiguilles, pour lire la haute musique de mon espace intérieur au lieu du bruit profond du temps extérieur. La musique n'a pas besoin de sable, elle s'éploie dans le temps, tout en étant ambassadrice de l'éternité. Donc, ni sablier ni marteau, mais la lyre, comme le dit ailleurs l'auteur lui-même.
auteur,chemin,éternité,hauteur,musique,ombre,retour,temps,voix

doute
Il n'y a rien à réfuter chez un Spinoza - c'est du verbiage gratuit, prétentieux et creux ; mais essayez de réfuter Nietzsche ! - c'est toujours passionnant et exige une grande rigueur ; pourtant, c'est lui qui se moquait le plus des rigoristes, comme Platon - des poètes ; mais c'est bien chez ces deux-là qu'on trouve de la rigueur et de la poésie.
négation,poésie,science

doute
Puisque leur but est de nous conduire vers la nuit, Nietzsche et Cioran, commencent par nous plonger dans les crépuscules ; moi, je ne quitte pas ma nuit, où je devine et j’esquisse des aurores, des commencements.
auteur,commencement,ombre

doute
Mon soi connu est, essentiellement, une éponge, qui absorbe le monde extérieur et le conçoit sous la forme des représentations ; mon soi inconnu est une fontaine, une source intérieure, résumant mon valoir (que Schopenhauer réduit à sa seule facette, le vouloir, tandis qu’il y a aussi le pouvoir et le devoir, que voyait bien Nietzsche).
inconnu,nature,représentation,soi,valoir

doute
Dans l’art, l’essentiel, pour tout créateur, est que son soi connu souffre et que son soi inconnu, tout en inspirant le premier, est dépourvu de langages (de mots, d’idées, d’images) que ce premier doit inventer. Ce tableau résume le contenu d’une vraie philosophie, qui devrait réveiller les consolations du premier et deviner les langages du second. Cette philosophie ne serait ni ce qu’on dissimule de son soi connu (Nietzsche) ni ce qu’on ignore de son soi inconnu (B.Russell).
art,consolation,création,idée,inconnu,langue,mot,philosophie,soi,souffrance

doute
Ton soi inconnu est responsable de ton valoir, tandis que tes devoir, vouloir, pouvoir reposent sur ton soi connu. « Dans la mesure où le sujet est artiste, il est délivré de son vouloir et devenu un médium » - Nietzsche - « Insofern das Subjekt Künstler ist, ist es von seinem Willen erlöst und gleichsam Medium geworden » - les désirs et les instruments d’art ne relèvent que du soi connu, de l’objet donc (le sujet est toujours le soi inconnu). Cette (con)fusion sujet/objet contamina tant de dionysiaques (adeptes de l’objet) et leur occulta la source apollinienne (le sujet). Le sujet n’est pas artiste (l’interprète), mais daemon socratique (l’inspirateur).
art,création,inconnu,interprétation,soi,valoir

nietzsche f.
Das Publikum verwechselt leicht den, welcher im Trüben fischt, mit dem, welcher aus der Tiefe schöpft.

Le public confond facilement celui qui pêche en eau trouble avec celui qui puise en eau profonde.
doute
L'essentiel est de surnager, en tenant la poésie hors de l'eau, tout en gardant le souffle coupé.
art,éléments,hauteur,intensité,poésie

nietzsche f.
Niemand wußte vor mir den rechten Weg, den Weg aufwärts.

Personne avant moi ne connaissait le droit chemin, le chemin qui monte.
doute
Au Sinaï et au Golgotha, d'autres spécialistes de voiries prétendirent à la même exclusive. Les chemins ne servent qu'à ceux qui marchent ; pour la danse que tu proposais conviendrait plutôt une scène, dans la hauteur d'un théâtre en ruines, mais sous les yeux d'un Spectateur, qui en commande la musique. Ailleurs, tu disais mieux : « Les faibles suivent le droit chemin, les héros suivent les hauteurs »** - « Die Schwächlinge gehen den geraden Weg, die Helden gehen über die Gipfel ».
chemin,danse,force,grandeur,hauteur,jeu,musique,religion,ruines

nietzsche f.
Ein freier Geist gibt Abschied jedem Wunsch nach Gewissheit, geübt, wie er ist, auf leichten Seilen sich halten zu können und selbst an Abgründen noch zu tanzen.

Un esprit libre abandonne tout désir de certitude, pour se tenir sur des cordes et même à danser jusque sur le bord des abîmes.
doute
Le même exercice apprendra à un esprit d'esclave le métier d'équilibriste, tandis que c'est celui de prestidigitateur qui est mis en valeur ici. Malheureusement, si le cirque de la vie applaudit, c'est qu'on t'a pris pour clown. S'il se tait, c'est qu'il n'a vu ni abîme ni corde.
danse,défaite,élan,jeu,liberté,maîtrise,regard,vie

nietzsche f.
Schild der Notwendigkeit, das kein Nein befleckt.

Bouclier de la nécessité, non entaché par aucun Non.
doute
Le Non, c'est la préférence que je donne à la flèche, annihilante des cibles aléatoires, par rapport à la flèche, nécessaire et renaissante, sur l'arc d'Apollon. Les flèches apolliniennes les plus pénétrantes ne sont jamais décochées. Le Oui, c'est la préférence que j'offre à la beauté du regard, au détriment de la révolte des yeux.
acquiescement,beauté,flèche,nécessité,regard

nietzsche f.
Wer sich tief weiß, bemüht sich um Klarheit ; wer der Menge tief scheinen möchte, bemüht sich um Dunkelheit.

Qui se sait profond tend vers la clarté ; qui veut le paraître devant la foule - vers l'obscurité.
doute
Mais rien de plus obscur, pour le sot, que la clarté du sage. La musique est-elle claire ? Qui se sait hautain tend vers la musique ! Mais la lumière doit être profonde, pour que les ombres soient hautes. Avec de plates lumières, on n'obtient que de plates - et obscures - ombres.
hauteur,hommes,intelligence,musique,ombre,philosophie,platitude

nietzsche f.
Alles was tief ist, liebt die Maske.

Tout ce qui est profond aime le masque.
doute
Ce n'est pas un choix, mais une nécessité, les vrais visages demeurant toujours dans la hauteur. Dans la profondeur, on n'aime pas, on scrute ; on aime ou crée dans la hauteur. Tout ce qui est haut aime la musique, cette métaphore sans objet, elle est notre vrai visage, obscur et imprévisible, toujours recommencé. Aux mascarades de la vie plate, le parquet est envahi par les grimaces découvertes et prévisibles.
amour,création,danse,hauteur,inconnu,métaphore,musique,nécessité,platitude,représentation,…

mallarmé s.
Le coup de dés jamais n'abolira le hasard.
doute
Le tirage de loterie n'exclut pas ma chance ou le coup d'œil préservant le regard - c'est aussi profond et bête. Et dire que hasard veut dire jeu de dés… Un autre a dit cette ineptie : « Le calcul vaincra le jeu ». Pour Einstein, Dieu répugne le jeu de dés probables et se consacre aux lois nécessaires ; tandis que Nietzsche, « en extase devant les coups de dés divins, pour de nouvelles créations » - « zitternd von schöpferischen neuen Götter-Würfen », en fait l'initiateur du possible artistique.
art,création,jeu,nécessité,raison,regard

valéry p.
Ce qui n'est pas fixé n'est rien. Ce qui est fixé est mort.
doute
Une belle dialectique de la création ! Le philosophe-poète ne crée que dans l'informe, qu'il a intérêt d'accumuler en se débarrassant de ce qui prit déjà forme. Ce qui n'entre pas dans une grammaire n'exprime rien. Fixer, c'est attacher une mosaïque sémantique à une syntaxe opératoire. Une fois soumis à la seule syntaxe, tout discours vrai est mort. Ce qui se fixe dans l'espace sera mis en mouvement dans le temps. C'est en fixant que nous prouvons notre capacité de métamorphose. Chercher à fixer dans l'espace, c'est tendre vers la perfection dans le temps. La liberté futuriste de l'être ou l'irréversible nostalgique du devenir. La perplexité devant le mouvement insaisissable et « la répugnance à toute fixité » - Nietzsche - « ein Widerwille gegen alles Festbleiben ».
art,création,être,filtre,inconnu,langue,liberté,mort,poésie,réalité,…

hommes
Le sentier de Nietzsche à Nice : Zarathoustra descendant du train, se faufilant parmi les villas des notables d'Èze, en compagnie des professeurs anglo-saxons de philosophie, et débouchant sur un restaurant pour les Monégasques. Censé représenter la sauvagerie, la solitude et le danger.
audace,ironie,modernité,solitude

hommes
Jadis, on écoutait les meilleures des voix au milieu d'un silence ; mais depuis que la voix médiocre obtint l'accès à l'écoute publique, on est condamné à tendre son oreille au milieu d'un brouhaha. Cette sur-sollicitation de l'ouïe dévitalise la vue, la grisaille des choses racoleuses décolore le regard exigeant. Les Valéry, Malraux, Sartre modernes n'ont aucune influence sur les débats publics, puisque personne ne les entend ou ne les distingue dans le tintamarre ambiant égalisateur (das lärmende Gezwirge - Nietzsche).
modernité,mouton,ouïe,regard,silence,voix

hommes
La même, et étrange, intonation, faite du mot distant, se reflétant dans lui-même et effleurant à peine la vie, se retrouve chez cette sorte de métèques que sont Casanova, Pouchkine, Nietzsche, Valéry, Nabokov, Cioran. Ne pas être sûr de ses racines ou de ses paysages aide à cultiver le climat de son propre arbre.
arbre,climat,exil,mot,musique,vie

hommes
De mes trois patries adoptives - « unheimliche Heimaten » (Freud) - il ne me reste que trois exils sans issue, trois nostalgies sans partage : poésie allemande, âme russe, esprit français. « Mal du pays sans pays » - Nietzsche - « Heimweh ohne Heim ». Il m'arrive de regretter de ne pas être Juif, comme Celan ou G.Steiner, pour me recroqueviller dans une neutralité distante.
allemagne,âme,auteur,esprit,exil,france,poésie,proximité,russie

hommes
Tout homme porte en lui quatre parties égales en puissance : un sous-homme (l'homme du souterrain de Dostoïevsky), un surhomme (l'homme d'acquiescement de Nietzsche), un homme (le moi inconnu) et le reflet des hommes (l'Autre en moi de Sartre). Le dernier quart devint l'homme effectif, au détriment de l'homme électif, qui résumait les trois premiers. Le sous-homme devrait être pris au sérieux, c'est sur le surhomme qu'il faut concentrer nos sarcasmes. Pour ne pas devenir porte-voix des hommes, il faut ne parler qu'à l'homme. Chaque face ne se polit qu'au contact avec l'interlocuteur de la même race ; c'est pourquoi : « Chaque fois que je me suis trouvé parmi les hommes, je suis revenu moins homme » - Sénèque - « Quoties inter homines fui, minor homo redii ».
bassesse,élite,force,ironie,platitude

hommes
L'estime de soi, la volonté indéfectible de sa suffisance - les vertus le plus en vogue, dans cette société sans honte, qui suivit le conseil néfaste (peut-être sournois ou ironique) de Nietzsche : « épargner à quelqu'un une honte - le plus humain des gestes » - « das Menschlichste : jemandem Scham ersparen ».
gloire,honte,intensité,platitude,soi

hommes
On peut être, à la fois, dionysiaque face à l'homme (Nietzsche), nihiliste face aux hommes (Schopenhauer), idéaliste face au sous-homme (Tolstoï), ironiste face au surhomme (Cioran). Nul besoin de la Aufhebung hégélienne, pour réconcilier ces quatre facettes d'un même regard.
fanatisme,grandeur,idée,intensité,ironie,négation,nihilisme,regard

hommes
L'antihéros, l'homme n'élisant d'adversaires qu'au fond de soi-même. Le surhomme de Nietzsche en est un bel exemple, qu'un fâcheux malentendu classa parmi les héros (César Borgia, chez les blasés du pouvoir, a la même place que Hamlet, chez les blasés du devoir, Don Quichotte, chez les blasés du vouloir, et Faust, chez les blasés du savoir).
ennui,espagne,force,gloire,grandeur,lutte,savoir,soi,valoir

hommes
Le besoin de reconnaissance est vital pour les petites ambitions (pour apporter de la sérénité et de l'assurance, c'est à dire - de la platitude ou de la médiocrité) et mortel - pour les grandes (jusqu'à conduire l'homme à la folie, comme Nietzsche).
folie,grandeur,platitude,reconnaissance

hommes
Nietzsche - réduire l'homme à ce qu'il veut en profondeur ; Valéry - à ce qu'il peut en étendue ; le moralisme béat - à ce qu'il doit en largeur. Je pencherais pour le réduire à ce qu'il vaut en hauteur.
auteur,hauteur,valoir

hommes
La volonté guidée exclusivement par la raison, telle est la conséquence mentale de la robotisation cérébrale des hommes ; la volonté de vie (Schopenhauer) ou la volonté de puissance (Nietzsche), ces deux formes d'un soi inconnu, unique, voué à une défaite glorieuse, disparurent au profit de la volonté de réussir, cette forme d'un soi connu, transparent et grégaire. Le romantisme, c'est l'élégance d'acceptation de la défaite ; le contraire du romantique n'est pas le classique (qui est un romantique apaisé), mais le robot, programmé pour la réussite du cerveau et la perte de l'âme.
âme,défaite,force,inconnu,modernité,mouton,robot,romantisme,soi,style

hommes
Ce qui est étincelant se réfugie, chaque jour davantage, dans les ombres. En charge des lumières ne reste plus que la grisaille. « Les hommes se pressent vers la lumière non pas pour mieux voir, mais pour mieux briller » - Nietzsche - « Die Menschen drängen sich zum Lichte, nicht um besser zu sehen, sondern um besser zu glänzen ». La lumière visible ne produit que de pâles reflets et de piètres ombres. À l'invisible s'applique la règle de Claudel : « Deux manières de briller : rejeter la lumière ou la produire »*.
création,élite,filtre,gloire,inconnu,ombre,platitude

hommes
Si l'on prend à la lettre la vision de Platon et d'Aristote, l'homme le plus heureux aujourd'hui serait un beau cadre homo, toujours en compagnie des copains ou haranguant des garagistes. « Sokrates war Pöbel » - Nietzsche (et Platon - Cagliostro). D'autre part, notre axiologue anti-dialecticien voyait en Socrate et en Jésus des consolateurs de la médiocrité, donc des philosophes.
bonheur,consolation,mouton,philosophie,platitude,solitude

hommes
Chacun de nous porte en lui-même quatre types d'entités anthropologiques : l'homme, les hommes, le surhomme, le sous-homme ; et dans nos prises de position ou de pose, nous choisissons notre camp et désignons celui de l'adversaire. L'appartenance de ces adversaires à la même catégorie que nous-mêmes, telle semble être la règle de la bonne littérature. 99% des cas : des hommes opposés à d'autres hommes. Un sous-homme, face à un autre sous-homme, - Dostoïevsky ; un surhomme se moquant d'un autre surhomme - Cioran ; un homme dévisageant l'homme - Valéry. Comme Nietzsche - qui dresse le surhomme sur le sous-homme - j'ai dévié : je protège l'homme du diktat des hommes.
art,grandeur,lutte,pose

hommes
Appartenir au grand ou bien petit nombre est la même chose ; et « le bonheur du plus grand nombre », comme idéal d'une société, ne me gêne en rien ; pour en avoir la nausée, Nietzsche, bêtement, doit avoir mis le nez dans l'étable. Ton bonheur ne devrait pas dépendre du nombre ; le malheur, commun, te rattrapera partout.
bonheur,élite,idée,mouton,souffrance

hommes
Et dire que l'homme, qui aujourd'hui se vautre dans une paisible platitude et ne vise que l'étendue, fut un ange de hauteur, défiant toute chute. Heureusement, il reste la femme, qui lorgne toujours, instinctivement, vers la profondeur : « La femme doit trouver la profondeur, menant à sa surface » - Nietzsche - « Das Weib muß eine Tiefe finden zu seiner Oberfläche ».
ange,angoisse,défaite,femme,hauteur,platitude

hommes
La théorie évolutionniste annonce la suprématie du fort ; Nietzsche dénonce celle du faible. Tous les cartésiens voient en l'esprit le sommet de nos facultés ; et Nietzsche en fait la lie. Pourtant, la contradiction n'est pas du côté, où l'on la cherche ; elle n'est que psycho-langagière : Nietzsche appelle faible celui que tout le monde, moi y compris, appelle fort ; et son esprit est vaste, tandis qu'il n'est respectable que profond, tout en s'opposant à la hauteur d'âme. « Celui qui a de la force, se défait de l'esprit ; j'entends par esprit la grande maîtrise de soi-même »*** - Nietzsche - « Wer die Stärke hat, entschlägt sich des Geistes ; ich verstehe unter Geist die grosse Selbstbeherrschung » - et l'on finit par se solidariser d'avec son âme, le porte-voix du soi inconnu !
âme,esprit,force,fraternité,hauteur,inconnu,maîtrise,noblesse,soi,système

hommes
Autour, tout n'est mû que par le sens, tempéré par la sensation et abandonné du sentiment. Et dire que Nietzsche voyait dans l'absence de sens le danger des dangers et nous tendait un marteau pour abattre le nihilisme, celui même qui n'est pas du tout l'absence de sens, mais l'appel à le recréer à partir du point zéro de l'imagination et de la sensibilité, au lieu de vivre d'une répétition quelconque, fût-elle appelée éternel retour. Que tes « interrogations soient plus près des commencements ! »** - Heidegger - « Anfänglicher Fragen ! ».
audace,commencement,éternité,nihilisme,question,raison,retour,robot

hommes
Le seul combat digne : entre l'homme divin (le surhomme, ou l'homme surmonté) et l'homme vain (le sous-homme, ou la machine des hommes), qui cohabitent en moi ; même Nietzsche n'en prône qu'un combat sans noblesse : « J'apporte la guerre : pas entre peuples, pas entre classes, une guerre entre l'homme et l'homme » - « Ich bringe den Krieg, nicht zwischen Volk und Volk, nicht zwischen Ständen, einen Krieg zwischen Mensch und Mensch ».
cité,lutte,noblesse,robot

hommes
La supériorité en profondeur du savoir, en ampleur de l'action ou de la liberté n'est pas une supériorité noble ; elle ne peut l'être qu'en hauteur du regard : « Il faut être supérieur à l'humanité par sa hauteur d'âme »** - Nietzsche - « Man muß der Menschheit überlegen sein durch Höhe der Seele ».
action,âme,hauteur,liberté,noblesse,regard,savoir

hommes
Dans tous les hommes, Nietzsche voit des ruminants : les bons (ceux qui réussissent à digérer, les dionysiaques) et les mauvais (ceux qui y échouent, les hommes du ressentiment). Il ne comprend pas que le filtrage - ne pas mettre à la bouche ce qui répugne au bon goût - est le meilleur remède contre l'indigestion. Dionysos est le philosophe de l'éternel retour, c'est à dire de l'intensité en tant que dénominateur commun de nos expériences ; or, sur le minable - aucune intensité acquiescente n'est possible.
éternité,filtre,goût,intensité,retour,révolte

hommes
L’essentiel de ce que je suis (c’est-à-dire mon regard sur mon étoile), je le garde, inchangé, depuis ma première jeunesse ; les abandons, les ajouts, les revirements ne concernent que le secondaire. Donc, l’homme a bien son être et non pas seulement son devenir : « Le vivant n’a pas d’être, il n’a qu’un devenir » - H.Hesse - « Alles Lebendige ist ein Werden, nicht ein Sein ». Quant à son devenir, muni d’assez d’intensité, il est indiscernable de l’être (Nietzsche).
auteur,enfance,être,goût,intensité,vie

hommes
Pour combattre ses adversaires, il n’y a pas d’arme plus efficace que celle qu’on forge, en se mettant dans leur peau, en se laissant pénétrer, provisoirement, par leur psychologie. C’est ce que je fis, en prenant, parfois, le parti des forts, que je déteste pourtant plus que les autres. C’est ce que firent Nietzsche et Dostoïevsky, avec leur complicité feinte avec le surhomme ou avec le sous-homme, et même Nabokov, avec sa Lolita.
auteur,force,haine,lutte

hommes
Le XIX-ème siècle (siècle des foiresNietzscheJahrmarkts-Jahrhundert) prêchait le collectivisme et/ou la technique, d'où la mauvaise presse du nihilisme, qui est un défi au mouton et au robot, contre l'inertie dans la pensée et contre le calcul dans le sentiment.
audace,continuité,idée,mouton,nihilisme,robot,sentiment

hommes
Depuis deux siècles, on nous annonce le dépérissement de la culture européenne, qui viendrait d'un nihilisme rebelle. Or, c'est un holisme grégaire qui s'en charge, avec beaucoup plus d'efficacité. « Chute de tout à cause de tous ! Chute de tous à cause de tout ! »** - Pessõa. Aucune contre-réforme, aucune contre-révolution en vue ; l'abêtissement, c'est à dire la robotisation (succédant à la moutonnaille, cette « parfaite et définitive fourmilière » vouée par Valéry à la permanence), semble être irréversible. Et comme conséquence logique - l'extinction du regard, puisque c'est la culture qui le forme (Nietzsche).
culture,défaite,europe,fanatisme,inconnu,lutte,modernité,mouton,nihilisme,regard,…

hommes
Les ruines peuvent servir d'observatoire pour le surhomme, de souterrain - pour le sous-homme, d'habitat - pour l'homme, et même de cimetière - pour les hommes : « L'humanité est un déferlement monstrueux de ratés, un champ de ruines » - Nietzsche - « Die Menschheit ist der Überschuß des Mißratenen, ein Trümmerfeld ». Ces quatre personnages sont inséparables.
château,défaite,ruines

hommes
La totalité de l'homme intéressant se révèle et se résume dans ces trois attitudes : la pose face à la noblesse, la posture face au mot, la position face aux idées - la hauteur, le style, l'intelligence. Suivant ces axes, j'ai trois complices et alliés : Pascal, selon le premier ; Nietzsche, selon les deux premiers, Valéry, selon le troisième. Dois-je attendre mon Mémorial ? Mon cheval de Turin ? Mon illumination de Gênes ? Dans les deux cas - une rupture douloureuse avec la raison.
auteur,axe,esprit,hauteur,idée,intelligence,noblesse,pose,raison,style

hommes
Les tendances de notre époque : les désirs se grégarisent, et le devoir se personnalise. C'est pourquoi il vaut mieux passer du je veux des buts banals au tu dois des contraintes secrètes, à l'opposé de ce qu'on cherchait à l'époque de Nietzsche.
contrainte,mouton,temps,valoir

hommes
Pour l'avenir de l'homme, il n'y a pas de pire danger que l'intérêt que les hommes porteraient au surhomme, car ils le confondent avec le sous-homme. Pour conjurer cette calamité, Nietzsche préconisait le retour des hommes au singe, mais c'est le robot qui s'y substitua.
audace,modernité,robot

hommes
Le calcul, l'action, la caresse - telles sont les facettes de notre être, se déployant dans la déduction (Aristote), la production (Marx), la séduction (Nietzsche), dévoilant la part du robot, du mouton, de l'homme.
action,caresse,mouton,raison,robot

hommes
Le surhomme et la guerre nietzschéens appartiennent au monde intérieur d'un individu et n'apparaissent jamais sur la scène publique. Sa guerre n'oppose ni races ni classes, mais le sentiment acquiescent au ressentiment envieux, une Thémis céleste à une Némésis terrestre.
cité,justice,lutte,sentiment

hommes
Ils veulent débarrasser l'homme réel de ses défigurations par le travail (Marx), le sexe (Freud), la volonté (Nietzsche) ; mais ce sont exactement les dimensions centrales de sa réalité, l'autre face, l'homme idéel, ne contenant que le rêve, qui est l'homme même, son style vital.
axe,réalité,rêve,style

hommes
L'utilitaire, au détriment de l'imaginaire, cette dérive peut frapper même les artistes eux-mêmes. Les mêmes sentiments troubles furent à l'origine des boutades platoniciennes contre Homère ou des grognes tolstoïennes contre Shakespeare (Goethe et Nietzsche, deux autres de ses frères, subirent les mêmes foudres – qui aime bien punit bien) : « Une paire de bottes vaut mieux que tout Shakespeare » - Tolstoï - « Пара сапогов ценней всего Шекспира ». Soit on y voit l'ennoblissement du bottier, soit l'un des plausibles ressorts de la plume shakespearienne, la honte. Les besoins des pieds seraient-ils plus vitaux que ceux des narines : « J'ai essayé de lire Shakespeare, et je l'ai trouvé si niais, que j'en ai eu la nausée » - Darwin - « I tried to read Shakespeare, and found it so dull that it nauseated me » - et Wittgenstein fut aussi intraitable, face à l'immoralisme shakespearien.
art,honte,intelligence,ironie,utilité

hommes
Le contraire d'organique s'appelle mécanique, le contraire de naturel s'appelle robotique. C'est ainsi qu'il faut comprendre les appels au retour à la nature (de Rousseau à Nietzsche). Le robot, c'est la fusion des hommes avec le sous-homme (l'homme de la nature s'identifiant avec l'homme des hommes), l'oubli de l'homme (côté divin) et le désintérêt pour le surhomme (côté créateur).
création,dieu,nature,robot

hommes
Chez l'homme réel, on constate toujours une fusion inextricable de la bête et de l'ange pascaliens ; Dostoïevsky et Nietzsche essayèrent de les séparer : les héros du premier sont exclusivement des bêtes ou des anges, et chez le second, l'ange, le surhomme, est appelé à triompher de la bête, du sous-homme. Mais les hommes firent pire : ils abaissèrent l'ange et apaisèrent la bête, le produit ressembla dangereusement au mouton, avant de tourner en robot.
ange,angoisse,lutte,mouton,réalité,robot

hommes
L'aboutissement moderne des idéaux antiques : le stoïcien - homme d'affaires ou écolâtre, le cynique - juriste ou journaliste, l'épicurien - politicien ou artisticule, le sceptique - homme de la rue. Le romantisme aristocratique des Goethe, Byron, Chateaubriand, Leopardi, Lermontov ne fut qu'une parenthèse anti-antique, vite barrée des chroniques intellectuelles. Et en admirant passivement Nietzsche, Ortega y Gasset ou Cioran, je me sens écœuré en compagnie de leurs admirateurs actifs.
action,argent,art,école,esprit,modernité,noblesse,philosophie,platitude,romantisme

hommes
Le talent et la noblesse sont des voix de l'éternité ; dès qu'ils réveillent l'esprit ou le devenir, ceux-ci se transforment en l'âme et en la création, et leur porteurs deviennent « hommes à l'âme éternelle et l'éternel devenir »* - Nietzsche - « Menschen mit ewigen Seelen und ewigem Werden » - sans attouchement par l'éternité, tout est bassement et médiocrement mécanique.
âme,bassesse,esprit,éternité,être,noblesse,robot

hommes
La niaiserie du être résolument moderne n'a d'égal que celle du s'adresser à l'homme du futur. « On me lira en 1939 » - Stendhal, « on me lira en 1969 » - Suarès, « il ne faut me lire qu'en 1979 » - A.Breton, « il faut me lire autour de l'an 2000 » - Nietzsche - « man wird mich etwa gegen das Jahr 2000 lesen dürfen ». Celui qui vint en 1939, 1979 ou 2000 est sot, et celui qui viendra le sera davantage.
intelligence,modernité,temps

hommes
L'unique harmonie entre les meilleurs artistes français et le goût du Français moyen ! À comparer avec l'incompatibilité du génie de Byron, Pouchkine, Leopardi, Nietzsche avec leurs compatriotes.
allemagne,angleterre,élite,france,italie,russie

hommes
Détacher le regard des choses est une gymnastique, qui munit mon esprit de la noblesse de mon âme : « Qu'il est beau, le regard sur les choses ; qu'il est horrible de devenir choses »* - Nietzsche - « Es ist schön die Dinge zu betrachten, aber schrecklich sie zu sein ».
âme,esprit,regard,voix

hommes
Un millionnaire sophistiqué, abusant de la sueur des faibles, - c'est ainsi que le goujat se représente le surhomme, tandis que pour Nietzsche, celui-ci, solitaire, serait « avec son peu de besoins, plus pauvre et plus simple que l'ouvrier, mais imbu de puissance » - « durch Bedürfnislosigkeit, ärmer und einfacher als der Arbeiter, doch im Besitz der Macht ».
argent,bassesse,force,simplicité

hommes
L'orgueil vient de l'esprit, et la fierté – de l'âme. Je dois apprendre au premier à baisser ses yeux et à la seconde – à garder sa hauteur. La hauteur appartient au regard qui trouva et non pas au regard qui cherche. Et Nietzsche : « Vous voulez vous élever et vous levez vos yeux ; moi, je baisse mes yeux, car je suis en hauteur » - « Ihr seht nach oben, wenn ihr nach Erhebung verlangt. Und ich sehe hinab, weil ich erhoben bin » - s'adresse aux yeux de l'esprit et à l'altimètre de l'âme.
acquiescement,âme,auteur,esprit,hauteur,regard

hommes
Le rêve n'est ni dans une projection vers l'avenir ni dans un plongeon dans le passé ; l'ailleurs du rêve n'est pas temporel, mais spatial, et il est le seul vrai antagoniste du présentisme actuel. Il y aurait donc deux familles superficielles : les hommes de culture, cultivant le passé intellectuel, et les hommes de nature, élancés vers le futur fraternel. Nietzsche : « Face au présent, on a hâte, on a peur ; face à l'avenir, on est méfiant » - « Man ist eilig und ängstlich für die Gegenwart, mißtrauisch für das Kommende » - y fait figure d'un homme de progrès, c'est à dire d'un imbécile.
angoisse,culture,élan,fraternité,intelligence,nature,platitude,rêve,temps

hommes
Aucun sot ne peut imiter l'intelligence de Valéry, aucun non-artiste ne peut atteindre l'intensité de Nietzsche, aucun non-styliste ne peut briller comme Cioran. Quand je vois des foules d'épigones, relevant de ces trois catégories d'incapables et reproduisant très précisément les démarches de Spinoza, Hegel ou Husserl, je perds toute envie de descendre dans leurs profondeurs (qui sont plutôt des cloaques) et je reste dans la hauteur de ma belle triade.
art,auteur,hauteur,intelligence,intensité,mouton,style

hommes
Le nombre des contemporains, admirateurs des belles plumes, est le même, aujourd’hui, qu’aux époques d’Homère, de Shakespeare, de Nietzsche, de Valéry. C’est le nombre des candidats et, surtout, les critères d’excellence qui changèrent : le marchand, le footballeur, le chanteur, le journaliste évincèrent le poète, le philosophe, l’intellectuel.
argent,art,beauté,esprit,grandeur,modernité,philosophie,poésie

hommes
Tous les hommes sont porteurs d’à peu près le même volume de sentiments, d’événements, de réflexions. La grandeur de l’homme est dans la qualité et le respect des contraintes, que son goût ou sa noblesse imposent à son intérêt pour ces choses. « Tous les grands ne se livraient pas aux seules trouvailles, mais surtout au rejet, au filtrage, à la métamorphose »** - Nietzsche - « Alle Großen waren unermüdlich nicht nur im Erfinden, sondern im Verwerfen, Sichten, Umgestalten ».
contrainte,filtre,goût,grandeur,idée,noblesse,sentiment

hommes
Spirituellement sain et mentalement malade – une rencontre rare, prodigue en génies : Kleist, Dostoïevsky, Nietzsche, Kierkegaard, Cioran. L’homme ordinaire est spirituellement malade et mentalement sain.
art,esprit,intelligence,mouton,voix

hommes
Les sens du Bien, du Beau et même, ne serait-ce qu’en partie – du Vrai, ne sont pas, à proprement parler, humains ; faute de mieux, il serait permis de les appeler divins. Or, tout ce qui est grandiose chez l’homme passe par ces sens. « Tout ce qui agrandit l’homme est inhumain ou surhumain »** - Valéry. Le Créateur n’imposa aucune hiérarchie entre ces trois sens ; et Nietzsche a tort de placer le Beau au-delà du Bien ; avec la même (ir)responsabilité, on pourrait dire que le Bien soit au-delà du Beau.
beauté,bien,dieu,grandeur,vérité

hommes
J’entends partout l’intellectuel européen geindre - il aurait perdu tout son prestige et toute son influence. De tous les temps, les riches dictaient le goût dans l’art, et notre époque n’est nullement exceptionnelle. C’est l’embarras du choix qui dévia le goût des princes de l’argent. Les Michel-Ange, Mozart ou Nietzsche, purent s’imposer face à une poignée de concurrents ; mais aujourd’hui, ceux qui se présentent comme artistes ou penseurs sont légion, et c’est la mode, statistique, inertielle, mercantile, c’est-à-dire le hasard, qui désigne le gagnant, qui, de plus en plus, se situe au milieu, c’est-à-dire – dans la médiocrité.
argent,art,auteur,continuité,défaite,goût,intelligence,jeu,lutte,modernité,…

hommes
Curieusement, chez Dostoïevsky et Nietzsche, la rébellion, respectivement, contre le matérialisme ou l’idéalisme fut dictée par le même égoïsme de la faiblesse. Mais tous les deux lorgnaient, sans succès, vers la force.
force,philosophie,révolte

hommes
Aurais-je vécu à l’époque des Nietzsche, Valéry, Cioran, je ne me serais pas permis mon arrogance et mon narcissisme ; mais la nullité unique, indépassable des hommes de plume aujourd’hui justifie largement ma pose méprisante. Et je sais bien que les lamentations sur l’état de l’art furent courantes dans toutes les époques.
art,auteur,modernité,pose,temps

nietzsche f.
Der Mensch ist ein Seil, geknüpft zwischen Thier und Übermensch.

L'homme est une corde tendue entre la bête et le surhomme.
hommes
Vue à l'horizontale, elle devient vite sentier battu ; mais vue à la verticale, elle n'est pas bonne, même pour se pendre, elle devient épiphane, réticente à tout effort et ne se livrant qu'au regard.
force,hauteur,mouton,regard

heidegger m.
Der Mensch ist der Hüter des Seins.

L'homme est le berger de l'Être.
hommes
La brebis galeuse étant écartée des pâturages, ce vagabond devenu sentinelle du néant (Pascal) ou surveillant du devenir (Marx), est condamné à n'avoir sous ses yeux et dans ses rêves que le troupeau. De gardien de son frère, d'accusé, l'homme devint citoyen de la termitière. « Pas de berger, qu'un troupeau ! »* - Nietzsche - « Kein Hirt und eine Herde ! ». Pourtant, il aurait pu être vigile du mystère, être poète.
être,honte,justice,mouton,mystère,poésie,rêve

steiner g.
L'homme est homo ludens, le danseur nietzschéen à l'orée du rien. Pour les maîtres contemporains du vide, les enjeux sont d'ordre ludique.
hommes
« L'homme n'est tout à fait homme que là où il joue » - Schiller - « Der Mensch ist nur da ganz Mensch, wo er spielt ». Ce n'est plus la danse, le jeu, mais le calcul, la rédaction de règles du jeu, qui mènent l'homo faber le plus loin dans la mécanique moderne, puisque le jeu est vu désormais comme un cas particulier du paradigme de scénario. Le maître du vide, l'homo ludens ou l'homo pictor, est évincé vers le désert. Redécouvrant la plénitude, il devient homo altus.
danse,désert,être,hauteur,jeu,maîtrise,raison,robot,vide

intelligence
Le terme de système fut compromis par les charlatans de la théorie des systèmes et par les sots-hermeneutes, exploitant, toute leur vie, un seul filon académique. Pourtant, la présence d'un système est une condition nécessaire de toute pensée complète, c'est à dire se penchant sur toutes les facettes irréductibles de la création divine – le bien, le beau, le vrai. D'où le respect qu'on doit porter aux Anciens (avec leur piété et curiosité), à Kant (avec sa triade de Critiques), à Nietzsche (avec l'art couronnant tout).
antiquité,art,beauté,bien,création,école,idée,philosophie,religion,système,…

intelligence
Le cas unique d'une merveilleuse rencontre entre la poésie et la philosophie (avec une vie réelle absente) - le cas Nietzsche. À titre anecdotique - ses deux éblouissantes biographies : la poétique - de S.Zweig, et la philosophique - de Heidegger.
philosophie,poésie,vie

intelligence
La mort me révèle le mystère de l'être, qui donc est bien représenté dans le temps (Heidegger), mais je ne peux l'interpréter que dans l'espace : en le ravalant dans l'étendue de ses idées (Platon), en le dévoilant dans la profondeur de sa vérité (Aristote), en m'envolant vers la hauteur de sa valeur (Nietzsche).
auteur,axe,être,idée,interprétation,mort,mystère,temps,vérité

intelligence
L'ennui de l'être (Parménide), de la pensée (Descartes), de l'analyse (Kant) ; l'élan du poème (Héraclite), de la passion (Pascal), de la noblesse (Nietzsche) - l'anti-philosophie (Lacan) méprisant le verbiage et retrouvant le Verbe.
élan,être,mot,noblesse

intelligence
Deux familles de philosophes : partant des sciences ou animés par l'art, charlatans ou poètes. Chez les premiers, deux sous-espèces : obnubilés par les sciences anecdotiques (Hegel, Marx) ou abusés par les sciences rigoureuses (Spinoza, Husserl). Chez les seconds : se tournant vers notre facette religieuse (Nietzsche), langagière (Valéry), stylistique (Cioran).
art,langue,philosophie,poésie,religion,science,style

intelligence
Matérialiste : l'homme qui vit dans un univers à l'abandon. Idéaliste : l'homme qui abandonne la vie pour l'univers. La franchise faite règle, l'insincérité faite instinct (Nietzsche).
authenticité,idée,matière,ordre,universel,vie

intelligence
Si tout premier signal du cœur est le meilleur (le génie du cœur), avec les productions de l'esprit (la passion savante) il faut attendre systématiquement un second signal pour s'entendre. Tant et si bien que je pense de Descartes, je veux de Nietzsche, je dois de Tolstoï, je puis de Valéry, je suis de Heidegger - leurs premiers signaux - gagnent en intérêt, si l'on a la patience d'écouter leurs successeurs, qui ne sont jamais produits par la même fibre.
amour,cœur,continuité,esprit,être,honte,intensité,maîtrise,raison,système,…

intelligence
La vraie intelligence, celle des sources et des horizons, est propre de la jeunesse : ne discerner que peu de chemins, mais des chemins vitaux et intuitifs, pour les voyageurs sans bagages (Nietzsche), voltigeant, le cœur léger, au-dessus toute barrière : « Où est ce cœur vainqueur de toute adversité ? »** - Du Bellay. La maturité inclut tant de précautions de voirie débouchant sur la viabilité de la pensée ramifiée, pondérée et sénile ou sur l'intelligence des buts ou des contraintes.
chemin,cœur,commencement,contrainte,défaite,enfance,étoile,frontière,idée,rêve

intelligence
Le fondement d'un nouveau regard philosophique ne peut être ni logique (Spinoza et sa mathématique), ni dialectique (Hegel et sa synthèse), ni métrique (Nietzsche et sa transvaluation), ni psychanalytique (Freud et sa perversion), mais presque exclusivement métaphorique (Derrida voit en philosophie  : « une théorie de la métaphore »*** ! ). C'est pourquoi toute création, en philosophie, n'est que d'ordre poétique. Et le sujet en relève au même degré que l'objet : « L'homme est une métaphore de lui-même »** - Paz - « El hombre es una metáfora de sí mismo ».
balance,commencement,concept,création,filtre,métaphore,philosophie,poésie,raison,réalité,…

intelligence
Un savoir bien digéré ne produit que de viriles, ironiques et hautes métaphores. « Il ne faut pas attacher le sçavoir à l'âme, il l'y faut incorporer » - Montaigne. Baudelaire aurait pu être un Nietzsche français (tandis que Proust n'en avait aucune chance, n'ayant ni le talent ni la noblesse ni le savoir), si ses boutades étaient rehaussées d'un peu plus d'ironie distante ; celui-ci choisit le bien du Crucifié pour contrainte négative, tandis que celui-là se ridiculisa avec le beau à nier. Le français pousserait à prendre parti, ce qui expliquerait l'échec des tentations nietzschéennes de Valéry.
beauté,bien,défaite,france,hauteur,ironie,métaphore,pose,proximité,savoir

intelligence
La pensée méditante a fini par se confondre avec la pensée calculante. « L'interprétation du monde, qui n'admet que calculs mécaniques, est une ânerie »* - Nietzsche - « Die Welt-Interpretation, die mechanistisch Rechnen und nichts weiter zuläßt, ist eine Plumpheit ».
idée,interprétation,raison

intelligence
Des jeux pseudo-logiques avec des concepts tirés au hasard des soutenances de thèses, en psychologie ou en physiologie, ce charabia insipide de la professoresque clanique, s'attachant, au gré des modes, au rationaliste le plus absolu, au charlatan de Vienne ou au dingue de Turin, mais sans leur talent, dans cette niche logomachique alimentée par Husserl et Heidegger, Sartre et Badiou, où l'on refuse à Pascal, Voltaire ou Valéry le titre de philosophe, que s'arrogent tous ces arides pontifes de faculté Barthes, Foucault, Deleuze, Ricœur, Derrida. Siècle de Dozenten et d'agrégés !
école,folie,idée,jeu,philosophie,platitude,raison,représentation

intelligence
Je veux - une flèche, je pense - un réseau, je rêve - un regard. Mais ce regard a besoin de flèches, qui ne volent pas, au-dessus d'un beau réseau. Donc, l'existence à la Valéry est plus convaincante que celle de Nietzsche ou de Descartes.
esprit,être,flèche,raison,regard,rêve,valoir

intelligence
Se moquer des concepts philosophiques, évincer de soi le sous-homme et pratiquer le dithyrambe - pour ces trois audaces, questions de vocabulaire, de gymnastique et de genre, on peut pardonner à Nietzsche son culte de l'âme et son oubli du cœur.
âme,audace,cœur,idée,lutte,mot,philosophie,représentation,soi

intelligence
Qu'est-ce que penser ? - savoir que l'on doit (Kant), veut (Schopenhauer), peut (Valéry). Et sans le savoir - pas de valoir (Nietzsche) ; donc, au moins dans l'immédiateté, Descartes est plus près du moi que les autres.
esprit,proximité,raison,soi,valoir

intelligence
On pardonne tout à celui qui a et le talent et la noblesse : Nietzsche n'a aucune intuition du poids capital des contraintes, mais sa belle peinture fait oublier la niaiserie de ses buts (le surhomme), de ses moyens (la réévaluation de toutes les valeurs, la volonté de puissance) et de ses chemins (l'éternel retour). La grandeur des génies est dans leurs commencements, où le devenir présente toutes les caractéristiques de l'être.
axe,commencement,contrainte,esprit,éternité,être,grandeur,noblesse,retour

intelligence
L'essence a trois interprétations différentes : dans la réalité - matière ou vie ; dans le modèle - points d'attache et connaissances utilisables ; dans le discours - accès aux connaissances et aux objets (Bemächtigung der Dinge - Nietzsche). Mais entre ces trois sujets en nous - le physique, le mathématique et le poétique - il y a un mystérieux accord. La mécanique quantique et la théorie des nombres exhibent une troublante ressemblance de leurs modèles, nés des soucis totalement disjoints.
concept,esprit,être,idée,interprétation,langue,matière,mystère,ordre,poésie,…

intelligence
Au sommet (mystique) de la philosophie, s'ouvrent deux versants : l'éthique et l'esthétique, la vie ou l'art, la consolation ou le langage, la mélancolie ou la tragédie, la noblesse ou le style. L'angoisse et la pitié aristotéliciennes tapissent le premier, la volonté de puissance nietzschéenne permet d'accéder au second.
angoisse,art,beauté,bien,consolation,force,hauteur,langue,mélancolie,mystère,…

intelligence
La vraie stature de l'homme est dans la capacité d'inventer des unités de mesure, plus que des balances et des procédés de mesurage - Nietzsche. Le jeu de l'incommensurable (« En dehors de l'incommensurable rien d'intéressant » - Th.Mann - « Nichts ist interessant außer dem Inkommensurablen ») n'est jamais durable.
balance,grandeur,inconnu,temps

intelligence
Sur les chemins des passions comme sur ceux de la connaissance, à tout tournant, il y a deux types d'attitudes : le sacrifice ou la fidélité. Pour les ancrer à la réalité, on imagine les lieux de la fidélité et les instants du sacrifice. Ce que sous-tend la fidélité s'appellera - sur ce parcours - l'être immuable, et ce qui a la malchance de passer par le sacrifice sera voué - provisoirement - au néant. fluide « Ce qui est n'évolue pas ; ce qui évolue n'est pas » - Nietzsche - « Was ist, wird nicht ; was wird, ist nicht ». Dans un langage moins hypocrite on les appelait jadis Dieu ou Satan.
amour,chemin,dieu,être,immobilité,langue,mal,pose,sacrifice,savoir,…

intelligence
Pour celui, pour qui le devenir (et non pas l'être) est son élément, la méthode est plus chère que le système, l'inépuisable esthétique du paradoxe - plus chère que l'éthique épuisée de la doxa. « Aucun être à trouver en-dessous de l'action, de l'effet, du devenir » - Nietzsche - « Es gibt kein Sein hinter dem Tun, Wirken, Werden ». En effet, ce qui émane de l'être n'est que le commencement : « L'être pur constitue le commencement » - Hegel - « Das reine Sein macht den Anfang », et c'est aussi lui, l'être, qui conduit le pas dernier, au seuil du sens ; le reste, le parcours, la durée, est palabre humaine et silence divin.
action,ange,beauté,bien,commencement,dieu,école,être,paradoxe,silence,…

intelligence
Le combat des verbes, chez Schopenhauer (le vouloir contre le savoir) ou chez Nietzsche (le pouvoir contre le devoir) ne fait que substituer des idoles. En revanche, le combat des noms (la représentation contre l'interprétation ou la noblesse contre la faiblesse) produit des unifications fécondes.
arbre,esprit,force,interprétation,noblesse,représentation,savoir,valoir

intelligence
Une philosophie complète reprendrait toutes les métaphores de l'arbre (« la formule de la vie s'applique aussi bien à l'arbre » - Nietzsche - « muß die Formel [des Lebens] so gut vom Baum gelten » ; « la poésie est création d'un arbre virtuel de références » - Valéry). Mais les partielles, et dominatrices, se consacrent à l'enracinement, à la ramification ou à la cueillette.
action,arbre,création,métaphore,philosophie,poésie,utilité,vie

intelligence
Après de grands constructeurs (Kant, Hegel), après de grands déconstructeurs (Nietzsche, Heidegger), voilà de petits instructeurs (Foucault, Deleuze). Les premiers s'intéressaient aux premiers pas de Dieu imaginant l'homme, les deuxièmes - aux derniers pas de l'homme abandonné de Dieu, les troisièmes - aux pas intermédiaires du mouton imitant le robot.
création,dieu,école,mouton,robot

intelligence
Toutes les bonnes têtes finissent par admettre, que le cheminement : l'être, le paraître, l'apparence - est un progrès (« l'être est une fiction vide » - Héraclite ; « le monde des apparences est le seul, le monde vrai est une affabulation » - Nietzsche - « die scheinbare Welt ist die einzige : die wahre Welt ist nur hinzugelogen »). Mais, dans la plupart des cas, il est trop tard : une authenticité de robot ou de macchabée les empêche de se reconnaître dans l'invention.
authenticité,chemin,création,être,retour,robot,vérité,vide

intelligence
Nietzsche et Freud : belles métaphores et idées quelconques. Mais les épigones s'accrochent à leurs idées, sans savoir produire leurs métaphores - science professorale, tout le contraire du gai savoir.
bonheur,école,idée,métaphore,négation,savoir

intelligence
Ce n'est pas l'absence de musique, mais sa qualité enfantine, qui caractérise la métaphysique professorale : « Tout ce qui est métaphysique me semble ce qu'il y a de plus léger et devoir être traité à la Rossini » - Valéry. Que le raseur pullule chez les barbiers - pourquoi s'en étonner ! Même chez les bûcherons, un traitement lourd, à la Wagner, n'apporte pas grand-chose à la science de l'impondérable. Et Schopenhauer et Nietzsche, préférant Rossini à Mozart, ne témoignent que de leurs vies inabouties.
élite,inconnu,musique,philosophie,platitude,science

intelligence
Pratiquer l'éternel retour : savoir prendre tout état de l'être permanent pictural pour le point zéro du devenir instantané musical. Retour au donné par détour de l'acquis. Festival, sans péché ni Dieu, se substituant au carnaval idolâtre de « a vitio of recirculation » (Joyce) ou de « circulus vitiosus deus » (Nietzsche).
commencement,dieu,éternité,être,maîtrise,musique,retour

intelligence
Kant - brillant dans les questions et les réponses, pâle - dans le style ; Nietzsche - pâle dans les questions, brillant dans les réponses et le style ; Heidegger - brillant dans les questions et le style, pâle dans les réponses ; Valéry - brillant dans les réponses, pâle dans les questions et le style. L'excellence est toujours partielle ; la bonne contrainte d'artiste consiste à ne pas développer ce qui est condamné à la pâleur et à envelopper ce qui est promis à la hauteur. Que Heidegger dise  : « Demeurons près de la question » - « Bleiben wir bei der Frage » - je dois demeurer du côté de l'excellence.
discursif,hauteur,question,style

intelligence
Difficile d'être complet, dans la défense des commencements, si l'on n'avait pas suivi ce cheminement préalable : les choses, les idées, les principes, les commencements. C'est pourquoi Valéry est plus complet que Nietzsche.
chemin,commencement,idée

intelligence
Ils croient pouvoir maîtriser la pensée, en comprenant comment elle marche. Tandis « qu'il faut apprendre à penser, comme on apprend à danser »*** - Nietzsche - « daß Denken gelernt sein will, als eine Art Tanzen ».
danse,idée,maîtrise

intelligence
Comment oublie-t-on ? - mystère. Aucun acte de volonté, comparable à l'effacement d'une mémoire d'ordinateur ; la mémoire échappe à tout acte. On a beau se dire, que « tout acte exige l'oubli » - Nietzsche - « zu allem Handeln gehört Vergessen » - la représentation passive domine l'interprétation active. Ars oblivionis, l'art de l'oubli, de Cicéron à U.Eco, n'a rien à opposer à ars memoriae, à l'art de la mémoire, de Lulle à G.Bruno, et culminant avec l'ordinateur.
action,intensité,interprétation,mémoire,mystère,représentation,robot

intelligence
Le progrès des représentations : soit on les approfondit (la métaphysique, la quête de l'être de l'étant), soit on les rehausse (le nihilisme, la quête de soi, l'art). Les buts et les contraintes s'y invertissent si facilement ; les métaphores et les concepts s'y muent, mine de rien, les uns dans les autres. D'ailleurs la plupart des concepts ne sont que des métaphores syntaxiques. « Une excitation nerveuse transposée en une image ! La première métaphore » - Nietzsche - « Ein Nervenreiz, übertragen in ein Bild ! Erste Metapher ».
art,contrainte,esprit,être,fanatisme,hauteur,idée,métaphore,nihilisme,philosophie,…

intelligence
Dans la seule architecture qui me soit accessible, celle des ruines, les idées platoniciennes ou les pulsions nietzschéennes ne sont que styles-édifices, et les circonvolutions apolliniennes ou les fibres dionysiaques - que matériaux de construction. Les ruines, libérées de la vitalité des fondements et de la pesanteur des faîtes, se rient de l'existence réelle et s'adonnent aux valeurs virtuelles. C'est cela, la réévaluation nihiliste, l'exact contraire du platonisme : au lieu des points d'attache préconçus - leur libre conception.
axe,beauté,création,fanatisme,grâce,idée,intensité,liberté,matière,musique,…

intelligence
Une bonne tête ignore la source de son savoir, et celui-ci se réduit aux beaux commencements (« Avoir compris signifie la fin » - Nietzsche - « Das Begreifen ist ein Ende ») ; les rats de bibliothèques brandissent leur savoir livresque, qui ne peut être qu'accumulatif et cadavérique : « Un homme intéressant tient de la nature son grand savoir ; ceux qui ne savent que pour avoir appris croassent dans leur bavardage intarissable »* - Pindare.
commencement,nature,savoir

intelligence
Pour être inépuisables, les meilleurs cerveaux sont toujours initiaux : dans l'amplitude de la langue - Heidegger, dans la hauteur du ton - Nietzsche, dans la profondeur du regard - Valéry. Les médiocres sont toujours dans le développement, remplissage ou collage.
commencement,discursif,esprit,hauteur,langue,regard

intelligence
Ce qui détermine le degré de mon intelligence, c'est la richesse des structures primordiales, que j'extrais du spectacle du monde : face aux valeurs, qu'en retirent Cioran, Nietzsche, Valéry ? Le premier nous conduit toujours vers un même point extrême, où s'accumulent le dégoût, la négation, la fatigue. Le deuxième cultive des axes, en en munissant tout point d'une même intensité musicale. Enfin, le troisième, le plus intelligent, construit un arbre, plein d'inconnues et de rythmes.
arbre,axe,inconnu,intensité,musique,système,valoir

intelligence
Hegel assigne à la philosophie la tâche d'interpréter le monde, Marx - de le changer, Aristote - de le représenter : le sens, le devenir, l'être. Le relatif de l'absolu, l'absolu du relatif, l'absolu. Mais, en tout cas, c'est la musique et l'intensité du langage, c'est à dire le regard, qui feront, que ce monde est bien à moi. Par ailleurs, l'intensité nietzschéenne n'est pas la force, comme on le croit bêtement, mais exactement - la musique ! Comme sa force consiste à savoir s'appuyer sur sa noble faiblesse.
esprit,être,force,intensité,interprétation,maîtrise,musique,philosophie,regard,représentation,…

intelligence
La structure des faits, qui constituent la base de toute représentation, porte déjà des traces de notre pré-interprétation du monde (ce qui faisait que Nietzsche niait aux faits toute existence pour l'attribuer à la seule interprétation), mais la vraie interprétation intervient dans le contexte d'un modèle figé. Ne pas confondre le libre arbitre de la représentation dynamique d'avec la liberté de l'interprétation statique (comme le fait Bergson : « Notre représentation des choses naîtrait de ce qu'elles viennent se réfléchir contre notre liberté »).
esprit,interprétation,liberté,représentation,temps

intelligence
Aucun philosophe n'aurait rien écrit avant Nietzsche, Valéry ou Cioran, leur œuvre garderait sa valeur intacte (contrairement à Aristote, Spinoza ou Hegel, dont l'intérêt relatif relève davantage de l'histoire de la philosophie), et sa lecture n'en deviendrait pas plus ardue - à comparer avec les connaissances philosophiques (un oxymoron insensé, puisque Foucault a raison : « Il n'y a pas de philosophie, il n'y a que des philosophes »**, tandis qu'il existe bien l'art et non seulement des artistes, puisque le sens du beau est métaphysique et celui du vrai - mécanique), se réduisant à un vocabulaire emprunté, sans rigueur ni exubérance ni hauteur, et qui seraient indispensables pour une lecture des professionnels. La seule maîtrise, dont une bonne philosophie a besoin, est celle du degré zéro de la création, de la sensibilité et de l'intelligence.
beauté,création,école,folie,histoire,maîtrise,mot,philosophie,savoir,sentiment,…

intelligence
Le thème de retour est joué par Nietzsche et par Heidegger : le premier veut échapper à l'espace dans l'égale intensité du devenir vital, le second veut échapper au temps dans le déplacement du regard, de l'étant intelligible vers l'être suprasensible. La hauteur de regard semble être leur dénominateur commun ; en privilégiant la hauteur, on prône la musique, et en se concentrant sur le regard, on se condamne à la profondeur. L'être, par rapport au devenir, est ce que le moi inconnu est au moi connu, le regard - à la pensée.
esprit,être,hauteur,idée,inconnu,intensité,musique,regard,retour

intelligence
Le sujet, c'est l'union de trois créateurs : de représentations (Descartes), de requêtes (Valéry), d'interprétations (Nietzsche). Il doit donc offrir trois facettes : la scientifique, la philosophique, la poétique. L'esprit scientifique bâtit des modèles du monde, l'esprit philosophique les interroge, l'esprit poétique réinterprète le monde. Chacun des trois manque souvent de dons dans les deux autres sphères et croit pouvoir s'en passer, pour se dévouer exclusivement à la représentation, au questionnement sans fin, à la perpétuelle interprétation. C'est le poète qui en sort le moins ridicule. On finira par confier la science à la machine, ce qui enterrera définitivement le cogito (se réduisant à la représentation), pour ne laisser que l'homme de la nature, celui qui ne fait que réinterpréter.
esprit,interprétation,nature,philosophie,poésie,question,représentation,robot,science,soi

intelligence
Dans un vrai livre de philosophie, on doit faire appel à une haute musique de poète, à un vaste style d'écrivain, à un profond regard de penseur. Nietzsche fut le seul à atteindre à cette harmonie. Mais dès que les hommes imaginèrent, que seule la dernière dimension justifiât le titre de sage, ils proclamèrent, paradoxalement, la préséance du langage, et leur profondeur universitaire, sans nulle forme musicale, se mua aussitôt en platitude.
axe,esprit,hauteur,langue,musique,philosophie,platitude,poésie,style

intelligence
Pour juger de l'intérêt d'une pose (posture/position) philosophique, le premier réflexe est d'en imaginer le contraire ; c'est ainsi que l'on comprend l'insignifiance d'un regard, qui aurait pour centre l'être, la matière, la vérité, la liberté, et l'on finit par reconnaître que l'opposition la plus intéressante est entre la poésie et la prose, la consolation et la conviction, la musique et le bruit, l'abstrait et le concret, le commencement et le résultat, l'élégance artificialiste et le naturalisme béat ; et cette opposition est symbolisée le mieux par le sophisme et le cynisme. Platon, Pascal, Nietzsche, face à Diogène, Hume, Husserl. Curieusement, les seconds triomphent en pratique, tandis qu'en paroles sont proclamés vainqueurs - les premiers.
artificiel,commencement,consolation,défaite,esprit,être,liberté,matière,musique,négation,…

intelligence
Le monde, l'homme, la perception humaine du monde - trois merveilles d'un même acabit. Qu'on parte de l'homme (Protagoras, Kant, Nietzsche), du monde (Spinoza, Marx, Heidegger), de la relation entre eux (Aristote, Husserl, Sartre) - on peut aboutir au même réseau conceptuel. Ce qui différencie ces visions, ce n'est pas tant le problème des représentations et des interprétations, que la part et la qualité de l'extase, tragique ou jubilatoire, devant le mystère. L'intelligence, la noblesse, le talent - telle est l'échelle ascendante des bons esprits.
concept,élite,enthousiasme,esprit,idée,interprétation,mystère,nature,noblesse,représentation,…

intelligence
Chez les philosophes apoétiques, Descartes, Spinoza, Hegel, je ne trouve aucun sujet qui ne serait pas abordé par le poète aphilosophique Valéry ; chez celui-ci - des idées en belles phrases, chez ceux-là - de ternes phrases et de ternes idées ; les meilleurs des philosophes sont ceux qui reconnaissent, que la philosophie doit être ancilla poesiae, comme en témoignent Heraclite, Nietzsche, Heidegger.
discursif,idée,philosophie,poésie

intelligence
Qui accumulait le plus de connaissances et y voyait et les buts et les moyens d'une réflexion ? - Hegel et Husserl. Quel en est le bilan ? - l'ennui et la platitude. Qui se moquait des connaissances ? - Nietzsche et Valéry, qui n'y voyaient que de modestes contraintes. Quelle est le fond de leur œuvre ? - la musique et l'intelligence.
contrainte,ennui,musique,platitude,savoir

intelligence
Valéry n'est pas un philosophe (il se posait lui-même en anti-philosophe), puisqu'il est adepte de l'acte (du savoir-faire), c'est à dire de quelque chose d'intermédiaire, tandis que les philosophes évoluent soit dans des commencements (Descartes ou Nietzsche), soit dans des fins (Kant ou Hegel). Mais, évidemment, le commencement l'intriguait davantage.
action,commencement,philosophie

intelligence
On reconnaît facilement, que le ton et le style de J.G.Hamann, de Valéry, de Nietzsche sont supérieurs à, respectivement, Kant, Bergson ou Hegel, mais on devrait aussi se rendre compte que, même en intelligence, les premiers dépassent les seconds.
philosophie,style

intelligence
Une hiérarchie de valeurs externes s'établit en fonction de la hiérarchie de mes juges internes : à ma raison, à mon esprit, à mon âme, en tant que juges, correspondent le savoir, l'intelligence, le talent des autres. Et c'est ainsi qu'au-dessus du beau savoir de G.Steiner je placerai l'intelligence de Valéry, et le beau talent de Nietzsche - au-dessus de l'intelligence de Valéry.
âme,axe,élite,esprit,raison,savoir

intelligence
Face aux regards incompatibles sur le monde, il y a trois attitudes possibles : chercher des finalités communes (l'universalité kantienne), imaginer un processus de conciliation (le compromis hégélien), clamer de nobles contraintes, dès le départ (le goût nietzschéen).
contrainte,esprit,goût,universel

intelligence
Dans la saisie des choses, est philosophe celui qui glisse sur la géométrie et donne la priorité à l'algèbre et à l'analyse : l'instrumentalité et les fonctions, avant ce qui est là ou ce qui est donné. Heidegger ne voit autour de lui que des géomètres, et il appelle cette calamité - l'oubli de l'être (une pique à l’oubli de l’Idée platonicien), et que Nietzsche attribuait à la fatigue.
être,idée,science

intelligence
Tracer des frontières entre les clans ou écoles philosophiques est une tâche délicate. On peut commencer par le regard, que les philosophes eux-mêmes portent sur leurs exercices, et alors la première ligne de démarcation séparerait les scientistes des artistes. Chez les premiers, il y a deux groupes : discours léger et prétention à la sagesse (Platon, Sénèque), ou discours lourd et prétention à la rigueur scientifique (Spinoza, Hegel, Husserl). Chez les seconds, il y a aussi deux groupes : verbalisme prosaïque (Heidegger) ou intensité poétique (Nietzsche).
art,école,frontière,inconnu,philosophie,poésie,science,soi

intelligence
En philosophie, là où l'on n'entend pas de musique (le marteau auriculaire de Nietzsche), il n'y a rien à chercher ; l'âme est l'esprit sachant réduire à l'ouïe tous nos sens, et la philosophie est exactement la fonction, qui réalise cette transformation. Le cœur réduit le même esprit au toucher, à la caresse. La musique, le regard, la caresse semblent être des synonymes, ou des traductions d'un même mot dans des langages divins différents.
âme,caresse,cœur,esprit,mot,musique,ouïe,philosophie,regard

intelligence
Dès qu'on prend pour pensées l'idée platonicienne, le cogito cartésien, le conatus spinoziste, l'éternel retour nietzschéen, on est charlatan. En reconnaissant leur vrai statut, celui des métaphores, nous devenons libres à les interpréter comme bon nous semble. Les pensées, c'est chez les poètes qu'il faut les chercher – Rilke, Valéry, Pasternak, R.Char.
art,idée,interprétation,liberté,métaphore,philosophie,poésie,retour

intelligence
Toute chose peut être vue sous un angle soit temporel : progrès ou décadence, soit intemporel : hauteur ou intensité ; la mort ou la vie, la puissance de la volonté ou la volonté de puissance, la force irréversible ou le réversible éternel retour, éternel soulignant l'insignifiance du temps et non pas une répétition quelconque. L'éternité surgit, quand le temps perd toute son importance, et s'impose l'intensité - « l'éternel retour du même, c'est l'inépuisable intensité de la vie en tant que joie-douleur »*** - Heidegger - « die ewige Wiederkunft des Gleichen - die unerschöpfliche Fülle des freudig-schmerzlichen Lebens », c'est un équivalent de la hauteur du regard (Gipfel der Betrachtung - Nietzsche).
éternité,force,hauteur,intensité,mort,regard,retour,souffrance,temps,vie

intelligence
Tous les nietzschéens ont une vision mécaniste de l'éternel retour ; pourtant, le père de cette jolie métaphore (et de cette misérable pensée), se désavoue lui-même, avec cette flagrante bêtise pseudo-mathématique : « Tout processus infini doit être périodique » - Nietzsche - « Ein unendlicher Prozess kann gar nicht anders gedacht werden als periodisch ». Celui qui ignore la théorie des suites devrait être interdit de réévaluer les valeurs.
art,axe,erreur,idée,interprétation,liberté,métaphore,philosophie,poésie,retour,…

intelligence
En philosophie, le soi apparaît avec Montaigne et culmine avec Nietzsche. Dans les écrits des impersonnels, le soi et les autres ont les mêmes attributs ; la même profondeur ou la même platitude leur étant réservée. Mais la peinture de soi est la preuve de la hauteur : « Sur soi on écrit à la hauteur, à laquelle on est » - Wittgenstein - « Über sich schreibt man, so hoch man ist ».
concept,hauteur,philosophie,platitude,soi

intelligence
Toute phrase peut être interprétée soit comme une requête (de l'être) soit comme une assertion (du devenir) – avènement ou événement, pensée en continu ou pensée de rupture. La science est dans le premier mouvement, et l'art – dans le second. « L'art suprême de la représentation ramène toute pensée au devenir » - Nietzsche - « Die vollendete Kunst der Darstellung weist alles Denken an das Werden ab ».
art,continuité,être,idée,interprétation,représentation,science,temps

intelligence
Les ambitions intenables, qui expliquent l'éclipse prochaine programmée de la philosophie académique : être une science, explorer la vérité, élaborer les concepts fondamentaux de la vie, développer les pensées fondatrices en vastes systèmes cohérents. Le scientifique en rira, et le poète n'en gardera que les noms d'Héraclite et de Nietzsche. Toute philosophie, sortant du cadre poétique, est nulle.
idée,philosophie,poésie,science,système,vérité,vie

intelligence
Raisonner sur les «concepts», qu'ils sont incapables de définir, - tout Kant, tout Hegel, tout Husserl sont là ; la même incapacité n'est en rien gênante chez ceux qui cherchent à faire résonner ces concepts – Nietzsche ou Heidegger.
idée,musique,philosophie,science

intelligence
Pour Nietzsche, l'Être est une interprétation (métaphysique, donc méprisable), pour Heidegger – une représentation (ontologique, donc vénérable), pour moi - une réalité (prosaïque, mais incontournable, pour valider nos représentations et donner un sens à nos interprétations).
auteur,être,haine,interprétation,philosophie,réalité,représentation

intelligence
Pour un philosophe, l'être, le devenir, le faire sont des synonymes ; mais à toute la platitude de l'être heideggérien on peut substituer la hauteur du devenir nietzschéen ou la profondeur du faire valéryen.
action,être,hauteur,philosophie,platitude

intelligence
L'Histoire de la philosophie s'écrit selon le lieu de ses exercices : la hauteur du Bien, du Beau ou du Vrai (d'Héraclite à Montaigne) ; la platitude du méthodique ou du naturel (de Descartes à Leibniz) ; la profondeur des limites humaines (de Kant à Marx) ; la hauteur de notre regard et de notre souffle (Nietzsche). Sachant que toute profondeur finit par affleurer à la platitude, il faut saluer tout retour à la hauteur, même au prix du trépas de son Habitant d'antan.
beauté,bien,hauteur,histoire,mort,nature,philosophie,platitude,regard,retour,…

intelligence
Aujourd'hui, sans référence aux scolastes abscons, on ne comprendrait pas la valeur réelle de Descartes ; sans la superficialité des Montesquieu, d'Alembert, Diderot, on ne reconnaîtrait pas la profondeur des idéalistes allemands des Lumières. Le philosophe à valeur absolue est rare, il n'en existe peut-être qu'un seul, Nietzsche.
hauteur,moyen âge,philosophie,platitude

intelligence
Le pédant s'identifie avec les racines, le marchand – avec le tronc, le sage – avec les feuilles, le rêveur – avec les fleurs, le consommateur – avec les fruits, le poète – avec l'ombre, mais le philosophe doit viser l'arbre tout entier. « La puissance, qui devait aller aux fleurs, se partage aujourd'hui entre les feuilles et le tronc » - Nietzsche - « Die Kraft, die eigentlich der Blüthe zukommen soll, bleibt jetzt an Blätter und Stamm vertheilt ». Le vrai ennui, c'est que le tronc ne pense qu'au bois et oublie la sève, et que les feuilles soient surchargées de constantes et manquent d'inconnues.
arbre,argent,force,inconnu,philosophie,poésie,rêve

intelligence
Le meilleur usage de la philosophie consiste en peinture de mes états d'âme ; cet exercice exige le choix des axes, autour desquels je développe mes idées ou lesquels j'enveloppe dans mes métaphores ; ce choix correspond à la mise en place des contraintes ; pour moi, ce sont la noblesse, l'arbre, l'intelligence ; pour Nietzsche – le retour éternel, la volonté de puissance, le surhomme. Ce qu'il faut retenir de ces banalités, c'est qu'il ne faille pas exagérer le rôle des contraintes communes, il faut écouter la musique des commencements personnels.
âme,arbre,axe,commencement,contrainte,éternité,force,idée,métaphore,mouton,…

intelligence
Pourfendre un adversaire semble être un pré-réquisit de toute écriture ambitieuse ; ici, il y a deux clans : ceux qui s'acharnent contre les sots - Molière, Flaubert, Tolstoi, ou ceux qui s'en prennent à leurs pairs - Dostoievsky, Nietzsche, Valéry. Il est instructif d'observer que la contagion de nos auteurs par le niveau de leur adversaire est bien perceptible.
balance,grandeur,lutte

intelligence
Réconciliation du oui nietzschéen avec le non hégélien : le non sévissant surtout dans les contraintes, le oui animant surtout les commencements. Le pourquoi éthique en définira le fond des finalités, et le comment esthétique sacrera la forme du parcours.
beauté,bien,commencement,contrainte,négation,sacré,style

intelligence
L'invention face à la reproduction, le sacrifice d'un soi si insaisissable face à la fidélité à un soi bien déterminé, - dans cette opposition des poses philosophiques, la première l'emporte largement sur la seconde, en qualité et même en cohérence : il suffit d'imaginer Marc-Aurèle vanter les vertus de la force, ou Montaigne se lamenter sur la souffrance, ou Nietzsche faire l'apologie de la faiblesse, ou Tolstoï se vautrer dans l'érotisme, ou Cioran en appeler au rire ; en revanche, Spinoza, Schopenhauer ou Sartre sont dans leurs soi respectifs, ce qui les rend plus ternes. Je ne connus que deux cas, où l'écrivain et l'homme, tous les deux pleins de noblesse, vécussent main dans la main, regard sur le regard, talent du talent - R.Char et R.Debray.
élite,esprit,force,noblesse,philosophie,soi,souffrance

intelligence
Le nihilisme des commencements est le plus noble ; il s’oppose à l’imitation, à l’inertie, à l’épigonat ; mais si je réussis à faire commencement de tout pas, de toute action, de toute métaphore, je réalise l’éternel retour du même : « La doctrine de l’éternel retour est du nihilisme accompli » - Nietzsche - « Die Lehre von der ewigen Wiederkunft als Vollendung des Nihilismus ».
action,commencement,continuité,éternité,métaphore,nihilisme,noblesse,retour

intelligence
Toutes les activités (intellectuelles, pragmatiques ou sentimentales) se réduisent soit à la représentation soit à l’interprétation. La volonté les accompagne, toutes les deux, dictée, respectivement, par la connaissance, l’intelligence, la curiosité ou par l’intérêt, le goût, le style. Nietzsche appelle cette volonté (de puissance) – réinterprétation (ou retour éternel). Il veut donner à ce devenir (propre de l’interprétation) l’intensité de l’être (propre de la représentation). Plus économe en concepts, Nietzsche est plus complet en éléments dynamiques et créateurs que A.Schopenhauer.
concept,création,éternité,être,force,goût,intensité,interprétation,représentation,retour,…

intelligence
La réalité divine est dans les objets de l’espace-temps ; reflétée par l’homme, elle devient une double réalité humaine : l’être - cette pure abstraction (mais ne déviant en rien de la réalité divine), et le devenir - une fatalité mécanique ou une création libre. « Le devenir est aussi mécanique que l’être » - Chestov - « Динамика так же механистична, как и статика ». Pour échapper à la mécanique, le style, d’après Nietzsche, doit munir le devenir créateur – de l’intensité de l’être.
concept,création,dieu,être,hommes,intensité,liberté,réalité,robot,style,…

intelligence
Aucun commentateur ne se hisse à la hauteur de Nietzsche, Valéry, Heidegger ; tous les commentateurs de Spinoza, de Hegel, de Kierkegaard leur sont supérieurs.
hauteur,interprétation

intelligence
La représentation est la fonction centrale de l’esprit et de l’âme : la représentation objective de la Création divine par celui-là, et la représentation subjective de notre création humaine par celle-ci. Et la vie est la palpitation devant l’être de la première et l’enthousiasme dans le devenir de la seconde. Quand on assez doué, pour munir ce devenir de l’intensité de l’être, on peut dire avec Nietzsche : « L‘Être – la seule représentation que nous en avons est vivre » - « Das Sein – wir haben keine andere Vorstellung davon als leben ».
âme,création,dieu,enthousiasme,esprit,être,intensité,représentation,vie

intelligence
La reconnaissance de Nietzsche, par le badaud, est due au malentendu, créé par les nazis, qui tombèrent, chez sur les mots tels que : surhomme, puissance, blonde bête. Le bouseux se flatte d’être pris pour aristocrate. Mais le malentendu avec mes bêtes noires – Descartes, Spinoza, Hegel – est beaucoup plus énigmatique : la platitude du premier, le charabia du deuxième, le galimatias du troisième : « Galimatias primitif, ânerie de Hegel, vilain et niais » - Schopenhauer - « Gallimathias, Rohheit, Unsinn des plumpen und geistlosen Hegel ».
allemagne,bassesse,force,mystère,noblesse

intelligence
La Volonté schopénhauerienne et la volonté de puissance nietzschéenne n’ont pas grand-chose à voir avec le vouloir, elles se concentrent plutôt dans le valoir  : ce que valent (ou sont) les choses (en soi) ou ce que vaut un (sur)homme.
être,force,valoir

intelligence
Trois critères, trois axes qualifient un écrit philosophique : banal/original, bête/intelligent, plat/stylé. Toutes les combinaisons furent possibles dans l’Antiquité. L’écrit nietzschéen est original et stylé ; l’écrit valéryen est original et intelligent ; l’écrit heideggérien est intelligent et stylé. Aujourd’hui, la banalité, la bêtise et la platitude caractérisent et la phénoménologie et la philosophie analytique et la philosophie du langage et la philosophie de l’esprit.
antiquité,axe,esprit,langue,modernité,philosophie,platitude,style,voix

intelligence
Dans l’œuvre de tout grand philosophe on peut reconnaître un système, vaste, solide, profond, et même, dans le meilleur des cas, - altier. Ce système ne peut être qu’un constat, un résumé a posteriori des ouvrages, dont le commencement aurait été dicté par le choix d’un ton, d’une hauteur, d’une noblesse et non pas des dogmes a priori. Toutes les tentatives de partir d’un système (Descartes, Spinoza, Hegel) débouchent sur la banalité, la platitude, le galimatias. Dans les notes fragmentaires de Dostoïevsky, Nietzsche, Valéry, en revanche, on reconnaît, nettement, un système, un vrai monde de l’esprit. « Le fragment n’est rebuffé que par ceux qui croient en systèmes de création » - S.Zweig - « Das Fragmentarische erschreckt nur den, der an Systeme im Schöpferischen glaubt » - il est permis d’y croire (en rêve), mais non de penser (en actes) selon un système.
commencement,création,esprit,hauteur,maxime,noblesse,philosophie,platitude,rêve,système

intelligence
Les convictions sont des valeurs, et parler de la mutation des premières (Dostoïevsky) ou de la réévaluation des secondes (Nietzsche) revient au même, bien que le pouvoir de l’homme du souterrain soit à l’opposé du devoir du surhomme.
axe,doute,idée,négation,valoir

intelligence
L’écriture est faite de jugements et de métaphores. Chez Nietzsche domine la métaphore, et chez Valéry – le jugement. Moi, j’en cherche l’équilibre ; Cioran le trouve dans une ténébreuse gnostique ; je le veux consolateur, réconciliant l’inquiétante réalité du Beau avec le paisible rêve du Bien.
acquiescement,angoisse,art,auteur,beauté,bien,consolation,métaphore,réalité,rêve

intelligence
Nietzsche est le premier philosophe à comprendre, que la philosophie des questions nouvelles est révolue. Dans ce qui présente un intérêt pour la philosophie, tout a été interrogé. La philosophie moderne ne peut être faite que de réponses (aux questions non posées), c’est-à-dire de maximes, auxquelles tout lecteur construirait un arbre de questions, s’unifiant avec la réponse. Après Nietzsche, toutes les nouveautés interrogatives sur l’être, le savoir, la vérité, la liberté ne sont que du bavardage.
arbre,être,histoire,liberté,maxime,philosophie,question,savoir,vérité

intelligence
Plus que la vie profonde de l'esprit, c'est la vie haute de l'âme qui l'assure la descendance philosophique : « La philosophie doit garder la ligne de faîte de l'âme, donc la fécondité de tout ce qui est grand »** - Nietzsche - « Die Philosophie soll den geistigen Höhenzug festhalten ; damit die Fruchtbarkeit alles Großen » - la fécondité de créateur d'arbres, aux feuilles variables, ouvertes à l'unification. Un arbre est grand, quand tout autre arbre, unifié avec lui, en sort grandi. Même avec un agonisant cloué à ses branches.
âme,arbre,création,esprit,grandeur,hauteur,mort,philosophie,vie

intelligence
Seule la création inconsciente d’un système est un acte à saluer ; l’avoir préconçu ou le développer induit l’ennui. C’est pourquoi Nietzsche est au-dessus de Heidegger.
création,discursif,ennui,inconnu,système

intelligence
N’est parfait que le réel divin, c’est-à-dire l’être ; aucune création humaine, c’est-à-dire un devenir, ne peut l’atteindre. « La perfection ne peut pas provenir d’un devenir » - Nietzsche - « Das Vollkommene soll nicht geworden sein ».
dieu,être,hommes,réalité

intelligence
L’art de ranimer les rêves et les mots – tel est le sens de la gaya scienza de Nietzsche : « Une philosophie pleine de fleurs, science gaie autant que sublime » - J.Joubert – la science n’y est qu’un art et les fleurs y font partie d’un arbre majestueux, de racines à canopée.
arbre,hauteur,mot,noblesse,rêve

intelligence
Pour résumer l’essence du monde, Schopenhauer a raison de mettre en avant la représentation, tandis que Nietzsche s’égare, en lui préférant l’interprétation. Et c’est la place, qu’ils accordaient au langage, qui explique la clairvoyance du premier et l’incompréhension du second. Le langage ne fait que s’attacher à une représentation existante, ce n’est pas l’inverse, ce n’est pas le mot (ni phonétique ni lexical) qui engendre le concept, comme le pense Nietzsche : « Le concept n’apparaît d'abord que par le son » - « Der Begriff ist am Laut erst entstanden ».
interprétation,langue,nature,représentation

intelligence
L’éternel retour nietzschéen, ce sont les retrouvailles avec le même rêve. Rêve fuyant, donc il s’y agit bien d’une consolation. Ce n’est pas à la réalité (l’être figé) que s’applique sa volonté de puissance, mais à la représentation (le devenir créateur), d’où son souci permanent du langage. Depuis Héraclite, Nietzsche est le dernier vrai philosophe.
consolation,création,éternité,être,force,langue,philosophie,réalité,représentation,retour,…

lichtenberg g.
Nicht zu sagen Hypothese, noch weniger Theorie, sondern Vorstellungsart.

Ne parle pas d'hypothèses, encore moins de théories, mais de mode de représentation.
intelligence
Tout raisonnement n'est peut-être que des enchaînements de représentations (« La pensée est une représentation » - Heidegger - « Der Gedanke ist eine Vorstellung »). Ou, au contraire, toute représentation n'est que résultat des réinterprétations volontaristes (comme le pense Nietzsche, et que Schopenhauer oublie d'ajouter à volonté et représentation) ; la volonté arbitraire et la représentation fatale se courent derrière : « Le destin fut impérieux avec moi, mais plus impérieuse encore fut ma volonté » - Nietzsche - « Das Schicksal war herrisch zu mir, aber herrischer war mein Wille ». Un trait subtil, représenter les mondes hypothétiques, où germent la volonté de renaissance et la représentation de commencements.
commencement,école,étoile,idée,intensité,interprétation,liberté,raison,représentation,simplicité,…

nietzsche f.
Dem Werden den Charakter des Seins aufzuprägen.

Imprimer au Devenir le caractère de l'Être.
intelligence
Ce qui persiste dans le devenir (« das Bleibende im Werden » - Heidegger) est ce qui n'existe pas ; on peut donc le nommer, à bon droit, Dieu ou Être. Mais l'Être n'est que le Devenir de l'esprit en exil, et le Temps est peut-être l'être du Dieu déchu. L'Être - la puissance de la volonté ; le Devenir - la volonté de puissance. Allant à leur rencontre, l'un vers l'autre, ils se muent, respectivement, en l'étant et le devenu, ces synonymes. Le devenir, ayant atteint le caractère de l'être, s'appelle création ; l'intensité expressive en fait une œuvre d'art. Quand on comprend, que l'intensité maîtrisée est le point final des pérégrinations du savoir et de l'intelligence, on vit l'éternel retour du même (on renonce au changement, à la négation, on est dans l'acquiescement cosmique).
création,défaite,dieu,éternité,être,exil,force,idée,intensité,philosophie,…

nietzsche f.
Die tiefsten Bücher werden immer etwas von dem aphoristischen Charakter haben.

Les livres les plus profonds garderont toujours quelque chose du genre aphoristique.
intelligence
La profondeur perçue résulte des hauteurs conçues. Et les aphorismes sont des hauteurs, qui, contrairement aux profondeurs, ne se touchent pas – le style interrompu (La Bruyère). « L'homme au souffle immensément long, acceptant la contrainte des propos les plus courts » - Canetti - « Ein Mensch von ungeheuer langem Atem, der sich zu kürzesten Sätzen zwingt  ». Ce genre vous oblige à dévoiler votre hauteur ; à une bonne hauteur, viser la profondeur peut dispenser de l'atteindre. « L'aphorisme n'a quoi faire de la vérité, mais il doit la survoler » - K.Kraus - « Ein Aphorismus braucht nicht wahr zu sein, aber er soll die Wahrheit überfliegen ».
continuité,contrainte,hauteur,intensité,maxime,style,vérité

nietzsche f.
Es gibt keine Fakten - nur Interpretationen.

Il n'y a pas de faits, rien que des interprétations.
intelligence
Pour toi, les faits seraient une espèce de vérités absolues. Mais les faits font partie d’une représentation et non pas de la réalité. On interprète les discours ; le discours ne contient que des références d’objets ; tout objet se réduit aux faits – interpréter sans faits, c’est représenter sans objets – absurde ! Ce qui vaut pour l’homme vaut, également, pour la machine intelligente, qui est impuissante sans les faits. De mieux en mieux câblés, les résultats de l'herméneutique deviennent des faits de plus.
absurde,concept,interprétation,réalité,robot,vérité

nietzsche f.
Die Philosophie ist eine Kunst in ihren Zwecken und in ihrer Produktion. Aber das Mittel, die Darstellung in Begriffen, hat sie mit der Wissenschaft gemein.

La philosophie est un art dans ses fins et sa production. Mais le moyen, la représentation en concepts, elle l'a en commun avec la science.
intelligence
Les concepts irriguent, avec la même densité, les balivernes et les sagesses ; la science n'a aucun rapport avec la philosophie, qui a pour vocation de munir de musique et nos angoisses et nos savoirs.
angoisse,art,contrainte,création,esprit,idée,musique,philosophie,représentation,savoir,…

char r.
Où l'esprit ne déracine plus, mais replante et soigne, je nais.
intelligence
L'esprit devrait savoir justifier toutes les saisons de l'arbre, de la graine au déracinement. « Le dégustateur pense que l'arbre se dévoue aux fruits, tandis que celui-ci se voit en graine »*** - Nietzsche - « Jeder Geniessende meint, dem Baume habe es an der Frucht gelegen ; aber ihm lag am Samen ». Et même en saison morte les emplois de l'arbre sont respectables : ne plus être du feu, mais du bois.
arbre,climat,commencement,exil

ironie
Le cynisme étouffe l'élan, l'ironie le rend plus sacré, car plus éloigné ou isolé de ses sources défendables. Toute bougeotte s'achève en platitudes (prenez à la lettre l'avertissement de Jésus : « Si on vous dit qu'Il est ici, n'y allez pas », car l'essentiel mérite votre immobilité et absence), et le cynisme est mouvement. Souvenez-vous, que c'est l'ironie qui manqua le plus à l'œuvre nietzschéenne : « Le cynisme, la plus grande hauteur accessible sur terre » - « Das höchste, was auf Erden erreicht werden kann, der Cynismus » - sur les cartes psychologiques, toutes les coordonnées d'écoles sont plates ; le relief, et donc la hauteur, s'introduisent par la troisième dimension, créée par le talent, l'ironie et la noblesse
action,axe,christianisme,commencement,élan,hauteur,immobilité,intensité,noblesse,platitude,…

ironie
La musique la plus pure fut écrite par deux sales personnages, Mozart et Tchaïkovsky ; la musique la plus optimiste et fraternelle - par ce sinistre misanthrope de Beethoven ; la musique la plus noble et divine - par ce petit-bourgeois et grenouille de bénitier, Bach. Et l'accord entre le personnage et son œuvre annonce, si souvent, une médiocrité. À comparer avec l'homme Nietzsche : ce minable petit-bourgeois, respectueux des titres, grades et fortunes, guettant des signes de reconnaissance ou d'admiration de la part de n'importe quelle canaille - c'est parmi les petits-bourgeois que se recrutent des adorateurs du surhomme.
ange,argent,enthousiasme,fraternité,hommes,musique,noblesse,platitude,reconnaissance

ironie
La hauteur de l'illusion peut en faire une divinité inaccessible, la profondeur - seulement une idole familière. La vérité, qui selon Nietzsche serait une illusion, peuplerait soit temples soit usines. Mais en matière d'illusions, l'agitation ou la drogue ont le même but que l'art : « L'art au service de l'illusion, voilà tout notre culte » - « Die Kunst als die Pflege des Wahns - unser Kultus ».
art,dieu,hauteur,rêve,robot,vérité

ironie
J'attribue de bonnes notes : excellence en philosophie – Schiller, Valéry, Rilke, Pasternak ; excellence en poésie – Héraclite, Nietzsche, Heidegger. Tous les premiers méritent les deux.
auteur,grandeur,philosophie,poésie

ironie
La jeunesse : chercher à se mettre sur les épaules des géants, pour mieux voir et avancer vers des fins ; la vieillesse : chercher des points zéro, pour mieux rêver, immobile, des commencements. C'est la place de la musique qui les distingue : elle est le commencement du jeune ; pour les vieux, elle n'en est qu'un « dernier écho » (Nietzsche).
commencement,enfance,immobilité,rêve

ironie
L'ironie consiste dans le pouvoir de choisir sa saison, en fonction des couleurs et fièvres du moment. On ne choisit pas son climat, et la suite de ses saisons est implacable : on accumule la force dans le pessimisme, pour la déployer en saison optimiste. Nietzsche tenta, sans succès, de : « s'imposer un climat de l'âme » - « so zwang ich mich zu einem Klima der Seele », en « tournant son regard vers l'optimisme, lui permettant de retourner vers le pessimisme » (« ich drehte meinen Blick : Optimismus, um wieder Pessimist sein zu dürfen »).
amour,climat,enthousiasme,force,intensité,regard,voix

ironie
Ce qui est fascinant dans l'arbre abstrait, c'est que, après de subtiles substitutions, on puisse placer ses racines ou ses fleurs dans n'importe laquelle de ses parties, comme ses ombres ou ses fruits. « L'âme sèche est excellente, avec son feu toujours vivant » - Bhagavad-Gîtâ. Et l'on parierait, que les fruits à admirer y précèdent les fleurs à goûter. Comme mon étoile, que je vois dans une profondeur, et qui me permet de projeter mes ombres - vers le haut, que n'habitent que des rêves ; tout le contraire de l'étoile-pensée de Nietzsche, répandant sa lumière sur chacun, vers en-bas (« zu jedermann hinunterleuchten »).
arbre,auteur,étoile,hauteur,idée,négation,ombre,rêve

ironie
Le souci des hommes de paraître originaux et rebelles est si commun, qu'ils en devinrent parfaitement interchangeables et inoffensifs. « L'homme s'épanouit : toujours plus intelligent, douillet, médiocre, indifférent » - Nietzsche - « Es geht ins Klügere, Behaglichere, Mittelmäßigere, Gleichgültigere - der Mensch wird immer „besser“ ». Il sait où loge son soi et ignore la demeure de son âme. Je me sens de plus en plus seul à penser comme tout le monde et à sentir comme un ahuri !
auteur,lutte,mouton,platitude,révolte,universel,voix

ironie
La seule jeunesse qu'on puisse préserver dans la vieillesse, c'est de recommencer à ne reconnaître que soi-même, sans être discourtois avec Mozart, Nietzsche ou Valéry. Du désir de voir le scintillement du monde, je passerai au regard sur mon propre étincellement.
auteur,élan,étoile,gloire,ombre,regard,soi

ironie
Tout dénouement se terminant dans le néant (Nietzsche), il faudrait éviter toute continuité des nœuds et se réfugier, discrètement, dans le pointillé de l'être.
continuité,être,exil

ironie
Ce sont des pensées à reculons qui sont encore les plus efficaces, pour envisager l'avenir sans trop d'épouvante. Comme, pour plier le monde, rien ne vaut des « pensées à pas de colombes » - Nietzsche - « Gedanken die mit Taubenfüssen kommen », ou même des « illusions berçantes de la colombe » - Kant - « die Taube, die sich in der Illusion wiegt », dont se serait nourri Platon.
caresse,idée,rêve,temps

ironie
Plus un système cohérent est élevé, et mieux il se traduit sur un mode lacunaire. Rien ne doit relier les sommets d'un relief hautain ! « Dans les hauteurs, le chemin le plus court va d'un sommet à l'autre : les aphorismes doivent être des sommets » - Nietzsche - « Im Gebirge ist der nächste Weg von Gipfel zu Gipfel : Sprüche sollen Gipfel sein ».
chemin,école,hauteur,maxime,système

ironie
Je découvre ma caverne - je touche à la profondeur ; j'en fais des ruines - je deviens accessible à la hauteur. « Ton essence vraie n'est pas cachée au fond de toi, elle est placée infiniment au-dessus de toi »**** - Nietzsche - « Dein wahres Wesen liegt nicht tief verborgen in dir, sondern unermesslich hoch über dir ».
auteur,étonnement,être,hauteur,ruines,soi

ironie
Vouloir, pouvoir, devoir s'associent, bêtement, avec, respectivement, la vie (Nietzsche), l'intelligence (F.Bacon), l'éthique. Il serait plus intéressant de parler de vouloir un type de pensée, de pouvoir révoquer notre suffisance, de devoir faire danser la vie.
bien,danse,esprit,intelligence,raison,soi,valoir,vie

ironie
Les meilleures pages de philosophie et de poésie perdent de leur beauté et force, quand on les développe ou justifie. « S'il faut expliquer la chose, il ne faut pas l'expliquer »** - Hippius - « Если надо объяснять, то не надо объяснять ». L'expliqué est ce qu'on peut passer outre : « Il n'est en art qu'une chose qui vaille : celle qu'on ne peut expliquer » - G.Braque. Sous une belle forme, on peut toujours découvrir un bon fond, mais il vaut mieux ne pas l'exhiber. « Ce qui a besoin d'être démontré ne vaut pas grand-chose »** - Nietzsche - « Was sich erst beweisen lassen muß, ist wenig werth ».
art,beauté,discursif,étonnement,force,philosophie,poésie,soif,style

ironie
Même la faiblesse, même le désespoir, même le vide peuvent être vécus avec intensité - la leçon centrale de Nietzsche (déjà amorcée par Platon : « Le plus beau des liens est celui qui rend au plus haut degré un soi-même et les termes liés ») ; la volonté de puissance ne vise que l'intensité de la vie. L'intensité de l'inconscience - source de toute poésie ; l'intensité de la conscience - critère de la liberté (Bergson).
beauté,commencement,conscience,espérance,force,intensité,poésie,rêve,soi,vide

ironie
Les hommes n'intéressent Cioran qu'une fois conduits, par ses soins, au bord de la chute. Quand on sait de quels précipices et hautes tours on se tire aujourd'hui, sans la moindre égratignure, on se contenterait de cartographies et architectures plus ironiques : les ruines, cernées par les pâquerettes. Béni silence des chutes vers le ciel ! Toutes les demeures bâties au bord du Vésuve (Nietzsche - « Baut eure Städte an den Vesuv ») sont désormais munies de sismographes.
château,défaite,étoile,hommes,platitude,ruines,silence,souffrance

ironie
Dans une écriture honnête, il faut accepter une fusion entre le sous-homme du souterrain dostoïevskien et le surhomme de la montagne nietzschéenne, entre une canaille au fond et un ange de la forme. Mais notre voix ne peut être qu'unique : « Rendre la voix polyphonique de notre conscience par une seule voix »** - G.Steiner - « Dramatizing through a single voice the many-tongued chaos of human consciousness » - ce sera la voix de l'une des deux autres de nos hypostases : celle de l'homme ou celle des hommes.
ange,art,bassesse,conscience,hommes,ruines,style,voix

ironie
De l'abus de négation de la négation : Nietzsche n'a ni l'ironie ni la gaieté, mais il proclame partir de l'ironie (le mot, en tout cas, signifiant, à l'origine, requête), voit sa négation dans le sérieux, nie celui-ci, pour tomber sur la gaieté, dont il croît inonder le public incrédule. « On ne peut guère rester sérieusement avec soi-même ; c'est parce qu'on est frivole qu'on ne se pend pas » - Voltaire.
bonheur,doute,mort,négation,platitude,question,soi

ironie
Il y a tant de penseurs, qui louent les vertus d'un silence révélateur, et qui abusent de nos oreilles avec leur interminable bavardage. Dans un domaine, où compte avant tout la musique, faite de violences et de silences. Même Nietzsche tombe dans ce travers : « L'essentiel de ta vie se déroule non pas aux plus bruyantes, mais aux plus silencieuses de tes heures » - « Die größten Ereignisse, das sind nicht unsere lautesten, sondern unsere stillsten Stunden » - l'essentiel n'est pas dans la force du son, mais dans son amplitude-intensité, dans la ligne musicale de crête ou de faîte. Il faut faire comme Beethoven et se dire, en permanence, que le vrai sourd, c'est le monde, et ne pas chercher des oreilles adéquates.
discursif,force,hauteur,musique,ouïe,silence

ironie
Il doit exister une énigmatique relation de cause à effet entre l'exotisme du lieu géographique et la tonalité de l'écriture, qui s'y éploie : quand je compare mon environnement avec celui de Byron, Leopardi et Nietzsche, je trouve d'amusants parallèles.
art,auteur,concept,hommes,temps

ironie
Tout homme intelligent passe par la tentation du dogmatisme ou du relativisme ; pour se débarrasser de celui-ci, suffit le talent ; pour maîtriser celui-là, suffit la noblesse ; les deux - armés d'ironie, c'est à dire d'une saine distance. Le fruit de cette fusion, c'est le culte de l'intensité égale sur l'axe des idées et des valeurs : se détacher de l'horizontalité du bruit, pour demeurer dans la verticalité de la musique, devenir vecteur de ce qui tend vers le beau ou le sublime. Cet axe, unifié par la dialectique (Hegel) ou par l'égale intensité (Nietzsche), peut s'arracher à son unique dimension et se généraliser en arbre à inconnues, ouvert à l'unification avec d'autres arbres.
arbre,axe,beauté,esprit,fanatisme,hauteur,idée,intelligence,intensité,musique,…

ironie
On peut juger de l'intérêt d'un courant d'idées par la variété ou l'amplitude des talents qui s'y adonnent : quand on voit l'ennui d'un même ordre, qui émane des meilleurs ou des pires des psychanalystes ou des phénoménologues, on comprend pourquoi, parmi les nietzschéens, on trouve les pires et les meilleurs des talents.
ennui,esprit,idée,mouton,philosophie

ironie
Le sage représente le monde, le poète l'interprète, le journalier le modifie ; Platon se moque de Marx, Nietzsche ne le remarque guère ; tant d'invariants réels ou d'unifications imaginaires nous laissent devant le même arbre.
action,arbre,interprétation,réalité,représentation

ironie
Le terme, qui revint à la mode - le déploiement, pour parler d'une expansion commerciale ou des antennes captant le bruit du monde. Jadis, on l'associait aux voiles ou aux ailes. Nietzsche y voyait le premier instinct de tout être vivant cherchant à déployer sa force (seine Kraft auslassen). Mais qu'est-ce qu'on peut déployer ? - son savoir, son tempérament, son talent, ses faiblesses, sa solitude ? Et dans quelle direction ? - vers la platitude du vous, vers la profondeur du nous, vers la hauteur du soi ?
force,hauteur,platitude,soi,solitude

ironie
Il y a des philosophes, chez qui on sent surtout un intense climat (Platon, Nietzsche, Heidegger) ; chez les plus raseurs, on ne voit que des paysages inanimés (Aristote, Descartes, Kant).
âme,climat,intensité,philosophie

ironie
Le paradoxe est une ruse technique, se prêtant bien à l'humour, mais n'atteignant pas à l'ironie ; c'est pourquoi, des paradoxes - le moral du grave Nietzsche, l'esthétique de l'espiègle Wilde, le psychique du désespéré Cioran - seul l'esthétique est à sa place.
beauté,bien,espérance

ironie
Chez Nietzsche, Valéry, Cioran, il y a une espèce d'obsession, maladroite et mal-orientée, pour le fond – la force, la connaissance, la fébrilité - où ils s'avèrent assez médiocres, tout en étant brillants dans les exacts contraires, se résumant dans la forme : l'acquiescement résigné, l'intelligence intuitive, le style équilibré. Les défauts de notre esprit, favorisent-ils les qualités opposées de notre âme ?
âme,art,esprit,force,intelligence,négation,savoir,style,vie

ironie
Le besoin d'élargir la gamme musicale pousse l'enthousiaste Cioran vers les notes lugubres et le négateur Nietzsche – vers les notes acquiescentes : tandis que le musicien de l'intérieur Valéry reste fidèle à son élégance primordiale. Tout est inventé chez les premiers et authentique – chez le dernier.
artificiel,authenticité,élan,enthousiasme,musique,négation,style

ironie
La même monotonie, soit inertie soit ennui, accompagne ceux qui ne vécurent jamais un moment de grâce, d'illumination ou de conversion (comme St-Paul, St-Augustin, Dostoïevsky, Nietzsche, Tolstoï, Valéry, Wittgenstein, Heidegger). Pour avoir sa voix reconnaissable, il faut avoir entendu des voix d'inconnus.
continuité,ennui,grâce,inconnu,vie,voix

ironie
Mon âme s'émeut, donc mon esprit devient - c'est ainsi que Pascal et Nietzsche répliqueraient au cogito, et où les verbes seraient aussi diserts que les noms, les pronoms et les conjonctions, plus éloquents que penser et être.
âme,esprit,être,philosophie,raison,sentiment

ironie
Chez les plus grands, on trouve de l'indifférence aux idées : Pascal écoute le sentiment, Nietzsche soigne le ton, Valéry interroge l'expression du mot et la perfection du réel. En revanche, tous les sots sont submergés d'idées, qu'il faut déverser sur un public ignare et avide de vérités.
idée,intelligence,mot,réalité,sentiment,vérité

ironie
La rareté augmente le prix, et le progrès - de l'homogène à l'hétérogène – les fait flamber, tandis que l'ironie - de l'hétérogène à l'homogène - déprécie les marchandises en les mettant sur le même rayon. Les choses les plus rares sont sans prix. La noblesse, par exemple. Et, en plus, ce qui est rare pour l’esprit profond est beau pour l’âme hautaine (Valéry) ; l’inverse : « Tout ce qui est sublime est aussi difficile que rare » - Spinoza - « Omnia praeclara tam difficilia quam rara sunt » serait aussi vrai. Le respect du rare serait signe de la culture : « L’humanité ne grandit que par la vénération du rare » - Nietzsche - « Verehrung des Seltenen, durch die allein die Menschheit wachse ».
âme,amour,balance,beauté,culture,esprit,grandeur,hommes,négation,noblesse,…

ironie
Parmi la canaille conformiste, vivre dangereusement – dans des restaurants, hôtels, casinos - est l'une des devises les plus en vogue ; pourtant, elle aurait pu être de toute première noblesse, si l'on prenait à la lettre le mot de Nietzsche : « Où te guettent les pires dangers ? - dans la pitié » - « Wo liegen deine größten Gefahren ? – Im Mitleiden », pour redevenir humain. Qu'est-ce qu'un robot humain ? - celui qui oublia l'ironie et la pitié.
audace,bassesse,hommes,noblesse,pitié,robot

ironie
L'ouvert physique et l'ouvert topologique - aucune ressemblance ; et l'on observe, chez les poètes et les philosophes, que les plus perspicaces, comme toujours, sont, inconsciemment, plus près du concept mathématique que de l'image mécanique. Pour les pauvres d'imagination, l'Ouvert est tout bêtement … pénétrable (même pour Heidegger : « L'Ouvert laisse se pénétrer » - « Das Offene läßt ein ») ; pour les subtils, il est la condition tragique (Nietzsche et Rilke) de l'intensité de nos irréductibles élans. L'Ouvert est ce qui est dans la limite inaccessible, ce qui ne peut ou ne doit pas se connaître : « Ce que Nietzsche est et fit, demeure ouvert » - Jaspers - « Was Nietzsche ist und tat, bleibt offen ».
élan,idée,inconnu,intensité,ouvert,philosophie,poésie,science,tragédie

ironie
Pourquoi l'homme Nietzsche est si mesquin et malheureux ? - parce qu'il lui manque l'ironie, ce contraire du sérieux et du grave (dans la vie et dans l'art), et la pitié, ce compagnon du Bien (dans la vie). Ignorant ces deux élans, il les opposait ; pour lui, l'ironie de Voltaire et la pitié de Rousseau furent incompatibles.
art,bassesse,bien,bonheur,élan,négation,pitié,vie

ironie
C'est en position couchée que je fus visité par les paroles les plus aguichantes. Ni l'agitation de Nietzsche : « Les seules pensées valables me vinrent pendant mes marches » - « Nur die Gedanken, die mir während meines Spaziergangs einfallen, haben Wert », ni l'assiduité de Flaubert : « On ne peut penser qu'assis » - ne me conviennent.
auteur,idée

ironie
Une bien comique opposition spéculaire entre l’insouciance du devenir (sorgloses 'ich werde') hégélien et le souci de l'être heideggérien. L'innocence du devenir nietzschéen, ayant atteint l'intensité de l'être, serait leur unification.
arbre,être,intensité,négation

ironie
Quand je vois, avec quelle facilité, des tas d'hommes, privés de tout talent littéraire, empruntent le style et le vocabulaire de Spinoza, Hegel, Husserl, je comprends mieux le talent singulier de Pascal, Nietzsche ou Valéry, qui n'ont aucun véritable acolyte.
art,école,mot,style

ironie
Ce que Platon dit de Socrate, Valéry de Descartes, Heidegger de Nietzsche montre la chevaleresque sympathie des philosophes-poètes non pas pour leur confrère-ancêtre lui-même, mais pour l’image de celui-ci, qui n’est que leur propre réinvention du personnage fictif et brillant. À comparer avec la froide neutralité ou hostilité des non-poètes.
école,grandeur,lutte,noblesse,poésie

ironie
En littérature, on reconnaît les lourdauds académiques par la gravité banale des questions, qu’ils se posent explicitement. On reconnaît le poète par la légèreté des réponses, qu’il peint sous forme d’obscures métaphores, que le lecteur illumine par la recherche de ses propres questions – Héraclite, Nietzsche, R.Char.
école,métaphore,poésie,question

ironie
L’Idée couvre tous les champs expressifs, du borborygme à la formule logique ; la philosophie consiste à l’envelopper d’un style, qui, réduit nécessairement aux arrangements spatiaux de mots, ne peut être que géométrique. Chez Platon il est parabolique (les objets à la lumière mythique), chez Nietzsche – hyperbolique (les objets voués à la hauteur), chez Heidegger – elliptique (les objets n’ayant pas encore de nom). J’ai l’ambition de pratiquer un style conique : l’idée serait une corne d’abondance, un cône, avec l’humilité d’un angle de vue étroit, avec un flux du bien-être, avec l’élan vers l’infini ; la maxime émerge, suite au choix d’un plan, traversant le cône, pour créer une parabole, une hyperbole ou une ellipse.
acquiescement,auteur,élan,hauteur,idée,inconnu,maxime,mot,philosophie,science,…

ironie
L'ironie est un genre, que choisit la pudique pitié, pour viser la hauteur. Cette ironie, implicite chez l'insensible Nietzsche ou le sensible Tchékhov, s'oppose et à la profondeur de la tragédie et à l'art surfacique de la comédie, et que l'ironie met sur un même plan.
art,hauteur,pitié,platitude,tragédie

ironie
Dans mes ruines peu fréquentables, j'ai beau faire un pied de nez à tous ces bâtisseurs d'édifices du savoir ou de maisons de l'être - j'ai honte devant celui qui refuse les murs, comme toute construction viabilisée, et vit dans un Ouvert, aux sommets d'une sensibilité (Nietzsche) ou d'une intelligence (Valéry), ou bien devant celui qui, dès qu'il voit une pierre, veut l'attacher à son cou (Cioran). C'est le culte d'un Chaos – sentimental, mental ou verbal ; chaos voulant dire un Grand Ouvert, celui qui était au Commencement (Hésiode) !
auteur,commencement,esprit,être,honte,intelligence,ouvert,savoir

ironie
L’ironie et la pitié animent la réalité ; l’intensité et la noblesse animent le rêve. Nietzsche, homme du rêve, intense et noble, s’éloigne de Wagner, puisque celui-ci ignore l’ironie en tout, y compris dans le rêve ; il s’éloigne de Schopenhauer, puisque celui-ci penche pour la pitié, aux dépens du rêve.
intensité,noblesse,pitié,réalité,rêve

ironie
Chez les scientifiques, règne la jalousie, d’où leur propension au fratricide ; les artistes tiennent à leur absolue originalité, d’où leur penchant pour le parricide. Les plus honnêtes finissent par en avoir une honte inexpiable, comme Cioran, après ses pitoyables attaques de Nietzsche et de Valéry.
art,honte,inconnu,lutte,science,voix

ironie
La banalité des exercices philologiques du jeune Nietzsche lui inspira une sainte horreur du genre discursif – il se voua au culte des commencements non-développables, puisqu’il aima l’éternité, qui est la négligence du temps, celui qui accompagne tous les parcours cohérents. La métaphore de retour éternel résume cet état d’âme et aurait pu s’appeler commencements hors précédents ou maximes, toujours recommencées ! L’auteur n’est fidèle qu’à lui-même ; c’est, donc, un retour du même, et aucune apocatastase n’y est visée.
chemin,commencement,discursif,éternité,maxime,métaphore,retour,temps

ironie
Quand je vois la misère de nos philosophes académiques et la paisible cohabitation de leurs pensées avec les visions les plus médiocres et grégaires de la majorité robotisée, je me dis que Nietzsche n'avait pas si tort que ça, en prophétisant que les philosophes seront, un jour, maîtres de la Terre, en coalition avec la foule.
auteur,école,idée,maîtrise,modernité,mouton,philosophie,robot

ironie
Je cherche des défauts, communs à Nietzsche, Valéry et Cioran, et je trouve – l’absence d’ironie et l’orgueilleux parricide. Ce qui m’aida à ne pas tomber dans un épigonat.
auteur,erreur

schlegel f.
Ironie ist klares Bewußtsein des unendlich vollen Chaos.

L'ironie est la conscience d'un chaos inépuisable.
ironie
L'intelligence est notre épuisable faculté d'harmoniser le chaos. Une fois aux frontières d'un chaos maîtrisé, elle arrive soit au vide de l'attendu, soit à l'ennui de l'entendu ; en se débarrassant du ballast ou de la platitude du sérieux, elle s'accroche à l'ironie, prometteuse de hauteurs et d'apesanteurs. C'est ton étoile qui te remplit de chaos ; celui qui a besoin du chaos, pour enfanter de son étoile (Nietzsche), finira en fausses couches.
balance,commencement,ennui,esprit,étoile,inconnu,intelligence,ordre,platitude,vide,…

nietzsche f.
Der Zweck der Ironie ist Demütigung, Beschämung.

Le but de l'ironie, ce sont la perte d'assurance et la honte.
ironie
L'arrogance et la conscience tranquille seraient donc ses cibles - surprenant et juste ! Rien n'est définitivement perdu pour l'homme, qui porte haut ses hontes.
acquiescement,angoisse,conscience,étonnement,flèche,honte

nietzsche f.
Das tiefe deutsche Überlegen ist oft nichts anderes als ein schmerzliches Verdauen.

La profonde réflexion allemande n'est souvent qu'une pénible digestion.
ironie
Vu d'une époque, où, surtout, on mâche et remâche, en n'avalant que pour remplir des cases d'une mémoire mécanique, - digérer ne me paraît pas si ennuyeux. Bien que je reste partisan inconditionnel de goûter.
allemagne,auteur,filtre,goût,hauteur,mémoire,modernité,raison,robot

cioran é.
L'ironie est le masque qu'emprunte la pitié de soi-même.
ironie
Les orgueilleux portent leur pitié aux autres, sans masque, tous crocs dehors. Le contraire de l'ironie est le visage découvert. Rappelle-toi, que le pathos du oui nietzschéen ne s'arrêtait qu'aux deux anicroches : la pitié et l'ironie, le tragique et le comique. Formant, souvent, une balançoire : « Il se vante, je l'abaisse ; il s'abaisse, je le vante »* - Pascal. Je me proclame grand - et, tout de suite, ma misère m'inonde ; je reconnais ma misère - et une grandeur insoupçonnée monte à mes yeux baissés.
acquiescement,auteur,gloire,intensité,jeu,lutte,négation,pitié,soi,tragédie,…

cioran é.
Je suis un négateur assoiffé de quelque catastrophique oui.
ironie
Le oui, digne d'être articulé, est toujours passionnel, tandis que le non appartient au génie ironique. Vivre de l'un et faire un clin d'œil à l'autre est un signe des ratés ou gâcheurs. Les oui promettent des chutes ou des ascensions, mais les non garantissent une platitude. « L'astre suprême de l'Être, qu'aucun Non ne souille »** - Nietzsche - « Höchstes Gestirn des Seins! – das kein Nein befleckt ».
acquiescement,amour,défaite,esprit,étoile,hauteur,intensité,platitude,vie

baudrillard j.
L'ironie de la fatalité est plus grande que celle du hasard, ce qui la rend plus hautaine et plus séduisante.
ironie
Avec l'espérance, fille de la fatalité, on peut fêter la hauteur ; avec le désespoir, bâtard du hasard, on porte le deuil de la bassesse. Certains (Nietzsche) rêvent de jumeaux : le désespoir le plus profond précédant la plus haute espérance. « Toute pensée profonde doit commencer par le désespoir »*** - Chestov - « Всякая глубокая мысль должна начинаться с отчаяния ».
bassesse,caresse,espérance,fanatisme,hauteur,jeu

debray r.
Quelle force que de n'avoir jamais cédé à l'espoir.
ironie
Surtout quand on n'est pas assez pusillanime, pour combattre le désespoir. Par sa volonté de puissance, Nietzsche défendit bien la vie contre le désespoir, la souffrance, la satiété, mais succomba à l'invasion par la solitude. Solitude, ce point de départ d'un nouveau cercle vicieux ou du même éternel retour : du soi connu qui se désespère - vers le soi inconnu qui espère, et de cette duplicité naît la volonté de puissance, la volonté d'authenticité cédant à la volonté d'invention.
audace,authenticité,commencement,ennui,espérance,éternité,force,intensité,lutte,retour,…

mot
Quel beau paradoxe : le maître du mot, Valéry, est l'auteur des idées les plus profondes ; ceux qui se consacrent entièrement aux idées (Platon, Nietzsche, Heidegger) ne laissent derrière eux que de belles métaphores !
idée,métaphore,paradoxe

mot
Le mot devient littéraire, lorsqu'il ne s'identifie plus ni avec la chose ni avec le concept. Ce troisième univers, ce refuge des mots exilés, la Métaphorie Intérieure, a ses propres horizons et ses propres raisons. Le concept serait une métaphore fixe (« usuelle Metapher » de Nietzsche). « Tous les termes philosophiques sont des métaphores, des analogies figées »* - H.Arendt - « Alle philosophischen Termini sind Metaphern, erstarrte Analogien » - la philosophie ne peut donc être que poétique. Et que des prosateurs invétérés continuent leurs misérables mises en garde : « Que le philosophe se méfie de métaphores » - Berkeley - « A metaphoris autem abstinendus philosophus ».
art,exil,étoile,idée,métaphore,philosophie,poésie,représentation

mot
Les plus belles pensées ne seraient que des regards (Er-eignis - Er-äugnis - Nietzsche) et non pas des événements (qui, étrangement, nous dévoient vers le de-venir ou vers l'être - со-бытие - le co-être, ou vers leur fusion dans le soi, qui serait un événement d'appropriation : Er-eignis der Er-eignung - Heidegger - un joli jeu de mots, en allemand, et un impossible charabia en français). « Le regard, c'est une flèche visuelle décochée vers l'infini »*** - Ortega y Gasset - « Mirar es disparar la flecha visual al infinito » - c'est l'absence des choses qui fait de l'infini une vraie cible. Dieu même, au moins le Dieu des Grecs, hésite entre le regard (theoro - je vois) et l'action (theo - je cours).
absurde,action,allemagne,commencement,contrainte,dieu,être,flèche,grèce,idée,…

mot
Je me sens porteur d'une musique, mais je dois la confier aux mots. On peut avoir une idée du désastre en tombant sur d'effarants livrets accompagnant les meilleurs morceaux de Mozart ou Tchaïkovsky. Les arpèges des mots sont souvent souillure d'une partition vitale. Mais la pensée est contre-indiquée à la musique, comme à la poésie ; écoutez du Nietzsche, du Marx ou du Platon, mis en musique par G.Mahler, Prokofiev ou Satie.
ange,auteur,défaite,intelligence,musique,poésie

mot
Le déclin devrait signifier perte de la hauteur et effondrement dans la platitude, dévitalisation du vouloir du rêve et la robotisation de la volonté de puissance – le contraire de la vision nietzschéenne.
défaite,force,hauteur,intensité,négation,platitude,rêve,robot,valoir,vie

mot
L'intuition gréco-latine, tout en ignorant le nombre zéro, nous a composé quelques hosannas lyriques au néant. Semblablement, l'imagerie allemande du devenir doit beaucoup à l'emploi auxiliaire de ce verbe. Dieu est dans l'opération et non pas dans les opérandes, et donc son devenir est son être - et le retour éternel de Nietzsche est le devenir, avec la même ambition.
allemagne,éternité,être,grèce,retour

mot
Encore une aberration dimensionnelle d'origine teutonne - l'image d'abîme (Abgrund), associée, bêtement, à la recherche de causes premières (Grund). Kant et Nietzsche passèrent par là, pour nous détourner de la hauteur, cette vraie source, qui entretient les meilleures soifs.
allemagne,axe,commencement,hauteur,soif

mot
Du minimum au maximum : la maxime, qui se fixe au firmament, part d'aphorisme (apo-horizon), qui s'arrache à l'horizon, et passe par apo-phthegme, redresseur des mots, pour devenir une forme de l'éternité (die Formen der Ewigkeit - Nietzsche).
éternité,étoile,grèce,maxime,style

mot
Comment comprennent-ils la puissance nietzschéenne ? S'agit-il de pouvoir faire quelque chose ? De faire (die Macht, de machen - faire) quelque chose ? De posséder (власть, de владеть – posséder) quelque chose ?
action,force,maîtrise,philosophie

mot
Hölderlin et Heidegger ont tort d'opposer le pathos sacré de la quête grecque à la sobriété junonienne du don de représentation - ce sont deux dons incomparables, l'un artistique et l'autre intellectuel, l'un langagier et l'autre conceptuel. Nietzsche trouve une opposition plus juste entre deux types d'art, entre deux genres de pathos : Apollon et Dionysos (ou Raphaël et Michel-Ange).
art,grèce,idée,langue,représentation,sacré,sentiment

mot
Tout ce que voit un sot a déjà un nom ; le sot est privé de regard. La vue, c'est la connaissance, le regard, c'est la reconnaissance. Le regard est la vision des choses innommées : « Voir ce qui n'a pas encore de nom, bien qu'offert à tous les yeux »** - Nietzsche - « Etwas sehen, das noch keinen Namen trägt, ob es gleich vor Aller Augen liegt ».
intelligence,regard,savoir

mot
Ni l'intelligence ni le savoir ni la conscience ni la rigueur ne sont pré-conditions d'un discours philosophique ; son unique élément est le langage, qui est à la fois contrainte et ressource ; tout s'y formule en termes d'un vocabulaire et non pas en concepts ; les rares à l'avoir compris : Héraclite, Nietzsche, Heidegger.
contrainte,idée,intelligence,langue,savoir

mot
Marc-Aurèle, Nietzsche, Valéry, Heidegger, S.Weil, par leur goût philologique, me donnaient l'envie de devenir Grec ; mon échec est peut-être le plus grand regret linguistique de ma vie.
auteur,école,goût,grèce

mot
On bâille ferme, lorsque le philosophe ne parle que de philosophie, ou le philologue - que de philologie ; c'est l'intérêt ou la volonté que le philosophe tourne vers la forme langagière ou le philologue - vers le fond conceptuel, qui sont plus prometteurs. Ce qui est curieux, c'est que l'incompétence ne gêne en rien les philologues (Nietzsche, Heidegger) et ridiculise - les philosophes (Wittgenstein, Foucault).
idée,langue,philosophie,savoir,style

mot
Pourquoi ordre, en français, veut dire aussi bien un bon rangement, qu'une consigne ? Tant d'ordres furent donnés pour ne créer que du désordre chez l'adversaire ! Et qu'entend un Français dans volonté comme ordre, de Nietzsche ?
france,lutte,ordre,valoir

mot
Un immense tempérament et une immense intelligence, Nietzsche et Valéry, abordèrent toutes les questions de la philosophie académique, en les débarrassant de tout verbalisme, argumentatif ou narratif, dans lequel nagent les philosophes logorrhéiques, et en n'exhibant que des métaphores. Tout contenu se réduisant aux mots, s'opposant aux tropes ou concepts, est bête. Et il n'existe pas de concepts philosophiques, il n'y en a que de vagues notions.
école,esprit,idée,intelligence,langue,métaphore,philosophie

mot
Je m'évertue à projeter la grande triade - la noblesse, l'intelligence, la beauté - sur l'idée platonicienne, sur la valeur nietzschéenne, sur l'être heideggérien - je ne parviens pas à la même harmonie, que me procure le mot. Dans tout ce qui est grand, la forme domine le fond.
auteur,axe,beauté,esprit,grandeur,idée,intelligence,noblesse,style,valoir

mot
On a raison de traiter les adjectifs en valets de chambre ou écuyers, accompagnant leurs chevaliers jusque dans la bataille. D'où le secret de l'écriture chevaleresque de Hemingway, où l'adjectif est presque invisible ! Rares sont les adjectifs qui auraient du panache, justifiant un ralliement ou une poursuite. Et la bataille, c'est le verbe : Nabokov rêvait d'une littérature, où le verbe affronterait l'adjectif. C'est dans la folie que le bon goût lexical se manifeste le mieux : l'intensité de Nietzsche part, presque exclusivement, des beaux noms, élancés vers la hauteur, tandis que chez un Artaud se démènent les adjectifs, nous entraînant dans des abîmes, ses fausses profondeurs.
amour,folie,goût,hauteur,intensité,lutte,mélancolie,moyen âge,noblesse,réalité

mot
Il existe bien un parallèle profond entre l'interprétation de l'être du monde et l'interprétation d'un discours, intelligent et original : dans les deux cas, on peut, techniquement, faire abstraction du créateur et reconstruire son propre arbre de connaissances ; mais les créateurs ont leur propre arbre, mystique ou artistique, présent derrière tout phénomène et tout mot, avec tant de belles inconnues, qui n'appellent qu'à être unifiées avec des branches interprétatives ; donc, pas de belles interprétations sans grandes représentations ; le monde ne peut pas se réduire à son interprétation, comme le veut Nietzsche.
arbre,art,création,être,interprétation,langue,maîtrise,mystère,nature,représentation,…

mot
Les disputes philosophiques les plus passionnantes se déroulent autour des mots et non pas des concepts. Nietzsche voue de belles véhémences au mot nihiliste, avant d'en forger le concept et de s'y reconnaître soi-même. Tant de ses appels pathétiques à être impitoyable (dans les mots), avant d'être terrassé par la pitié (un concept) pour un cheval.
folie,idée,lutte,philosophie,pitié

mot
Le poétique et le sacré furent les premiers symboles que l'homme coucha sur papier. « La première langue a dû être hiéroglyphique, pour les caractères sacrés, la deuxième, symbolique, pour les caractères héroïques, la troisième, épistolaire, pour les caractères conventionnels » - G.B.Vico - « La prima lingua - geroglifica ovvero per caratteri sagri, la seconda - simbolica o per caratteri eroici, la terza - epistolare o per caratteri convenuti ». Ces trois étapes, niveaux ou états – divin, poétique, humain - furent fusionnés par Nietzsche dans l'éternel retour, où cohabitent la mort de Dieu, la réduction de la vie à l'art, le surgissement du surhumain.
dieu,éternité,hommes,langue,poésie,retour,sacré

mot
La majorité des philosophes pensent que « ce qui caractérise tout savoir humain est qu'il est lié à la langue » - F.Schlegel - « das charakteristische Kennzeichen alles menschlichen Wissens, daß es an die Sprache gebunden ist ». Ils se trompent de sens de cette liaison : ce n'est pas le savoir qui est lié à la langue, c'est la langue qui se colle, qui se met par-dessus le savoir. Le savoir est assertif, la langue - interrogative. « La langue, porteuse d'opinions et non pas de savoir »** - Nietzsche - « Die Sprache will nur eine doxa, keine épistémé tragen ».
langue,question,savoir

mot
Les grammaires s'adaptent aux représentations, et presque jamais l'inverse, comme le pense, pourtant, Nietzsche : « Le plus vieux fonds métaphysique s'est incorporé aux catégories grammaticales » - « Der älteste Bestand von Metaphysik verleibt sich in den grammatischen Kategorien ». Ce fonds, quand il est profond, ne porte presque aucune trace des langues.
langue,philosophie,représentation

mot
Chez l'intellectuel, le concept naît avant le mot ; mais, à partir du mot, l'artiste peut être entraîné vers des métaphores, n'ayant rien à voir avec le concept initial. C'est ce qui arriva au retour de Nietzsche : en tant que concept, il devait désigner une cohabitation, une conversion des antonymes éthiques au même statut de matière première artistique, mais de méchantes métaphores entraînèrent Nietzsche jusque dans des sabliers à retourner.
art,bien,concept,langue,métaphore

mot
La compréhension des thèses d'un auteur se détermine par le choix de leurs négations (ou antonymes). Prenez, par exemple, Nietzsche, le contraire de danser ou vibrer - maîtriser, de l'Éternel Retour - le gain en maîtrise, du surhomme - le maître de soi. N'oublions pas, que les sept péchés capitaux ne sont pas des négations des sept vertus. Et qu'en grec, la vérité (aléthéia ou amen) serait opposée à l'oubli ou au commencement, et exister (ek-sister) - à rester en soi-même.
commencement,danse,éternité,être,grandeur,grèce,maîtrise,négation,retour,soi,…

mot
Trois grands stylistes – Nietzsche, Valéry, Cioran. C'est en soulevant leurs mots qu'on découvre la source la plus importante du plaisir reçu : chez le premier, on tombe sur la noblesse, donnant du vertige ; chez le second, enchante l'intelligence, on est séduit ; chez le troisième, on reste avec le mot lui-même, dans le pur plaisir musical.
ange,bonheur,intelligence,musique,noblesse,sentiment

mot
L'exemple le plus convaincant de la domination du mot sur l'idée est apporté par Nietzsche : quand on maîtrise le mot, c'est à dire la métaphore, le ton, la mélodie, l'harmonie, le timbre, on peut se permettre de tirer au sort n'importe quelle idée (et même l'appeler, le plus gravement du monde, la pensée la plus grande) et de l'habiller avec ce que la haute couture verbale daigne d'offrir. N'empêche que certains visionnaires (tel Heidegger) pourront disserter sur la beauté du corps, devinée derrière les plis du langage.
idée,langue,maîtrise,métaphore,musique

mot
Le mot éternel, en philosophie, signifie l’aspect trans-historique, la sortie hors du temps, d’où l’éternel retour nietzschéen, résultant de la métamorphose du devenir, auquel le créateur affecte l’intensité de l’être, le retour égalisant les dates et ennoblissant les lieux. Il ne restera à la dimension temporelle que le culte des commencements, ce culte de la personnalité et de la hauteur, et que Nietzsche appellera volonté de puissance.
axe,commencement,création,éternité,être,force,hauteur,histoire,intensité,noblesse,…

mot
En allemand et en russe, la surabondance de moyens morphologiques et rythmiques rend trop facile l'illusion de pensées profondes ou de vaste lyrisme. En français, les contraintes stylistiques excluent du Parnasse les inhabitués des hauts sentiers. On reconnaît l'élite par la place qu'elle accorde aux contraintes. Nietzsche et Pouchkine sont d'heureux exemples de l'application de contraintes à la française aux moyens expressifs de leurs langues maternelles.
allemagne,contrainte,élite,france,hauteur,idée,poésie,russie,style

mot
Dans le discours sur les connaissances, la question centrale est la distinction entre ce qui est conceptuel et ce qui est langagier ; on n'a pas besoin d'une vaste culture philosophique, et encore moins d'une culture linguistique, pour en juger ; seul un poète, doué d'une intuition philosophique et de quelque savoir technique, peut en dresser un tableau intéressant. À l'opposé, ni Kant, ni Hegel, ni Nietzsche, ni Wittgenstein, ni Heidegger n'eurent jamais une intuition linguistique valable, pour formuler une théorie complète des connaissances, sans parler des Anciens, chez qui, la-dessus, on ne lit que des balbutiements. Seul le grand Valéry fut lucide, avec ses états mentaux et sa vision des substitutions.
antiquité,arbre,culture,idée,langue,philosophie,poésie,savoir,système

mot
La nature humaine se réduit au quadriparti nietzschéen – l’homme, les hommes, le sous-homme, le surhomme – et elle se traduit nettement dans le contenu de toute création artistique, qui ne peut être qu’un dialogue, dans lequel l’homme (mon soi connu) s’exprime soit devant le surhomme (mon soi inconnu, Dieu), soit devant le sous-homme (le contemporain, le pair), soit devant les hommes (le clan, la tradition). Dans tous les cas on vise le feu, mais qui ne se maintient, aérien, qu’avec des aliments purs – le cas de Dieu en tant qu’inspirateur muet, une ouïe, un songe. Le dia-logue, avec deux autres dégénère en diarrhée aqueuse des sous-hommes ou en logorrhée terre-à-terre des hommes.
art,création,dieu,éléments,hommes,inconnu,langue,modernité,ouïe,rêve,…

mot
Une maxime ne peut pas contenir, simultanément, une question et une réponse, puisque celles-ci se formulent dans deux langages incompatibles. La grandeur aphoristique de Dostoïevsky et de Nietzsche : le premier ne formule que des questions, et le second – que des réponses ! Plus précisément, les réponses du premier et les questions du second sont sans intérêt.
grandeur,langue,maxime,question

mot
Les termes de géométrie ou de psychologie, auraient pu nous renvoyer à l’invention d’unités de mesure ou à l’écoute de l’âme – deux nobles activités. Mais si Spinoza ignore tout de cette lecture, Nietzsche l’accepte et l’applique.
âme,balance,concept,interprétation,noblesse,ouïe,science

mot
Le défaut d'intelligence le plus irrécupérable est l'ignorance en matière langagière. Ce qui explique beaucoup de faux pas de Platon, de Foucault, de Cioran. Et ce qui met en valeur l'éclat de St-Augustin, de Nietzsche, de Valéry.
erreur,intelligence,langue

mot
En allemand, le terme pseudo-philosophique d’absolu (das Unbedingte) renvoie au dé-chosifié, à l’inconditionnel. La lourdeur kantienne et le délire hégélien sont passés par là. Nietzsche, qui qualifiait de malade tout ce qui ne se rangeait pas du côté de la force, est trop radical : « L’extase ironique est signe d’une santé ; tout absolu est dans le pathologique » - « Die Spottlust ist ein Anzeichen der Gesundheit : alles Unbedingte gehört in die Pathologie ».
allemagne,folie,force,ironie,langue,philosophie,sacré

mot
Ce que j’appelle rêve, Nietzsche l’appelle vie ; c’est pourquoi, pour lui, triompher de la réalité, c’est vivre, et pour moi - rêver.
auteur,réalité,rêve,vie

gracián b.
Tres eses hacen dichoso : santo, sano y sabio.

Trois s rendent heureux : saint, sain et sage.
mot
Dès qu'on leur ajoute un s final, ils deviennent aussi banals que pécheur, corrompu ou bête. Le nombre sauve de l'ombre. À comparer avec quatre s du parfait amour de Calderón : sage, seul, serviable et secret, où le duel sauve le pluriel. Trois s tournés vers l'âme en appelle le salut : son, soin, souci - musique, pathologie, intelligence. Trois W de Nietzsche, mères de l'être : Wahn, Wille, Wehe - accès (crise), succès (volonté), excès (douleur).
âme,amour,balance,consolation,esprit,être,intelligence,musique,ombre,philosophie,…

nietzsche f.
Ich fürchte, daß wir Gott nicht loswerden, solange wir noch an die Grammatik glauben.

J'ai peur qu'on n'arrive pas à se débarrasser de Dieu parce qu'on continue à croire en grammaire.
mot
Pourtant, c'est l'existence même des excellents analyseurs sémantiques de la langue qui témoigne de la présence d'un excellent synthétiseur mystique du Verbe.
dieu,ironie,langue,mystère

nietzsche f.
An dem Bau der Begriffe, der Begräbnisstätte der Anschauung, arbeitet die Sprache.

La langue contribue à échafauder des concepts, cette tombe du regard.
mot
Le regard ne doit que très peu au choix des concepts, choix, qui ne doit presque rien à la langue. C'est, d'ailleurs, l'une des définitions même du regard que d'être indépendant du libre arbitre du concepteur. La mise au tombeau du regard, c'est l'oubli du langage et l'auto-identification avec les concepts.
idée,langue,nihilisme,raison,regard,représentation

cioran é.
Tout mot est un mot de trop.
mot
Vivre du superflu (le mot déplacé ou le regard intempestif, unzeitmäßig - Nietzsche) fut toujours le privilège des fanatiques subtils et irréductibles, vivant de l'unification des branches chargées de feuilles inconnues. « De trop : le seul rapport entre les arbres dont l'arbitraire ne morde plus sur les choses » - Sartre.
arbre,fanatisme,goût,nécessité,réalité,simplicité

noblesse
On ne peut atteindre la hauteur, mais seulement s'en laisser guider, pour comprendre, qu'aucune idée, aucun geste, aucune parole, aucun état d'âme ne peut prétendre se trouver à un acmé insurpassable, et qu'il existe toujours des objets invisibles, bien plus hauts que tout ce qui se montra déjà. « Ce qui est le plus haut doit n'être qu'un symbole de ce qui est encore plus haut »** - Nietzsche - « Das Höchste muß immer nur ein Symbol des noch Höhern sein ». Garder la tête bien bas aide à se douter de l'existence des hauteurs : « Ceux qui surpassent leur époque, vont souvent tête basse »* - S.Lec.
acquiescement,action,hauteur,idée,inconnu,mot,style,temps

noblesse
Quelle niaiserie, ce projet du jeune Nietzsche de transvaluer les valeurs (umwerthen alle Werthe) ! Toutes les bonnes valeurs furent déjà exhumées et exhibées ; il s'agit de les munir de bons vecteurs, aimantés par l'ironie et la noblesse, et de finir par substituer aux flèches – des axes, chargés d'une même intensité – voilà l'éternel retour !
axe,balance,flèche,grandeur,hauteur,intensité,ironie,retour

noblesse
Toute âme d'exception est dans un déséquilibre, étant expression d'une seule des extrémités humaines - l'ampleur, la profondeur, la hauteur ; mais notre esprit a besoin d'équilibre, pour agir et créer ; à l'étranger, on découvre l'illusion d'une dimension complémentaire : « En Italie, Goethe cherche la profondeur des liaisons, Nietzsche - la hauteur des libertés » - S.Zweig - « In Italien, Goethe sucht tiefere Zusammenhänge, Nietzsche - höhere Freiheiten » - même si l'auteur s'y trompe de direction recherchée par ses protagonistes.
action,âme,axe,création,esprit,hauteur,italie,liberté

noblesse
L'interminable série de défaites de la noblesse par plagiats-perversions : Héraclite voue la philosophie au discours poétique, et Parménide l'encanaille dans une logique bancale ; Pythagore cultive une lumineuse mystique du nombre, et les éléatiques récoltent une casuistique des ombres ; Lao Tseu place le tao dans une inaction altière, et Confucius l'embrigade dans de bas rites ; Platon hisse l'idée lyrique hors du sol, et Aristote la souille par un enracinement empirique ; le cynique prône le mépris hautain, et le stoïcien bassement l'arraisonne ; les murs de Jésus ne convainquent personne, mais les portes des églises rameutent ; la mystique d'une Déité de Maître Eckhart sombre dans le charlatanisme de l'Unité de Nicolas de Cuse ; Kant trouve, pour le savoir divin, un refuge dans la transcendance, et Hegel le réduit à l'état de caserne dialectique ; Nietzsche s'ouvre à l'ivresse des sens, et Heidegger l'évente dans la sobriété de l'être et de l'essence.
action,christianisme,défaite,être,haine,idée,intensité,mouton,mystère,philosophie,…

noblesse
Devant « les flèches du désir vers l'autre rive » - « Pfeile der Sehnsucht nach dem andern Ufer » se voir « un pont et non un but » (« eine Brücke und kein Zweck ») - Nietzsche - c'est toujours de la voirie aménageant l'accès d'étables. À moins que le pont soit l'origine, et non pas un but, des rives. Je préfère un débordement de l'âme me mettant au pied d'un arbre, où je puis bander mon arc, sans décocher de flèches.
âme,arbre,auteur,commencement,contrainte,élan,flèche,mouton

noblesse
Ma hauteur atopique est assez proche de l'intensité physique (Nietzsche), mais je crois, que le seul point d'arrivée non dérisoire d'une intensité est bien la hauteur, ce qui entretient la stridence, initiale ou finale. De l'état de glace à l'état de grâce, sans s'attarder à l'état de race.
auteur,commencement,élite,grâce,hauteur,intensité,sentiment

noblesse
Le cycle vital : l'écoute stoïque de tout courant de la vie (libido sciendi), le désir de puissance artistique (libido dominandi), l'aristocratique regard, baignant dans la pitié et la honte (libido sentiendi). Nietzsche n'accomplit que la moitié du parcours, prenant trop à la lettre les substantifs, se trompant systématiquement d'adjectif et oubliant le verbe !
art,élan,erreur,force,honte,langue,maîtrise,pitié,retour,savoir,…

noblesse
On s'imagine Nietzsche en surhomme, tandis qu'il est, si nettement, le dernier homme, tel qu'il le décrit lui-même, en train de poser les meilleures des questions : « Qu'est-ce que l'amour ? Qu'est-ce que la création ? Qu'est ce que le désir ? Qu'est-ce que l'étoile ? » - « Was ist Liebe ? Was ist Schöpfung ? Was ist Sehnsucht ? Was ist Stern ? ». Avec ses réponses, le surhomme, succédant au Dieu mort, est aussi peu crédible que son prédécesseur.
amour,création,dieu,élan,étoile,force,mort,question

noblesse
Trois niveaux de nihilisme : l'ontologique - nier l'être des choses réelles (les platoniciens), le fiduciaire - croire, que tout créateur doit partir de ses propres modèles de la réalité (les Russes), l’herméneutique - exclure tout lien entre le réel et le représenté (les phénoménologues) ; Nietzsche condamne le premier et le troisième, mais il est, lui-même, nihiliste, dans le deuxième sens, le russe.
création,être,nihilisme,réalité,représentation,russie

noblesse
Le Christ, la morale, le nihilisme ne sont pas des cibles de Nietzsche, mais des extrémités des cordes tendues, sur lesquelles s'exerce son intensité musicale ; il n'est ni négateur (comme les sots) ni dialecticien (comme les pédants), mais musicien.
christianisme,flèche,intensité,musique,nihilisme

noblesse
Dionysos fêté élégamment rejoint Apollon ; la primauté de la vie enveloppée de belles métaphores est indiscernable de l'idéalisme ; la volonté de puissance auréolée d'humiliantes défaites égalise le ressentiment et l'acquiescement ; l'Antéchrist, à l'âme haute, tend la main au Christ, à la tête basse, - quel nihiliste parfait est Nietzsche ! Et lui-même, dans des moments de lucidité, ne reconnaissait-il pas, que le nihilisme était un mode de pensée divin (eine göttliche Denkweise) ? « La métaphysique de Nietzsche est le nihilisme même » - Heidegger - « Nietzsche’s Metaphysik ist eigentlicher Nihilismus ».
âme,christianisme,défaite,éternité,fanatisme,force,grâce,hauteur,honte,idée,…

noblesse
La noblesse est un trait élémentaire, indécomposable. On y converge sur les chemins de l'ironie (pour soi-même) ou de la pitié (pour les autres) ; à leurs croisements, on devine la proximité de la noblesse. Contre-exemple : Nietzsche, ne connaissant ni l'ironie ni la pitié, et pourtant si noble.
ironie,pitié,proximité

noblesse
Personne ne chanta mieux l'ombrageuse fierté de la faiblesse que Nietzsche, mais les hommes ne retinrent de sa métaphore ironique (spöttischer Ingrimm) de surhomme (über sich selbst hinaus) que des mots de puissance et d'orgueil. Ce qui est au-dessus de l'homme, c'est la volonté et non pas la puissance ; la puissance divine, salutaire et solidaire de la faiblesse humaine, s'appelle hauteur ou surhomme.
consolation,dieu,force,gloire,grandeur,hauteur,hommes,ironie,métaphore

noblesse
Sur les axes des valeurs, Aristote cherche des commencements, Kant - des frontières, leurs épigones - leurs points préférés. Mais Nietzsche ennoblit l'axe tout entier, en le munissant d'une même intensité, qui est le fond de notre moi ; cette axiologie s'appelle l'éternel retour du même ; ce qui change en moi n'est pas moi.
axe,commencement,éternité,frontière,intensité,retour,soi

noblesse
Quand ils parlent de valeurs, le plus souvent, c'est du positivisme ou du négativisme, cohérents et systématiques, débouchant sur l'ennui ou le dogmatisme. Le négativisme devrait n'intervenir qu'en formulation de contraintes, et le positivisme n'apparaître que dans la manifestation du goût. Mais la même intensité, spirituelle ou artistique, devrait en constituer l'axe entier. La condition incontournable, pour l'entretien de cette construction, c'est la conscience et la maîtrise des ressorts poétiques du langage ; maîtrise, refusée à Parménide, Hegel ou Husserl, accordée à Nietzsche, Valery et Heidegger.
axe,contrainte,ennui,fanatisme,goût,intensité,maîtrise,mot,négation,poésie,…

noblesse
Le spectre de l'impulsion initiale, c'est ce qui distingue un homme intéressant. « Tout s'achève avec mon commencement » - T.S.Eliot - « In my beginning is my end » (ne pas croire les Chrétiens, naïfs ou hypocrites : my end is my beginning). En grec, commencer signifierait commander - volonté de puissance (pour Nietzsche, vouloir, c'est obéir au commencement, plutôt que commander la fin) ! « L'unique joie au monde, c'est de commencer » - Pavese - « ricominciare è l'unica gioia al mondo ». Ensuite, le poète, qui doit être Prince, conserve cette impulsion (« nous ne sommes pas responsables de ce qui naît en nous, mais de ce qui dure »** - Valéry), le philosophe la contrecarre par un angle de vue paradoxal, le pragmatique la rattache à la réalité. La pulsion, l'expulsion, la propulsion.
art,christianisme,commencement,élite,force,grèce,intensité,paradoxe,philosophie,poésie,…

noblesse
Une erreur de jeunesse - brandir un non retentissant ; à l'âge mûr, on se rattrape par le chant, la prière ou le silence autour d'un oui monumental, d'un acquiescement nietzschéen, qui est, en fait, un méta-acquiescement, dans un nihilisme fondé sur des principes : laisser cohabiter le oui et le non, grâce à la maîtrise simultanée de l'intensité des deux. De la valeur temporelle - au vecteur spatial, de la cible agitée – à la flèche immobile !
flèche,maîtrise,nihilisme,silence,temps

noblesse
Sub speciae aeternitatis ne naissent que des ennemis de l'éternité. Celle-ci ne fraie qu'avec l'au-delà de l'être (l'Idée du Bien) de Platon, l'extase de Plotin ou de St-Augustin, la profession de Pascal, le bon plaisir de Dostoïevsky, l'au-delà du bien et du mal (l'intensité du Beau) de Nietzsche. Bref, sub speciae absentiae.
amour,audace,beauté,bien,éternité,être,mal,ombre

noblesse
La hauteur est un pur fantasme, tel le bien (Socrate), le cogito (Descartes) ou la volonté de puissance (Nietzsche) ; ce qui se met au-dessus du corps et de l'âme, en défiant la force et la matière (qui nous attirent vers l'horizontalité). Moins qu'un cri - une mimique, un mouvement littéraire (Valéry).
âme,bien,force,hauteur,matière,platitude

noblesse
Je porte en moi quatre acteurs : un homme secret, un condensé des hommes, un sur-homme potentiel et un sous-homme actuel (les quatre masques antiques portés par tout humain). Le surhomme serait-il ce dieu intérieur, sur lequel doit veiller le philosophe - Marc-Aurèle ? Et surmonter l'homme mystérieux - quel beau programme pour celui qui vit du rêve ! Avoir surmonté tous les quatre, c'est être poète ; c'est ce que fit Rilke, en surmontant Nietzsche !
grandeur,jeu,mouton,mystère,philosophie,poésie,rêve

noblesse
Plus réduite est la multitude, contre laquelle je tempête, plus fière sera ma pose de colérique. Commencer par fulminer contre une élite, et bientôt mon arc n'aura plus besoin de flèches. Pointer une cible brillante plutôt que canonner un monstre excessivement mat. Comme Valéry pestant contre Pascal, ou Cioran - contre Valéry (ou Nietzsche - mal avalant son ressentiment face à Socrate, au Christ ou à Wagner).
auteur,christianisme,élite,flèche,lutte,mouton,pose,révolte

noblesse
Tenir à la hauteur, c'est ignorer les mesures de la bassesse ; le pathos de la distance (Nietzsche - Pathos der Distanz), lui, se maintient souvent grâce au poids qu'exhibe le haut, poids qu'il calcule en unités du bas.
balance,bassesse,hauteur,intensité,proximité

noblesse
Les plus fraternels incitants, c’est R.Debray qui me les offrit ; les plus savoureux des aliments, c'est chez Valery que j'en déguste ; les plus flamboyants des excitants, c'est Nietzsche qui m'en charge ; mais ce sont mon goût et mes appétits qui les commandent ou décommandent à ma table ; et je reste, volontairement, sur ma faim, cet état béni de mon corps et de mon âme.
âme,auteur,commencement,fraternité,goût,soif,voix

noblesse
Constat désabusé : toute tentative de réduire la source d'enthousiasme au feu (le geste), à la terre (la mémoire), à l'eau (la vie) - échoue. Il ne reste, pour tout ce qui se veut ailé, que son élément naturel - l'air (le rêve), pour être porté non pas comme la lumière, mais comme le son. « L'élément de la parole est l'air, le médium vital le plus spirituel et le plus universel » - Feuerbach - « Das Element des Wortes ist die Luft, das spirituellste und allgemeinste Lebensmedium ». L'air, symbole de la verticalité, représenté, dans l'Antiquité, par une ligne verticale, les autres éléments étant réduits à la plate géométrie de carré, de zigzag et de spirale ; l'air de la hauteur, l'air tonique (eine Luft der Höhe, eine starke Luft - Nietzsche).
bonheur,commencement,éléments,enthousiasme,intensité,mémoire,musique,nature,ombre,universel

noblesse
Le sur-moi freudien est plutôt un sous-moi, puisque la psychologie des profondeurs est, en réalité, une psychologie de la bassesse ; la psychologie du souterrain fut créée par Dostoïevsky, avec son sous-homme, et celle de la hauteur - par Nietzsche, avec son surhomme.
bassesse,hauteur,ruines,soi

noblesse
La seule philosophie, à laquelle j'adhérerais, est la philosophie de la noblesse, dont la première pierre fut posée par Nietzsche (celles de l'ironie, vers soi-même, et de la pitié, pour l'homme, attendent leur architecte). Les stoïciens, épicuriens, cyniques ou sceptiques s'occupent du sous-homme, qui devrait tenir la tête haute ; l'aristocrate cultive l'homme à l'âme haute.
âme,ironie,philosophie,pitié,platitude

noblesse
La majorité des sages étale devant la raison même des litanies élogieuses. Quelques rares poètes (Nietzsche) en chantent la vitesse (l'intensité), mais c'est son accélération (le vertige) qu'il faudrait mettre en musique. Les dérivées de la raison, plutôt que la raison elle-même. À la raison panoramique opposer le regard hiératique, vertical.
hauteur,intensité,musique,poésie,raison,regard,sacré

noblesse
Associer à la hauteur la lumière - l'erreur, partagée même par Nietzsche (qui, en plus, associe les ténèbres - à la profondeur, qui est lumière même ! Pline l'Ancien commet la même erreur : « La profondeur des ténèbres, où tu puisses descendre vivant, donne la mesure de la hauteur, que tu puisses espérer d'atteindre »). La vocation de l'illuminé, de l'intérieur, par la hauteur, est d'émettre des ombres, faire de l'obombration de l'esprit au-dessus d'une vie consentante. « Le front chargé des ombres que tu formes, dans l’espoir d’un éclair »** - Valéry.
erreur,esprit,hauteur,ombre,vie

noblesse
Ce n'est ni la « durée-étendue » (Rousseau) ni l'« intensité-profondeur » (Nietzsche) des grands sentiments qui fait les grands hommes, mais l'intensité de la durée, du devenir, - la hauteur. On est ce qu'on devient, se dit l'homme d'élan ou de plume, tel fut le sens de la vie nietzschéenne, qu'il déforme lui-même dans le paradoxal : « Comment on devient ce qu'on est » - « Wie man wird was man ist » - à moins qu'il y mette simplement le comment au dessus du quoi, ce qui aurait dû donner : comment on est ce qu'on devient.
élan,être,grandeur,hauteur,intensité,sentiment

noblesse
Deux sortes d'hommes : ceux qui croient, qu'un geste ou une réflexion expriment leur fond, et ceux qui s'avouent intraduisibles. En langage de l'âme, seul le visage est et la lettre et l'esprit et le tableau. Mais tu ne prouves son authenticité et grandeur qu'en inventant un masque monumental : « La folie des grandeurs est un masque de l'homme, qui se désespère de soi-même »** - Schnitzler - « Größenwahn ist die Maske eines Menschen, der an sich selbst verzweifelt ». Et Nietzsche serait frappé de folie, puisque, un jour, il crut en soi-même : « Accordez-moi la folie, afin que je finisse par croire en moi-même ! » - « Gebt Wahnsinn, daß ich endlich an mich selber glaube ! ».
âme,authenticité,doute,espérance,folie,jeu,soi,style,voix

noblesse
En phylogenèse, la pureté précède la hauteur (Mozart et Beethoven, Pouchkine et Dostoïevsky, Schopenhauer et Nietzsche, Mallarmé et Valéry) ; en ontogenèse - plus fréquent est l'inverse.
ange,hauteur,négation

noblesse
La hauteur : ne pas m'occuper des choses, mais des places qu'elles occupent, des topoi. Si bien que, pour chasser des idoles, je n'aurais plus besoin de marteau, qui de toute façon tourna déjà en encensoir (grâce à M.Luther, Nietzsche ou R.Char), mes ruines virtuelles suffiraient pour les faire fuir vers des murailles sans hauteur.
auteur,hauteur,réalité,représentation,ruines

noblesse
Pour être un optimiste ou un pessimiste conséquent, il faut, respectivement, du courage, face à une raison brandissant des dangers, ou du courage, face à une âme brandissant des merveilles. Ou bien s'en passer, en acceptant la double incohérence d'une écriture pessimiste, dictée par une foi optimiste. Mes capitulations me mettent en contact avec la hauteur ; je me moque du « courage de celui qui regarde dans les abîmes » - Nietzsche - « wer den Abgrund sieht, hat Muth » - ce n'est pas le vertige qui le guette, mais le dégoût ou l'ennui.
âme,audace,auteur,défaite,ennui,enthousiasme,étonnement,haine,raison

noblesse
Dans l'édifice de mon âme, seuls les soubassements doivent garder leurs attaches spatiales, que je refuserai aux fenêtres et aux toits ; ainsi je me retrouverai dans des ruines nihilistes - privées d'attaches temporelles ; débarrassé de l'irréversible devenir, j'y vivrai un éternel retour de l'être atemporel, à l'opposé du Nietzsche simple, pour qui, c'est la réminiscence du devenir qui rend éternel le retour (mais c'est l'un de ces opposés que le Nietzsche complexe aime épouser avec tant d'égalisante intensité – retour du même !). On est séduit par ce « pathos universel de l'illusoire réminiscence » - Jankelevitch. Et moins je vois les attaches banales, mieux je m'attache à la grande distance.
âme,auteur,éternité,être,fanatisme,nihilisme,proximité,retour,ruines,simplicité,…

noblesse
Je prouve à la Terre passagère l'existence de mes racines par l'élan de ma cime vers le ciel éternel. En passant du végétal à l'architectural, je saurai qu'en me détachant de la Terre, je ne sauverai mes ailes déployées que par un toit entrouvert de mes ruines. Méfie-toi des murs, mures-en les fenêtres : « Que le meilleur de toi ne s'arrache pas à la Terre pour casser tes ailes contre les murs de l'éternel » - Nietzsche - « Lasst ihre Tugend nicht davon fliegen vom Irdischen und mit den Flügeln gegen ewige Wände schlagen ».
arbre,auteur,consolation,élan,éléments,éternité,étoile,ouvert,ruines

noblesse
L'égale maîtrise du ton et du fond, le cas rarissime : Platon, Dostoïevsky, Tolstoï, Heidegger. Le cas le plus fastidieux, la morne maîtrise du seul fond, sans posséder le ton, - la gent professoresque. Sa maîtrise profonde : Aristote, Kant. Les meilleurs, prenant de haut le fond, s'adonnent au ton : St-Augustin, Nietzsche, Cioran. Et l'on finit par comprendre, que la hauteur du ton crée la profondeur du fond.
école,hauteur,maîtrise,style

noblesse
Je dois avoir un thème musical unique, qui traverserait ma vie, rhapsodique ou symphonique, de part en part, tel un retour éternel, fusion du continu et du discret : « Il y va de l'intensité et non pas de la vie éternelle »** - Nietzsche - « Auf die ewige Lebendigkeit kommt es an, nicht auf das ewige Leben ».
auteur,continuité,éternité,intensité,musique,retour,vie

noblesse
Le renversement ou le retournement des valeurs, auxquels m'invitent Baudelaire ou Nietzsche, inévitablement, prendront l'aspect mécanique, comme négations ou changements de signes. Lire les valeurs des autres et les renverser est un travail ingrat et sans grâce ; il faut inventer mes propres unités de mesure, ma propre balance et ma propre lecture des empreintes d'idées et de choses.
axe,balance,hommes,idée,interprétation,négation,robot

noblesse
Ce livre fut écrit parmi les ruines du pays du gai saber (ou de la gaya scienza de Nietzsche), ce berceau de l'Europe poétique, où jadis s'entre-fécondaient le chantre, le chevalier et le libre esprit, une rencontre impensable aujourd'hui, et que j'essayai de reconstituer. À quelle hauteur l'apocalypse peut être gaie (fröhliche Apokalypse de H.Broch) ? À quelle hauteur la poésie n'a plus besoin de science ? - c'en est le vrai enjeu et non pas : « à quelle profondeur la science devint gaie » - Nietzsche - « aus welcher Tiefe heraus die Wissenschaft fröhlich geworden ist ». La métaphore troubadouresque serait le fameux masque musical, qu'aiment aussi bien la profondeur que la hauteur.
europe,hauteur,liberté,métaphore,musique,philosophie,poésie,ruines,savoir,science

noblesse
Ce que n'importe qui peut dire, il faut le taire ; ce qu'on ne peut que dire, et non pas chanter, il faut le taire ; ce qu'un autre peut chanter, ce n'est pas la peine que je le dise ; ce qui est dit ne peut pas être chanté ; il ne reste au dire qu'un champ de silences ou un commentaire du chant. Et Voltaire : « Ce qui est trop sot pour être dit, on le chante » - aurait pu ou dû mettre vague ou beau, à la place de sot, pour défier Wittgenstein ou laisser Zadig inspirer Zarathoustra : « Chante ! Ne parle plus ! » - « Singe ! Sprich nicht mehr ! ». Le silence est une contrainte, plus qu'un moyen. D'ailleurs, Zarathoustra ne parle pas, il chante !
contrainte,danse,doute,esprit,intelligence,mot,silence

noblesse
Les penseurs (Wittgenstein II, Heidegger II) nous enquiquinent avec des revirements radicaux et profonds de leurs dernières pensées ; les rêveurs (Nietzsche, Cioran) nous enthousiasment avec leur haute fidélité aux premiers émois. Algorithmes des ruptures, rythmes des signatures.
ennui,enthousiasme,esprit,musique,robot,sacrifice,sentiment

noblesse
C'est la profondeur de nos sacrifices qui déterminera la hauteur de notre fidélité. Deux éclatants exemples : Nietzsche et Pasternak, renonçant à la musique, pour atteindre les sommets de la philosophie et de la poésie.
hauteur,musique,philosophie,poésie,sacrifice

noblesse
Même la sagesse de la vie peut se formuler en tant que solution - en évaluer le prix, en tant que problème - réfléchir sur sa valeur, en tant que mystère - vibrer de son intensité (Nietzsche, la finalité), de ses vecteurs (R.Debray, les moyens) ou du vertige de sa hauteur (moi, la contrainte). La plupart des sages s'arrêtent à mi-chemin : « Si tu veux, que la vie te sourie, tu dois la doter d'un bon prix » - Goethe à Schopenhauer - « Willst du dich des Lebens freuen, so musst der Welt du Werth verleihen ».
auteur,axe,contrainte,enthousiasme,hauteur,intensité,mystère,valoir,vie

noblesse
Le dépassement, nietzschéen ou populaire, en tant que mode de propulsion vers le surhomme ou le superman, est une démarche des Fermés : en-deçà de la frontière, on peut espérer une fraternité artificielle, et au-delà - une plate satisfaction de la volonté de puissance. Ô combien plus noble est l'homme Ouvert, qui se fiche des dépassements, et vit de l'intensité de l'élan, l'attirant vers sa limite, qui ne lui appartient pas ! Chez les Fermés, tout passage à la limite les laisse avec et en eux-mêmes. Une définition d'Ouvert, mathématiquement rigoureuse, se trouve chez un poète : « Sans cesse un désir, vers ce qui n'est point lié, s'élance »** - Hölderlin - « Immer ins Ungebundene gehet eine Sehnsucht ».
artificiel,force,fraternité,frontière,ouvert,soi

noblesse
Pour défendre la liberté du Beau, Nietzsche lui sacrifie la valeur du Bien ; par souci de la liberté de l’Esprit, Valéry oublie la valeur du Beau : « La malheureuse valeur esprit ne cesse guère de baisser ». Involontairement, par des justifications psychologiques ou économiques, ils contribuèrent à l’extinction des cœurs et des âmes, et à la domination des esprits pratiques, rigoureux et bas.
bassesse,beauté,bien,cœur,esprit,liberté,sacrifice,valoir

noblesse
Les plus coriaces de toutes les valeurs, résistant à ma volonté de les juger par-delà d'elles, sont celles qui viennent des buts. Nietzsche, lui-même, y succombe : « Que veut dire le nihilisme ? - que les valeurs suprêmes se dévalorisent. Que le but fait défaut ; la réponse au 'pourquoi' » - « Was bedeutet Nihilismus ? Daß die obersten Werte sich entwerten. Es fehlt das Ziel ; es fehlt die Antwort auf das 'Warum' ». Dès que le comment et le qui du talent et de la noblesse sont organiquement là, le pourquoi de l'intelligence se manifeste presque mécaniquement.
axe,contrainte,esprit,intelligence,nihilisme,question,soi,valoir

noblesse
Garder la hauteur veut dire savoir prendre de haut même les plus nobles de mes propres emportements. Nietzsche, le plus accompli des nihilistes, « a vécu le nihilisme au fond de soi-même jusqu'au bout et le garde derrière soi, en-dessous de soi, en dehors de soi » - « hat den Nihilismus in sich zu Ende gelebt, – der ihn hinter sich, unter sich, außer sich hat ».
élan,hauteur,nihilisme,soi

noblesse
Être humble avec les buts, ironique avec les moyens et royal avec les contraintes, telle est la forme d'acquiescement à la vie ; et lorsque la contrainte porte sur la même intensité de mon regard (et non pas la multiplication d'objets regardés), elle s'appellera éternel retour : « La pensée d'éternel retour du même est la plus haute formule d'acquiescement » - Nietzsche - « Der Ewige-Wiederkunfts-Gedanke ist die höchste Formel der Bejahung ».
acquiescement,contrainte,éternité,ironie,regard,retour,vie

noblesse
Le sens de mon existence - l'intensité de mon regard, c'est à dire de mon rapport avec la vie, et qui s'atteint surtout grâce aux contraintes que je m'impose : mettre le désir au-dessus de la force (la volonté de puissance), ne pas m'attarder sur les choses, qui changent, entretenir l'excellence du regard (l'éternel retour du même), me mettre au-delà des valeurs, pour être moi-même leur vecteur (la réévaluation de toutes les valeurs) - trois synonymes du plan nietzschéen. Vie, volonté de puissance, art - comme trois hypostases d'une même substance tragique !
art,auteur,axe,contrainte,élan,éternité,force,intensité,regard,retour,…

noblesse
Quand on a une vie intérieure suffisamment intense, tout événement extérieur se vit comme un insignifiant retour du même, puisqu'il ne modifie pas l'essentiel. Ce qu'un démon hurla à Nietzsche comme un incipit tragique et banal, un ange me chanta comme un sufficit ironique et musical. Mais ce retour est éternel, puisqu'il ne concerne que des démons ou des anges, ignorant le temps et s'entourant d'être. À moins que ce soit le même personnage, puisque le démon, qui étend son acquiescement jusqu'à sa propre chute fatale, redevient ange.
ange,défaite,être,ironie,musique,négation,retour,temps,tragédie

noblesse
Tous, aujourd'hui, ne s'occupent que de faire marcher les rouages d'une vie commune ; ils oublièrent la danse, qui ne naît qu'au fond de nous-mêmes, puisqu'ils n'écoutent que le forum. Seuls les poètes se désolent, « quand on n'a plus assez de musique en soi pour faire danser la vie… » - Céline. Tant et si bien que le danseur se mue en calculateur. Nous aurions dû habituer la vie à notre cacophonie dès le plus jeune âge. « Il faut porter un chaos en soi, d'où peut émerger une étoile qui danse »* - Nietzsche - « Man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können ». La danse est à la marche ce que le chant est à la parole ou la poésie à la prose ou encore l'écriture en hauteur à l'écriture en longueur. Le bruit de fond, face à la musique, de pure forme.
danse,enfance,musique,ordre,poésie,raison,soi,style,vie

noblesse
En l'absence des autres, je me place, spontanément, aux extrémités de tous les axes de valeurs ; mais mes superlatifs s'effondrent à toute épreuve du comparatif. Être dans la vie ou dans l'art, parfois, surtout si l'on n'est pas Nietzsche, s'excluent : « Je compare, donc je vis » - Mandelstam - « Я сравниваю — значит, я живу ». Il faut savoir choisir entre le regard et le poids : « Quand je me considère, je me désole ; quand je me compare, je me console » - Talleyrand. Dans considérer, on sent la présence des astres ; dans comparer, gît une égalité des pareils. « Si je me considère, je m'annule » - Valéry. Le soi connu, dont il est question ici, est, en effet, source de nos hontes, il est dans le comparatif ; le superlatif ne s'applique qu'au soi inconnu, dont on dit : « Humble quand je me compare, inconnu quand je me considère »*** - Tsvétaeva.
acquiescement,auteur,balance,consolation,égalité,honte,inconnu,regard,soi,vie

noblesse
À l'origine de l'axiologie nietzschéenne se trouve cette magnifique remarque de L.Salomé : « À bonne hauteur, ardeur et froideur sont ressenties comme presque identiques »*** - « Auf richtiger Höhe, Brand und Frost fühlen sich fast identisch an ». Tenir à la hauteur, c'est vouer son regard à l'altimètre, s'éloigner des choses, de leurs baromètres (erreur de Nietzsche) et thermomètres (dénoncés par Pétrarque).
erreur,hauteur,intensité,proximité,regard,révolte,sentiment

noblesse
Les présomptueux (St-Augustin, Rousseau) imaginent pouvoir exhiber leurs vrais visages ; parmi les masqués avoués - profonds ou hautains - il y a ceux qui croient, que le masque les cache (Descartes, Nietzsche) et ceux, les plus lucides, qui les y réduisent (Valéry, Cioran). « L'homme ne vit pas, il s'invente »** - Dostoïevsky - « Человек не живёт, а самосочиняется ». Me montrer ou me cacher sont parfaitement équivalents ; m'inventer est mon seul visage transmissible.
création,hauteur,jeu,soi,voix

noblesse
Nietzsche prône la guerre – ni de races ni de classes ni de masses – mais la guerre de faces, à l'intérieur de l'homme seul et acquiescent, dont la face à défendre, ou plutôt à sauver, s'appelle surhomme, la seule face divine et immortelle. Les trois autres faces – l'homme, les hommes, le sous-homme – constituent mon soi connu mortel, muni d'auto-défenses suffisantes.
cité,dieu,hommes,inconnu,lutte,mort,mouton,négation,soi,solitude

noblesse
Le langage des profondeurs spirituelles est largement universel ; mais la hauteur musicale de chaque homme a son propre langage. En compagnie de Valéry, je vis une fraternité admiratrice ; en celle de Nietzsche, je frôle le fratricide de complices.
auteur,esprit,fraternité,hauteur,langue,mort,musique,universel

noblesse
La profondeur de mon regard permet de toucher aux choses essentielles de l'être, son ampleur – d'interpeller les relations essentielles du devenir, sa hauteur – de faire entendre ma propre voix, visant l'intensité et la noblesse. Le bouquet complet s'appelle grand regard (der große Blick de Nietzsche).
concept,être,grandeur,hauteur,intensité,voix

noblesse
La même noblesse anime les grands poètes ; elle peut se manifester par attachement aux mots (le talent et l'âme), aux courants d'idées (l'intelligence et l'esprit), aux formations politiques (le besoin de reconnaissance et la raison). Byron, Chateaubriand, Rilke se contentèrent du premier volet, Hölderlin, Nietzsche, Valéry y ajoutèrent le deuxième, Hugo, Maïakovsky, Aragon – le troisième. Goethe fut le seul à tenter tous les trois, comme notre contemporain, refusant les titres de poète et de héros, R.Debray.
âme,cité,esprit,idée,intelligence,mot,poésie,raison

noblesse
L'artiste et sa force, face à la faiblesse du goujat, - trois illustrations : l'amplification de la haine (Cioran), la transformation du mépris (Nietzsche), le filtrage par l'indifférence (Valéry) – comme toujours, c'est Valéry qui adopta la pose la plus adéquate.
bassesse,filtre,force,haine,pose

noblesse
Je suis indifférent à Platon, à Spinoza, à Kant ; mais je ne puis pas en être ennemi ; combattre la grisaille, c'est profaner mes propres couleurs. Mais il faut que je sache me dresser en ennemi de St-Augustin, de Voltaire, de Nietzsche, pour mettre à l'épreuve mes palettes.
auteur,ironie,lutte

noblesse
Tu es ce que sont tes commencements. À la fin, tout - tes pensées, tes actes, tes rêves - ne seront que ruine. Veux-tu l'être, comme t'y invite Nietzsche : « À la fin tu seras ce que tu es » - « Du bist am Ende, was du bist » ? La seule chose qui comptera à la fin, c'est la consolation, mais qui ne peut provenir que de l'Autre, celui qui te sortira de l'enfer.
action,commencement,consolation,défaite,être,idée,rêve,ruines,soi

noblesse
Le véritable sens de verticalité, ce ne sont pas tellement des hiérarchies, ces manifestations du comparatif ; les maximes hautes de Nietzsche et les maximes profondes de Valéry, ce sont des triomphes du superlatif ; tandis que les chutes aristocratiques et les envolées lyriques de Cioran surgissent au bout des parcours horizontaux.
défaite,élan,élite,hauteur,maxime,romantisme

noblesse
C'est le même homme que voient Dostoïevsky et Nietzsche, mais ils le jugent soit de la profondeur d'un sous-sol, soit de la hauteur d'une montagne ; la pitié s'adresse à l'esclave, et l'ironie - au maître, mais c'est le même personnage, perdant sa face et cherchant à gagner sa vie ; la résignation extérieure et la révolte intérieure aboutissant au même surhomme ou à l'homme du souterrain, en butte au mouton ou au robot.
défaite,hauteur,ironie,mouton,pitié,robot

noblesse
C'est d'après la place que j'accorde au nihil qu'on reconnaît le genre de nihilisme que je pratique. Dans le meilleur des cas, c'est le point de départ qui est visé, l'origine ou le point zéro de mon regard sur le monde, et que j'aurai débarrassé de la présence d'autrui. Mais les démons de Dostoïevsky le placent dans les finalités, et Nietzsche – dans le parcours ; on devient, chez eux, adversaire de Dieu ou des hommes, au lieu de soi-même.
auteur,commencement,dieu,hommes,lutte,nature,nihilisme,regard,soi

noblesse
Tant d’épigones de Nietzsche partagent ses Non médiocres ; très peu sont capables de s’identifier avec ses Oui grandioses. Les contraintes, dans la création, doivent être invisibles.
contrainte,création,grandeur,inconnu,négation

noblesse
La montagne de Nietzsche et le souterrain de Dostoïevsky sont des lieux solitaires, que fuient les habitués des forums : « Les opinions super-célestes et les mœurs souterraines, c’est folie : au lieu de se transformer en Anges, ils se transforment en bêtes » - Montaigne. L’ange, qui ne se serait jamais senti une bête, serait un ange bien bête.
ange,hauteur,intelligence,mouton,solitude

noblesse
Le surhomme se moque de ses muscles, de ses pensées, de son avoir et même de son être, il est dans un devenir artistique, dans une beauté naissante et non pas dans une vérité déclinante ; il est, donc, un grand consolateur de l'homme solitaire et désespéré. Et son langage vaut par sa musique haute plus que par son message profond. L'art et le langage forment la vie et ont pour dénominateur commun – l'intensité. Ainsi, Nietzsche mérite le titre de seul philosophe complet de l'histoire.
art,beauté,commencement,consolation,espérance,être,force,idée,intensité,langue,…

noblesse
Toute âme noble a besoin de faire des sacrifices. Les plus chanceux – Kierkegaard, Nietzsche, S.Weil, Cioran – n’avaient rien à sacrifier aux autres, ce qui les obligeaient à chercher des sacrifices devant eux-mêmes, et ces abandons s’avèrent être les plus féconds pour la qualité de l’écriture.
art,sacrifice,style

noblesse
Pour se permettre le luxe d’une axiologie, Nietzsche possède l’essentiel – le talent et la noblesse. Mais ne maîtrisant pas la hauteur, qui est une fusion de l’ironie et de l’intelligence, il est obligé de faire de la jonglerie de renversement des valeurs ou des perspectives. Seule la hauteur permet une cohabitation harmonieuse et pacifique entre l’éthique et l’esthétique.
axe,beauté,bien,hauteur,intelligence,ironie

noblesse
Mes contraintes raréfient les horizons dignes de mon regard ; ma culture m’emporte vers la hauteur et me rend indifférent à la profondeur. C’est pourquoi Lou, si omnivore et si naturelle, resta inaccessible à Nietzsche et à Rilke : « Chargée de mille profondeurs, tu devenais sauvage et vaste » - « Du hattest tausend Tiefen, und wurdest wild und weit »
auteur,contrainte,culture,hauteur,nature,regard

noblesse
L’artiste doit et peut mettre l’esthétique au-dessus de l’éthique (Nietzsche et son dédain de la pitié) ; le goujat veut et sait faire l’inverse (Spinoza s’acharnant contre la tristesse, ou Hegel dénonçant les belles âmes).
art,bassesse,beauté,bien,mélancolie,pitié,sentiment

noblesse
La ligne de partage intellectuelle la plus marquée est celle qui oppose la hauteur à la profondeur, Héraclite à Parménide, le devenir à l'être, Nietzsche à Heidegger, l'arbre, qui fleurit, à l'arbre, qui se ramifie, l'intensité à la densité. Les meilleurs des héraclitéens maîtrisent tout ce que Parménide a à dire ; l'inverse est rarement vrai.
arbre,être,hauteur,intensité,négation,philosophie

noblesse
Dostoïevsky veut dépasser les limites, et Nietzsche veut réévaluer les valeurs – les limites et les valeurs des AUTRES ! C’est minable, puisque aucune originalité n’est plus possible dans les finalités ; le talent se manifeste surtout dans la fraîcheur et la noblesse de ses commencements ou, faute de mieux, dans l’ardeur ou l’intensité de l’élan vers des limites inaccessibles.
commencement,élan,esprit,frontière,intensité,valoir,voix

noblesse
Nietzsche déteste la platitude discursive, et pour lui trouver un inverse, il plonge dans la ‘profondeur vitale’ et en ressort son fichu instinct, qui est une construction artificielle, mécanique, l’inverse naturel étant la hauteur du rêve.
discursif,élan,hauteur,intensité,négation,rêve,robot,vie

noblesse
Pour un aigle, atteindre la hauteur signifie, dans sa fière solitude, ne plus être vu de personne ; l’air libre est son élément. Les adeptes de la profondeur ressemblent à un ramassis de poissons solidaires : « Tous, ils troublent l’eau, afin qu’elle paraisse profonde » - Nietzsche - « Sie trüben Alle ihr Gewässer, dass es tief scheine » ; l’eau commune est leur milieu.
éléments,grandeur,hauteur,liberté,mouton,solitude

goethe j.-w.
Für jeden Menschen kommt der Zeitpunkt, von dem an er wieder ruiniert werden muß.

Pour tout homme vient l'heure, où il doit, de nouveau, retourner dans ses ruines.
noblesse
Regretter l'édifice écroulé ou saluer l'appel de l'étoile ? « L'homme est un dieu en ruines »** - Emerson - « A man is a god in ruins ». Bénies ruines, que deviennent les temples ou les tours d'ivoire, à l'annonce de la mort de Dieu (Nietzsche) ou de la mort de l'homme (Kojève ou Foucault) ou, le mieux, de ta propre mort (H.Broch de la Mort de Virgile).
château,dieu,étoile,mort,retour,ruines

hölderlin f.
Man kann auch in die Höhe fallen, so wie in die Tiefe.

On peut chuter aussi bien en hauteur qu'en profondeur.
noblesse
L'anodine et monotone chute en profondeur ne promet pas d'azur, que des bleus sans lendemain et le glissement vers une platitude finale. À moins qu'on y cherche la hauteur : « Il me faut monter en profondeur »** - Nietzsche - « Ich muß in die Tiefe steigen ».
défaite,étoile,hauteur,platitude

leopardi g.
Non val cosa nessuna
I moti tuoi, nè di sospiri è degna
La terra.

Nulle chose ne mérite ton élan
Ni de tes soupirs n'est digne la terre.
noblesse
Et tu confies tes soupirs à l'immobile hauteur, hauteur qui est ce séjour, d'où rien ne tombe à terre – on y reconnaît le plus germanique des poètes italiens. Une fois constatée l'indignité terrestre, les refuges possibles sont : la vie (le corps et le Bien), l'art (l'âme et le Beau), le savoir (l'esprit et le Vrai). Les Italiens et les Russes en appellent à la vie (les premiers acceptant tout, du vulgaire au sublime, et les seconds refusant tout, sauf de vagues projections dans l'avenir), les Allemands veulent ne respirer que la pureté des hauteurs poétiques, et les Français emménagent dans des châteaux raffinés ou dans d'élégants salons littéraires. Seuls les Français appliquèrent l'équation nietzschéenne : la vie et l'art, c'est la même chose !
allemagne,âme,ange,art,beauté,bien,château,élan,éléments,esprit,…

nietzsche f.
In einer rechten Höhe kommt alles zusammen und über eins - die Gedanken des Philosophen, die Werke des Künstlers und die guten Thaten.

À bonne hauteur, c'est tout un : les pensées du philosophe, les œuvres de l'artiste et les bonnes actions.
noblesse
La hauteur est leur numérateur, leur dénominateur commun s'appelle l'homme. « Qu'est-ce qu'un artiste ? Un homme qui sait tout, sans s'en rendre compte. Un philosophe ? Un homme qui ne sait rien, mais qui s'en rend compte »** - Cioran.
action,art,bien,hauteur,idée,philosophie,savoir

nietzsche f.
Das Pathos der Attitüde gehört nicht zur Größe ; wer Attitüden nötig hat, ist falsch.

Le pathos de la pose n'a rien à voir avec la grandeur ; qui en a besoin est faux.
noblesse
Toute ta vie ne fut qu'une éternelle pose pathétique, où tout ne fut qu'inventé, y compris une nouvelle grandeur, dont personne ne s'aperçut. Je te préfère dans le faux, grandiose, plutôt que dans le vrai, morose. Qui se moque de poses sombre dans des positions, vraies et toujours petites. Contrainte préférée à but, forme préférée à protéiforme, hauteur préférée à profondeur - telle paraît être la pose aristocratique. En tant que position, elle devient arrogance ; en tant que posture - galéjade.
artificiel,grandeur,ironie,pose,vérité

nietzsche f.
Wir haben die ganze Noth des Geistes und die ganze Spannung seines Bogens ! Und vielleicht auch den Pfeil, die Aufgabe, wer weiß ? das Ziel.

Nous maîtrisons la détresse de l'esprit et toute la tension de son arc ! Et peut-être sa flèche, sa fonction et, qui sait, - la cible.
noblesse
La certitude de la tension sensible va de pair avec la certitude de la cible invisible. Les cibles visibles rendent vite lâches les meilleures cordes.
flèche

nietzsche f.
Aus dem Tiefsten muß das Höchste zu seiner Höhe kommen.

C'est de la sublime profondeur que le haut sublime doit jaillir vers sa hauteur.
noblesse
Je ne connais pas de chemins entre le profond et le haut. Le vrai rapport est d'ordre musical : l'ample crée l'acoustique, le profond fabrique et accorde les instruments, le haut écrit la musique. La hauteur, c'est la fidélité à la profondeur des sources, c'est le sacrifice des bas bruits, à l'autel de la haute musique.
chemin,commencement,hauteur,musique,sacrifice

nietzsche f.
Je höher wir uns erheben, um so kleiner erscheinen wir denen, welche nicht fliegen können.

Plus tu t'élèves et plus petit tu parais aux yeux de ceux qui ne savent pas voler.
noblesse
Et plus petit encore aux yeux de ceux qui le savent ! La capacité de compter les marches, de s'élever prouve notre foncière petitesse, l'absence d'un noyau immuable. Le vrai avantage de la hauteur est de devenir invisible aux yeux des rapaces, qui volent bas : « Plus un grand homme s'élève, moins il est visible » - Stendhal.
étoile,grandeur,hauteur,immobilité,inconnu

nietzsche f.
Daß man keinen Nutzen aus ihnen zu ziehn weiß, das gehört selbst vielleicht zur Größe.

Qu'on n'en puisse tirer aucun profit, c'est peut-être le propre même de la grandeur.
noblesse
Même les étoiles peuvent être profitables pour guider le navire. Tout peut être utile, c'est-à-dire avoir son ombre. La grandeur, et la liberté, c'est la capacité de vivre indépendamment de son ombre.
étoile,grandeur,liberté,nihilisme,ombre,utilité

nietzsche f.
Man bleibt nur jung unter der Voraussetzung, daß die Seele nicht sich streckt ; nichts macht uns weniger Neid als das fette Glück des guten Gewissens.

On ne reste jeune qu'à condition, que l'âme ne se détende pas ; rien ne nous fait moins envie que le bonheur gras de la bonne conscience.
noblesse
L'âme se détend, quand disparaît la sensation du péché (de la honte). Les pires ennemis de l'âme, crispée et en éveil, sont des sociétés caritatives.
âme,bonheur,conscience,enfance,grandeur,hommes,mal

nietzsche f.
Höher als „du sollst“ steht „du willst“, höher als „du willst“ steht „ich bin“.

Au-dessus du «tu dois» - «tu veux» ; au-dessus du «tu veux» - «je suis».
noblesse
Tant qu'on est dans le comparatif, on ne touche pas à la vraie hauteur, qui n'est atteinte que par le «tu vaux», par l'unification du talent et de la noblesse. La philosophie de la valeur est au-dessus de la philosophie de l'être. « La philosophie de l'existence est un mode de pensée, grâce auquel l'homme peut devenir soi-même » - Jaspers - « Die Existenzphilosophie ist das Denken, durch das der Mensch er selbst werden möchte » - ce soi, bien connu et commun, est un piètre but, à côté des contraintes monumentales du soi inconnu, se manifestant d'au-delà des valeurs mêmes.
axe,bien,contrainte,être,hauteur,inconnu,soi,valoir

chesterton g.k.
It is easy to be heavy ; hard to be light. Satan fell by the force of gravity.

Il est facile d'être lourd, difficile d'être léger. Satan est tombé par la force de gravité.
noblesse
Ce qui pèse formera le devenir, ce qui est impondérable remplira le fond de l'être (« Schwerer werden, leichter sein » - Celan). Tant de violence, pour faire triompher l'apesanteur, c'est à dire la grâce : « Écrasons l'esprit de pesanteur » - Nietzsche - « Lasst uns den Geist der Schwere töten ». Il faut mettre ce qui est facile dans les semelles, pour viser les horizons, et ce qui est difficile - dans les ailes, pour ambitionner la hauteur. Et voici Satan retrouver son enfance, celle d'un ange.
ange,enfance,étoile,être,goût,grâce,hauteur,mal,style

blanchot m.
Le droit de ne pas choisir est un privilège.
noblesse
Cette aristocratie, auto-proclamée et discrète, est experte elle-même en menus à choix multiples et élégants, qu'on ne fait que désélectionner furtivement, sans déclencher le moindre événement, sans souffler sur la chaude aboulie. Même si nous sommes embarqués, plutôt que marquer sur l'axe de notre parcours un point privilégié, par pari, par tri ou par parti pris, donc par Pascal, Descartes ou Leibniz, et aussi extrême que soit cette valeur élue, nous pouvons - notre talent peut ! - créer par-dessus tout cet axe une égale intensité, une polarité assumée, sacralisant l'axe tout entier. Et c'est Nietzsche, le premier, qui le comprit.
action,axe,esprit,goût,grâce,intensité,négation,sacré

proximité
Dieu ni ne se retire (Heidegger), ni ne se meurt (Nietzsche), ni ne s'éclipse (M.Buber), puisqu'Il se cache soit dans l'inétendu soit dans l'intemporel. Dieu mérite de n'exister que dans le vide sacré de l'innommé. « Je ne connais Dieu qu'à travers le non-advenu »** - Tsvétaeva - « Бога познаю только через не свершившееся ».
inconnu,mort,sacré,temps,vide

proximité
La foi, même vide de contenu mais puissante de forme, peut être précieuse en tant que récipient de ce qui est au-dessus de la véracité coulante. Par exemple - du scepticisme : « On peut se payer le beau luxe du scepticisme, quand on a une foi forte » - Nietzsche - « Hat man einen starken Glauben, so darf man sich den schönen Luxus der Skepsis gestatten ».
ironie,religion,style,vérité,vide

proximité
Devant l'échiquier de la vie, mon Dieu est une belle combinaison à sacrifices. Le leur est, le plus souvent, - une bévue (Nietzsche).
auteur,défaite,dieu,ironie,sacrifice,vie

proximité
La pensée atteint le grade de regard, lorsque disparaît le spectre d'un destinataire existant, d'une oreille d'homme par exemple. Et je ne sais plus si je regarde ou si je suis regardé. « Le regard, par lequel je Le connais, est le regard même, par lequel Il me connaît »* - Maître Eckhart - « Mein Erkennen ist Sein Erkennen » - c'est l'abîme, qui finit par me regarder (Nietzsche) !
auteur,dieu,idée,ouïe,regard

proximité
On ne jugerait les hommes qu'après leur mort ; et si la même chose valait pour les dieux ? On comprendrait alors l'annonce calculée de la mort de Dieu par Nietzsche : « Pour les dieux, la mort n'est jamais qu'un pré-jugement (préjugé) » - « Den Göttern ist der Tod immer nur ein Vor-Urteil ». On comprend l'avantage (Vor-Teil) d'être prescrit qui, sans solidité des pièces à conviction, n'est qu'une partie (Teil) d'un bref sursis.
dieu,hommes,justice,mort

proximité
Dieu est mort, puisque l'homme apprit la sage parole et désapprit le chant fou : « Dieu serait l'excitation et la terreur de la folie humaine »** - Nietzsche - « der Gott wäre der entzückte und entsetzte Wahn der Menschen ». La poésie, la musique, le rêve ne sont que des folies nous sauvant de la solitude ; Dieu, c'est l'impossibilité de la solitude du chant ; tandis que ni la parole, ni même le cri, ne m'ouvrent plus à l'écoute divine. Non, Dieu du chant, de l'intensité, qui n'est pas la force, ce Dieu n'est pas mort ; s'Il l'était, je serais condamné au soliloque ; une sensation impossible pour tout créateur de mélodies.
absurde,consolation,dieu,folie,hommes,mort,mot,musique,poésie,rêve,…

proximité
L'admiration inconditionnelle devant la féerie du monde ; peu importe quel nom je donne à son auteur - Dieu ou le hasard (« quelqu'un joue avec nous - cher hasard ! » - Nietzsche - « Einer spielt mit uns - der liebe Zufall ! »).
dieu,jeu,mystère,vie

proximité
Dieu créa les axes (« Dieu est jour/nuit, satiété/faim »** - Héraclite ; les oppositions héraclitéennes semblent être l'approche du divin la plus sensée de tous les temps), la liberté de l'homme y lit - plus qu'elle ne choisit ! - des valeurs (l'ombre, à laquelle on tient, et la soif, qu'on entretient, désignent les plus libres). La terne dialectique hégélienne profana ce beau culte des axes, que reprit Nietzsche, avec vie-art, bien-mal, nihilisme-acquiescement, chute-élan, puissance-résignation.
art,axe,balance,bien,défaite,dieu,hommes,intensité,liberté,mal,…

proximité
La chance unique du christianisme - la fusion entre un Dieu juif et un Dieu grec, entre un étant, qui chante et résonne, et un être, qui alimente et raisonne, entre celui qui hésite, dans la douleur du bien, et celui qui crée, dans la certitude du beau. C'est Dionysos qui souffla au Christ sa plus belle leçon : « L'œuvre essentielle du Christianisme, c'est d'avoir révélé que la vie la plus misérable peut, par la hauteur de son intensité, acquérir une estimable richesse »*** - Nietzsche - « Wenn das Christentum etwas Wesentliches getan hat, es war die Entdeckung, daß das elendeste Leben reich und unschätzbar werden kann durch eine Temperatur-Erhöhung ».
beauté,bien,christianisme,création,dieu,doute,grèce,hauteur,intensité,raison,…

proximité
Pour les fils de prêtres, Nietzsche ou Cioran, la mort de Dieu est aussi grave qu'un mal de mer dont souffrirait un fils de marin, mais dont devraient se moquer ceux qui tiennent à la terre ou aux cieux fermes.
dieu,ironie,mort

proximité
Une légende bien naïve, que même Nietzsche entretenait : jadis, il aurait existé des valeurs suprêmes, témoignant de la présence divine dans les affaires des hommes, et qui auraient sombré, suite aux réévaluations nihilistes, et le vide ainsi créé justifierait le constat de mort de Dieu. Ces valeurs n'existèrent jamais. Ce qui est beaucoup plus dramatique, c'est que les vecteurs disparurent, ces porteurs d'élans et d'enthousiasmes, de tours d'ivoire, de temples et de ruines.
axe,dieu,élan,enthousiasme,hommes,mort,nihilisme,ruines,simplicité,valoir,…

proximité
L'artiste peut se permettre des mensonges iconoclastes à peindre ; le peuple aurait besoin de mensonges idolâtriques, transmis par des fripons ; quand on voit les résultats minables des prêches antichrétiens, contre la dévotion ou contre la morale, de Voltaire ou de Nietzsche, on a envie de remobiliser l'Inquisition et de rehausser les bûchers, puisque tout feu est désormais éteint, et y règne un terre-à-terre asphyxiant.
art,bassesse,christianisme,création,éléments,mensonge

proximité
Quand je scrute mon propre écrit, sur la plupart des critères littéraires je trouve facilement des accointances ou lignes d'héritage ou de partage avec des autres ; seule la nature de ma noblesse, recherchée, inventée ou peinte, qui n'admet pas de franche proximité et me singularise radicalement ; mais, par exemple, en matière de goût ou d'intelligence, je sens très nettement le souffle fraternel de Nietzsche ou le regard complice de Valéry.
art,artificiel,auteur,égalité,fraternité,goût,intelligence,noblesse,regard

proximité
La pose d'hérésiarque est trop facile ; plus digne est d'agir en évangéliste. C'est pourquoi Nietzsche est, évidemment, largement supérieur à Cioran. Mais celui-ci, avec ses remèdes de cheval contre toute illusion, nous procure une des plus belles des illusions : celle de pouvoir se passer d'écurie et de harnais et de se contenter de ruades.
dieu,espérance,mouton,pose,rêve,révolte

proximité
Pour voir clairement, que « chacun est à soi-même le plus proche » - Térence - « proxumus sum egomet mihi », un regard lointain est nécessaire ; après ce constat, sera encore plus clair son corollaire : « Chacun est à soi-même le plus lointain »** - Nietzsche - « Jeder ist sich selbst der Fernste ».
regard,soi

proximité
Les trois hypostases chrétiennes sont étrangement peu solidaires entre elles et semblent même s'ignorer complètement. On peut dire la même chose de la trinité humaine : l'intelligence, la création, la noblesse, qui vivent en toute indépendance les unes des autres. En imaginer l'unité est un exploit des théologiens ou des poètes ; « Celui qui connaît, celui qui crée, celui qui aime, c'est tout Un »* - Nietzsche - « Der Erkennende, der Schaffende, der Liebende sind Eins ». Qu'est-ce qu'un homme ? - sa foi ! Le surhomme est l'homme trinitaire.
amour,christianisme,création,hommes,noblesse,ordre,poésie,religion

proximité
Le bien, la faiblesse, le nihilisme – tant de fausses cibles pour le regard nietzschéen, tandis que celui-ci n'y fait qu'exercer la puissance de ses cordes et la rigueur de son arc, sans vraiment lâcher de flèches. L'ultime adversaire-frère – le Christ, ouvrant les bras à Dionysos et Socrate. D’ailleurs, son vrai adversaire, ce fut non pas le Christ, mais le protestantisme, sacrifiant l’esthétique au dépens de l’éthique, tandis que Nietzsche faisait le contraire.
christianisme,flèche,fraternité,regard

proximité
Je commence par chanter la force, le bien, la beauté ; porté par ma plume et ma noblesse, je touche aux autres cordes, plus étonnantes et délicates – la faiblesse, le mal, l'horreur – et je comprends, que mon chant est plus important que la chose chantée, que l'élargissement de gammes est plus porteur que l'approfondissement de thèmes, que la hauteur de ma voix assure la même intensité de mes fibres au-dessus de tout axe de valeurs. Au pays de mes pensées païennes, je dois être missionnaire, pour les convertir en une foi des rêves ; c'est le retour à la pureté initiale (le retour nietzschéen, die Wieder-Kehre, est une tentative de conversion ! ).
ange,auteur,axe,beauté,bien,commencement,esprit,force,hauteur,idée,…

proximité
Il ne suffit pas de parler devant Dieu ; encore faut-il qu'on parle à soi-même, comme Hamlet, comme Pascal, comme Valéry. Et c'est ce qui manque à Cioran, qui se tourne tout le temps vers les autres, tout en se lamentant d’être obligé de s’adresser aux mortels. Même le destinataire de Nietzsche, le surhomme, n'est qu'une seule facette de soi, portant la puissance et méprisant la faiblesse. Mais ce qui est vulnérable en nous est plus noble.
dieu,force,hommes,noblesse,soi

proximité
Le mystère – une perplexité et une admiration, que la connaissance ne réfute pas et que la foi, peut-être provisoire, bénit. De notre regard sur la vie, il faudrait bannir la religion et garder la foi et le mystère. Pourtant, Nietzsche et Tolstoï formulent une religion sans foi ni mystères. L'aigle et la colombe manquent de dons de la chouette. Mais à la religion de la tête ou à la religion du cœur il faut préférer, au moins, la religion de l'âme, la poésie.
âme,cœur,intelligence,mystère,poésie,regard,religion,savoir,vie

proximité
Comment se débarrasser de la hantise des profondeurs, pour n'en garder que le vertige ? - en vidant la mer (ce qui, pour Nietzsche, équivaut la mort de Dieu), ce qui classe parmi l'inconnu ce qui eut la prétention d'être inconnaissable ; les gouffres dénudés nous rendent plus honnêtes que la face faussement prometteuse ou mystérieuse (et que Valéry appellerait toit tranquille cachant l'altitude) ; ainsi, la hauteur sera la seule issue vers l'inaccessible, vers le rêve. « La terre, déçue par la profondeur, préserve les germes de la hauteur »** - Ovide - « Tellus seducta ab alto retinebat semina caeli ».
dieu,hauteur,inconnu,mort,mystère,rêve

proximité
Au commencement était le couple l'Amour - la Haine (Empédocle), la Monade (Pythagore ou Leibniz), l'Apparence (Pyrrhon), l'Idée (Platon), le Verbe (le Christ), l'Action (Thomas l'Aquinate, Goethe, après avoir opté pour le Sens et la Force, Valéry, avant de lui préférer l’Étrange, Proudhon), la Violence ou la Lutte (Pascal ou Darwin), le Soupçon (Marx et sa Classe, Freud et sa Perversion, Nietzsche et sa Musique, Berdiaev et sa Liberté), la Donation (Gegebenheit de Heidegger), l'Étrange (à partir des fantômes et spectres : « Shakespeare genuit Marx, Marx genuit Valéry » - Derrida). Chacun au commencement de sa discipline : l'Idée (le Nombre, la Monade, la Force) - pour représenter le mystère, le Verbe (l'Amour, le Sens, la Donation) - pour formuler les problèmes, l'Action (la Haine, la Lutte, le Soupçon) - pour tester les solutions, la Perversion et l'Étrange - pour confondre ou embellir les passages de l'un à l'autre de ces trois niveaux.
action,amour,christianisme,commencement,doute,esprit,force,haine,idée,liberté,…

proximité
Les regards, dont je parle, ne sont pas mes regards ; je me sens regardé, ce qui me métamorphose ; je deviens théâtral, bien que ce soit par une serrure et non point de la loge royale, que le Spectateur m'épie. La pantomime devient mon art. Ce n'est pas du « courage de l'aigle qu'aucun Dieu ne regarde » - Nietzsche - « Adler-Mut, dem kein Gott mehr zusieht », mais de l'angoisse de la chauve-souris, dans sa Caverne soudainement animée, où elle prendrait ses parois pour un bon miroir : « Je me sens regardé, ce qui est le sens second et plus profond du narcissisme » - Merleau-Ponty.
angoisse,audace,auteur,dieu,jeu,regard,ruines,sentiment,soi

proximité
L'activisme actuel du diable étouffe toute présence de Dieu. Et dire que c'était de l'oisiveté de Dieu que naissait le diable lui-même (Nietzsche).
action,dieu,mal

proximité
La poésie est l'art d'entretenir la sensation du lointain, même dans la vie la plus proche. Mais cette sensation est, tout entière, dans l'élan initial. Le poète est un Ouvert, fasciné par ses limites intouchables. « Je suis resté poète jusqu'aux limites les plus lointaines » - Nietzsche - « Ich bin Dichter bis zu jeder Grenze geblieben ».
art,commencement,élan,frontière,ouvert,poésie,vie

proximité
On se rapproche par l'intérêt qu'on porte aux mêmes objets ; on se fraternise par l'intensité et la noblesse de relations entre objets. Nietzsche tombe sur la volonté et la puissance, chez Schopenhauer et Spinoza, mais la volonté du premier se forge dans le ressentiment (et non pas dans l'acquiescement nietzschéen), et la puissance du second s'attache à un esprit du savoir (et non pas sur l'âme du valoir nietzschéen). Et Nietzsche finit par se détacher de ses faux ancêtres (comme Valéry – de Descartes, avec sa méthode).
âme,concept,esprit,fraternité,intensité,négation,noblesse,savoir,valoir

proximité
Dieu n'émet pas de lumière, ne se manifeste pas par ses ombres. Et Nietzsche : « Quand toutes ces ombres de Dieu cesseront-elles de nous obscurcir ? » - « Wann werden uns alle diese Schatten Gottes nicht mehr verdunkeln ? » - finira par comprendre, que ce n'est pas la vue mais la caresse qui révèle le C(c)réateur, et la caresse est ressentie surtout dans les ténèbres – mystiques, érotiques, artistiques.
art,caresse,création,dieu,mystère,ombre

proximité
Assis, ta limite est un livre (pour penser), debout – un horizon (pour dominer), couché – un firmament (pour rêver) ; je ne suivrais donc ni Flaubert ni Nietzsche.
frontière,intelligence,maîtrise,rêve

proximité
Dans la hauteur, choisie comme cible de tes élans, tu seras toujours seul ; il n’y a pas de proximité entre sommets. Les profondeurs, en revanche, sont communes, et les proximités y sont immédiates. Nietzsche et L.Salomé, respectivement, de la hauteur ou de la profondeur, s’interpellent : « De quelles étoiles sommes-nous tombés pour nous rencontrer ? » - « Von welchen Sternen sind wir uns hier einander zugefallen? » - dit le premier, le maître. La seconde, l’élève, lui réplique : « Dans quelque profondeur cachée de notre être, des univers entiers nous séparent » - « In irgendeiner verborgenen Tiefe unseres Wesens sind wir weltenfern voneinander ».
amour,élan,étoile,être,flèche,hauteur,mouton,solitude

proximité
Cioran communique avec des écrivains et piétons, Valéry – avec des philosophes et scientifiques, Nietzsche – avec Dieu. Mais leurs discours sont si individués qu’on aurait pu interchanger leurs interlocuteurs, sans qu’on s’en aperçoive.
art,dieu,philosophie,science,voix

proximité
Face aux merveilles de l’Univers, l’absence d’un Dieu lumineux se compense dans l’obscur orphelinat de ton soi inconnu ; celui-ci est héroïque et créateur (la hauteur du surhomme de Nietzsche) ou bien condamné à la souffrance et la honte (la profondeur de l’homme du souterrain de Dostoïevsky).
création,dieu,hauteur,honte,inconnu,mort,mystère,nature,ombre,soi,…

proximité
Il est propre des Dieux de s’affirmer par des commencements injustifiables, avec des feuilles de route banales ou des horizons communs. Nietzsche fut le seul à suivre cette voie. Hegel est dans les parcours : l’Absolu, le Savoir, l’Histoire, dans lesquels il tente de deviner des lois, qui ne sont, chez lui, que des Arlésiennes. Cioran ne vit que de finalités : le dégoût, la chute, le suicide ; ça peut exalter des ‘incompris’, ça laisse froid celui qui veut créer sa propre foi ardente.
chemin,commencement,défaite,dieu,haine,inconnu,mort,mouton,platitude,savoir

nietzsche f.
Wenn man den Glauben hat, kann man der Wahrheit entbehren.

Quand on a la foi, on peut se passer de la vérité.
proximité
La foi, c'est ce qui te pousse à chercher, en vain peut-être, la vérité. Sans la foi l'homme est tellement sûr de posséder la vérité, qu'il ne se donne même pas la peine de la chercher.
maîtrise,religion,vérité

nietzsche f.
Der Wiederkunftsgedanke soll die Religion der freisten, heitersten und erhabensten Seelen sein.

La pensée du retour doit devenir une religion des esprits les plus épris de liberté, d'extase et de hauteur.
proximité
Et voilà qu'une permanence du devenir évince l'éternité de l'être, l'indifférence dans le temps l'emporte sur l'identité dans l'espace, un cercle vicieux du retour se substitue aux girons infernaux et captivants. Il est bête de faire d'un chant - un libelle ; encore plus bête est d'en faire un missel.
danse,éternité,être,hauteur,intelligence,liberté,religion,retour,temps

heidegger m.
Wenn Gott tot ist, die gerechnete Welt bleibt noch und stellt den Menschen überall in ihre Rechnung.

Si Dieu, lui, est mort, le monde, livré au calcul, demeure et inclut partout dans ses calculs - l'homme.
proximité
La liberté joua son rôle sinistre : entre le rêve et le calcul, l'homme choisit le calcul, scellant la mort du seul Dieu crédible, celui du rêve incalculable (et non pas celui des valeurs, même transvaluables, qui fut proclamé mort par Nietzsche). Les autres sont pires que l'homme : « Le monde se faisait, tandis que Dieu calculait » - Leibniz - « Cum Deus calculat, mundus fit ». Les signes, symboles et mythes s'évaluent désormais dans des genèses et non plus dans des exégèses.
dieu,liberté,modernité,mort,raison,rêve,universel

heidegger m.
Die Sehnsucht ist der Schmerz, den uns die Nähe der Ferne verursacht.

La nostalgie est la douleur, que nous cause la proximité du lointain.
proximité
Cette nostalgie-langueur est proche de l'intensité nietzschéenne, née d'une fusion entre la douleur et la beauté, d'une noblesse créatrice, noblesse du regard, créateur de distances, l'oubli souverain d'une proximité impossible et dégradante, mais l'attouchement par le lointain.
absurde,création,intensité,noblesse,souffrance

russie
Encore une image russe incomprise : l'homme du souterrain, dans lequel l'Européen voit un outsider, einen unbehausten Menschen, un sans-abri (seul Nietzsche comprit le vrai sens), tandis qu'il n'est qu'un composant sur quatre (avec le surhomme, les hommes et l'homme tout court) de tout homme – le sous-homme.
bassesse,défaite,erreur,europe,hommes

russie
L'Orient apporte la réponse à : « Comment bien vivre ». L'Occident pose la question : « Qu'est-ce que vivre ? ». La Russie balbutie : « Pourquoi vivre ? ». L'ironiste montre « où et quand vivre ». Le pourquoi étant le premier souci du philosophe, Nietzsche pense que l'artiste « ne peut retrouver son souffle vital qu'en Russie » - « in Rußland wieder aufleben kann ».
art,philosophie,question,vie

russie
En énumérant les symptômes du pessimisme, Nietzsche mettait, jadis, avant Dostoïevsky et Tolstoï, les dîners chez Magny. Les dîners en ville (comme jadis les dîners chez Agathon) continuent à avoir, en France, une place d'honneur, même à l'époque d'un optimisme général.
enthousiasme,france

russie
Chant accueillant un beau rêve et parole rébarbative ; danse, où vibre une belle âme, et marche disgracieuse ; musique touchant nos meilleures fibres et rugissements qui glacent ; intelligence atteignant de hautaines cimes et bêtise à se terrer de honte - tel est ce pays, le plus déséquilibré et le plus déconcertant du monde. « Le petit bourgeois, offensé, ricane de ces chants, le saint visionnaire a les yeux pleins de larmes » - H.Hesse - « Über diese Lieder lacht der Bürger beleidigt, der Heilige und Seher hört sie mit Tränen ». La triple énigme pour Nietzsche : « Les méchants n'ont pas de chants. - Mais d'où vient le chant des Russes ? » - « Böse Menschen haben keine Lieder. - Wie kommt es, daß die Russen Lieder haben ? ».
âme,bien,danse,goût,grâce,hommes,honte,mot,musique,hommes

russie
L'horreur de l'URSS aida à maintenir le statut de la culture par l'illogisme, l'irrationalité, le discours historique, les passions. « Plus les passions qu'un peuple peut se permettre sont grandes et terribles, plus sa culture est haute »** - Nietzsche - « Je furchtbarer und größer die Leidenschaften sind, die ein Volk sich gestatten kann, umso höher steht seine Cultur ». L'horreur des USA est dans l'inculture d'un savoir rationnel hors toute Histoire.
amérique,cité,culture,histoire,modernité,savoir,sentiment

russie
Les Russes ne sont faits ni pour la liberté ni pour la tyrannie. Ils sont anarcho-nihilistes : ne pas croire en ce qui est, croire, fanatiquement, en l'incroyable : « Le nihilisme selon la mode de Saint-Pétersbourg : croire en incroyance, jusqu'au martyre » - Nietzsche - « Nihilismus nach Petersburger Muster, Glauben an den Unglauben, bis zum Martyrium ».
cité,être,fanatisme,liberté,nihilisme,religion

russie
Les plus français des écrivains russes : Pouchkine, Tiouttchev, M.Boulgakov. Les plus russes des français : Rousseau, Lamennais, A.France. Savoir sourire à tout, savoir s'apitoyer sur tous. À propos, le plus français des Allemands, ce serait, ma foi, Nietzsche, qui a dû avoir sous les yeux Voltaire et Rousseau, pour exclure de son champ, par souci d'originalité, leurs thèmes centraux - l'ironie et la pitié.
allemagne,art,france,ironie,pitié

russie
Le Christ, dans la perception européenne, est une figure fondamentalement apollinienne ; chez les Russes, il est hautement dionysiaque. Le Christ russe, pitoyable, en compagnie du Grand Inquisiteur, ou le Christ, assisté de Torquemada, frère d'Héracles (Hölderlin), ou prêtant son âme à César (le surhomme de Nietzsche).
christianisme,défaite,europe,force,hauteur

russie
La douceur chrétienne ruina Rome, la générosité communiste abattit la Russie. « Moscou, comme Rome, c'est du grandiose » - « Moskau sowohl wie Rom sind grandiose Sachen » - la dernière étincelle du cerveau de Nietzsche, le jour même, où la folie l'éteignit définitivement à Turin, en vue d'un cheval fouetté, lui, qui chanta les vertus du fouet et dénonça les méfaits de la pitié ! Cette même image, qui l'enténébra, illumina Raskolnikov. Désormais, l'humanité ne demandera à ses apprentis-sauveurs que le taux d'intérêt ou la marge de profit - le salut est dans la prédominance du lucre.
argent,christianisme,cité,consolation,folie,grandeur,mort,ombre,souffrance

russie
Ni Dostoïevsky ni Tolstoï ne trouvèrent en France d'adeptes de talent (on ne peut pas prendre au sérieux des G.Bernanos ou A.France) ; c'est d'autant plus étrange que Nietzsche ou Wittgenstein en sont des héritiers enthousiastes et pénétrants.
art,enthousiasme,france,philosophie

russie
C'est à Saint-Pétersbourg que je devins nihiliste et adorateur du soleil, et c'est dans le Midi que je m'adonnai aux jeux des ombres et à l'acquiescement au monde. Nietzsche serait, à trois quarts, d'accord avec cette géographie spirituelle : « À Pétersbourg je serais nihiliste ; ici je crois en soleil » - « In Petersburg wäre ich Nihilist. Hier glaube ich an die Sonne ».
auteur,nihilisme,ombre

russie
Le Russe a la manie de négations faciles, grandioses et gratuites. Presque toute la culture russe est de nature nihiliste ; Pouchkine fut le seul diseur-du-oui ironique, léger et gracieux. « La volonté, en Russie, est suspendue, et l'on ne sait pas si elle sera pour le non ou pour le oui » - Nietzsche - « In Russland wartet der Wille, ungewiß, ob als Wille der Verneinung oder der Bejahung » - Pouchkine étant resté sans héritier, la réponse, hélas, est évidente.
culture,grâce,ironie,nature,négation,nihilisme,question,valoir

russie
La pensée s'inscrit, en Allemagne, dans une philosophie, en France - dans une littérature, en Angleterre - dans une politique, en Russie - dans la vie, ce réseau de riens. « En Allemagne on veut la pensée pour la méditer, en France - pour l'exprimer, en Angleterre - pour l'appliquer, en Russie - pour rien »*** - Tchaadaev. L'absence d'œuvres serait la définition même de la folie (Foucault, et l'œuvre de Pouchkine n'était pas encore venue te consoler comme Montaigne - le Tasse), folie dont un oukase te stigmatisa, pour que tu y rejoignisses, malgré toi-même, Swift, Nietzsche, Van Gogh, Artaud.
allemagne,angleterre,consolation,folie,france,idée,hommes

russie
Le surhomme nietzschéen aura laissé deux héritiers naturels, en Allemagne nazie et en Russie soviétique : ce qui aurait dû incarner des valeurs nouvelles (le mépris des mots anciens, l'oubli de l'Histoire), dans un pessimisme hautain, donna l'Ordre Nouveau et l'Homme Nouveau, avec leurs plats optimismes, le chant solitaire et tragique devenu marches militaires ou folkloriques.
allemagne,axe,enthousiasme,histoire,mot,modernité,musique,solitude,tragédie,valoir

russie
Ni en Allemagne ni en France il n'y eut un seul vrai nietzschéen ; ils sont nombreux en Russie, et sans la moindre imitation ni surprise : Nietzsche est le plus russe de tous les philosophes occidentaux ; les épigones académiques fouillent dans ses idées (qui sont bien pauvres), les épigones littéraires - dans ses métaphores (qui sont fort belles), tandis que les vrais nietzschéens se reconnaissent eux-mêmes - dans son ton (qui est, avant tout, noble).
allemagne,france,idée,métaphore,noblesse,soi

russie
Les plus grandes actions russes viennent des plus grands rêves et non pas des calculs : le processus fascine le Russe plus que le but. « La Russie : c'est un pays, où l'on peut faire les plus grandes choses pour le plus mince résultat » - Custine. Les Russes usent de plusieurs sortes de balances pour peser leurs résultats. Celle que tu as lue, la seule connue par ailleurs, la marchande, n'est peut-être pas la plus consultée dans ce pays de démesure. Ici, on chante ce qu'on peut faire, comme d'autres « dansent ce qu'ils veulent dire » (Nietzsche) - à vous le récit et le devoir.
action,balance,contrainte,danse,discursif,hommes,rêve

russie
Souvent, on voit en Berdiaev, Chestov, V.Rozanov - des nietzschéens, tandis qu'ils sortent tout droit de Dostoïevsky, comme d'ailleurs Nietzsche lui-même, qui est mi-Français mi-Russe ; il méprisa et la lourdeur et les thèmes de Kant, Hegel, Schopenhauer, en prenant Voltaire et Stendhal pour modèles de l'esprit ; il puisa ses images centrales - la pureté s'empiégeant dans le péché, le surhomme, l'au-delà du bien et du mal - dans Dostoïevsky.
ange,art,bien,force,mal,philosophie,style

russie
Je me sens minable, pour ne pas dire ridicule, avec ma langue et ma morgue, que n'apprécierait peut-être qu'un duc de La Rochefoucauld, - je lis le récit d'un Parisien de bonne souche (S.Tesson), reclus, en plein hiver, dans une cabane de la taïga sibérienne, et où je retrouve tout le décor sauvage de mon enfance. Un chiasme vertigineux ! Jusqu'à ses aphorismes, qui sont si désespérément plats… Il me reste à « découvrir une autre Sibérie, pour y expédier l'initiateur de réévaluations de valeurs » - Nietzsche - « ein Sibirien zu erfinden, um den Urheber der Wert-Tentative dorthin zu senden ».
auteur,enfance,france,honte,langue,maxime

russie
Entre un message dionysiaque transmis par un messager hideux et barbare et un message sobre d'un souriant adorateur de Hermès, l'hésitation aura été brève : « L'Europe sera républicaine ou cosaque » - Napoléon. L'Europe sera républicaine, c'est-à-dire américaine. « Exit la Russie, et voilà que nous sommes tous Américains ! » - R.Debray. Qui écoute encore Nietzsche : « Il faut absolument, que nous allions main dans la main avec la Russie. Pas d'avenir avec l'Amérique » - « Wir brauchen ein unbedingtes Zusammengehen mit Rußland. Keine amerikanische Zukunft ».
amérique,argent,europe,hommes,temps

russie
L'écriture de Nietzsche fait penser à l'esprit français et au ton russe. Le style de Montaigne, Pascal ou Voltaire, le sujet y dominant le projet, et l'élégance de forme se moquant de la rigueur de fond. La véhémence et le conservatisme de Dostoïevsky, la pureté et la honte y étant inextricablement mêlées sur le même axe vertical. L'homme, ce soi connu, le soi du centre, le soi haïssable, il doit être surmonté par le surhomme, ce soi inconnu, le soi des commencements, le soi admirable.
ange,art,axe,commencement,france,haine,honte,inconnu,noblesse,raison,…

russie
C'est au milieu des forçats de Sibérie, taillés dans le bois précieux (sibirische Zuchthäusler, aus dem wertvollsten Holze geschnitzt - Nietzsche), que je vis pousser l'arbre, que, arraché à la terre, je porte au ciel, pour échapper à la forêt de Cybérie, par des voies sans issue (die Holzwege de Heidegger). Région des Ténèbres, c'est ainsi que Messire Marco Polo, d'origine slave (son nom, toutefois, est plus près des champs - поле - que des forêts), désignait cet espace ; maestro U.Giordano, avec ses opéras Sibérie et Andrea Chénier, me fit deviner que le forçat, devenu bourreau, sera le pire des tourmenteurs.
auteur,éléments,exil,musique,ombre,paradoxe

russie
L'immensité géographique à parcourir des yeux ne joua pas un grand rôle dans la prise de hauteur par les meilleurs des Russes. C'est l'immensité verticale - la souffrance et la honte - qui les en approcha. Et Nietzsche se trompe de dimension : « Le regard habitué à porter loin - et Zarathoustra voit plus loin que même le Tsar ! - ce regard se fait violence pour mieux saisir le proche, le temporel, l'immédiat » - « Das Auge, verwöhnt fern zu sehn - Zarathustra ist weitsichtiger noch als der Czar -, wird gezwungen, das Nächste, die Zeit, das Um-uns scharf zu fassen ». Le lointain, qui enflamme l'œil et le munit d'un regard, ce lointain ne vaut qu'invisible ; explicité, fixé par le temps, il paralyse le regard.
axe,hauteur,honte,inconnu,proximité,regard,souffrance,temps

russie
Comment le Français, l'Allemand ou le Russe lisent la volonté de puissance ? - volonté de (seulement) pouvoir (à la Shakespeare), de faire (die Macht, à la Valéry) ou de posséder (власть, à la Nietzsche) ? Leur seul dénominateur commun s'appelle intensité.
allemagne,force,france,intensité,mot,valoir

russie
Minable étymologie de éternité - Ewigkeit, faisant de l'âge (ævum) son ancêtre (вечный n'ajoute pas grand-chose : du siècle) ; pourquoi le retour nietzschéen est-il éternel ? - parce qu'il est retour du passé, qui s'avère le même, donc indépendant du temps.
allemagne,éternité,france,mot,nihilisme,retour,temps

russie
La neige fut ma patrie (je souris en lisant : « voici la neige, malheur à celui qui n'a pas de patrie » - Nietzsche - « bald wird es schnein, weh dem, der keine Heimat hat »). Ensuite, j'occupai ma vie à inventer des patries, pour donner corps à la sensation d'exil, qui ne me quitte jamais. Comme j'invente des églises ou des tribunaux, où ma honte trouve enfin un confessionnal ou un banc des accusés. Un besoin vital de mystère : « Le rêve d'exilé russe s'enveloppe de sa patrie, comme d'un mystère » - Nabokov - « Изгнанника сон, как тайной, Россией окружён ».
auteur,christianisme,exil,honte,mystère,rêve

russie
De plus en plus, en Europe, le peuple réfléchit et s'exprime en comptable, et les comptables – déjà en robots. Le peuple russe continue à tenir aux genres de communication aristocratiques : « Notre peuple à la propension à penser en aphorismes » - Gorky - « Мышление афоризмами характерно для народа ». Curieusement, comme Nietzsche, tu intitulas ton livre d'aphorismes – Considérations intempestives (Несвоевременные мысли – Unzeitmässige Betrachtungen).
europe,maxime,noblesse,robot

russie
Faire croître un arbre à partir des ténèbres - l'une des fins de ce livre. La contribution de Nietzsche fut bénéfique : « Ceux qui me lisent et m'entendent, tout naturellement, ce sont les Russes » - « Meine natürlichen Leser und Hörer sind die Russen ». La lecture artificielle permet d'accéder à tant de gouffres ; la naturelle n'est possible que si l'on possède déjà la hauteur.
arbre,artificiel,auteur,hauteur,nature

russie
La philosophie n'a que deux sujets, autour desquels elle développe son discours : la consolation et le langage. Ces deux genres sont presque disjoints (seuls Platon et Nietzsche, peut-être, parviennent à les mélanger). Et tout grand écrivain, inévitablement, est touché par l'appel de l'une de ces deux branches philosophiques. Et c'est ici peut-être que réside la différence la plus profonde entre les littératures russe et européenne : la première est toujours dans la sphère de la consolation (le salut, la honte et la pitié), et la seconde – dans celle du langage (les représentations et les interprétations).
art,consolation,europe,honte,interprétation,langue,philosophie,représentation

russie
Quel dommage qu'aucun Russe n'ait découvert dans sa Scythie hyperboréenne, ce qu'y soupçonnèrent Voltaire et Diderot et devina Nietzsche – un Dionysos anti-apollinien !
création,dieu,négation

russie
La sortie des Russes de la culture – tel est le signe, sûr et triste, du XXI-ème siècle. « Le signe du siècle qui vient [XX-ème] – l'entrée des Russes dans la culture » - Nietzsche - « Zeichen des nächsten Jahrhunderts – das Eintreten der Russen in die Kultur ». Il reste la musique, mais il n’y a plus de Berlioz, pour s’en rendre compte : « Je n’ai plus à songer pour ma carrière musicale qu’à la Russie ».
culture,modernité,musique

russie
La seule philosophie russe valable, celle de la profondeur de Dostoïevsky ou celle de la hauteur de Chestov ou Berdiaev, est vitaliste et poétique, exactement comme celle de Nietzsche ou de Heidegger, qui retournent vers Héraclite ou Hölderlin et se débarrassent de la lourdeur, sans vie ni poésie, des Kant, Hegel, Schopenhauer.
hauteur,philosophie,poésie,vie

russie
Racines phonétiques du nihilisme : Henri Heine ou Nietzsche, prononcés Un Rien et Nichtssche (Nichts - rien), Nétchaev, prototype chez Dostoïevsky, - Нечаев (de Nitchego - ничего - rien). Quid, les jeux phonétiques de Kojève, avec nitchto et netchto (un néant et un quelque chose), pour se moquer du bon Dieu, le même thème étant assez plat chez Leibniz, Hegel ou Sartre.
dieu,être,fanatisme,mot,nihilisme,vide

russie
Il faudrait imaginer comme un Français, s’élancer comme un Allemand, désirer comme un Russe : « C’est en Russie que la puissance du désir est la plus énigmatique, au-dessus de tous les autres » - Nietzsche - « Die Kraft zu wollen ist am allerstärksten und erstaunlichsten in Russland ».
allemagne,élan,étonnement,force,france,mystère,valoir

russie
À l'école russe, le mot le plus entendu fut amour : amour du paysage ou de la langue natals, de la musique ou de la mathématique, du Tsar ou du Parti Communiste. Donc, une école de l'échec, puisque tout amour est une défaite. À l'école du monde évolué, le mot omniprésent, envahissant, ravageant est réussite, où l'acharnement ne laisse aucune place à la passion, ni la lutte - à la pitié. Chesterton : « Nietzsche : on s'engage non pas pour aimer, mais pour lutter. Tolstoï : on s'engage non pas pour lutter, mais pour aimer » - « Nietzsche : we should go in for fighting instead of loving. Tolstoy : we should go in for loving instead of fighting ».
amour,climat,défaite,lutte,pitié

russie
Grossièreté et grâce : l’homme russe est un piètre séducteur, tandis que des flopées d’égéries russes firent des ravages chez les étrangers : Nietzsche, Rilke, H.Matisse, R.Rolland, Dali, Aragon, P.Éluard, Picasso, Einstein, Sartre
amour,art,grâce,hommes

nietzsche f.
In Rußland gibt es eine Auswanderung der Intelligenz : so wirkt man dahin, das vom Geiste verlassene Vaterland zum vorgestreckten Drachen Asiens zu machen.

L'intelligence fuit la Russie ; ce qui contribue à faire de sa patrie, abandonnée par l'esprit, un dragon avancé de l'Asie.
russie
C'est l'un des rôles de l'intelligence que de prouver, que la tête n'a rien d'irremplaçable et de continuer à entretenir un bon feu ailleurs. Il est plus difficile d'avoir sa propre voix que sa propre cervelle. On prouve mieux son originalité par des caprices sentimentaux, que par des constructions mentales, où le robot moderne domine : « L'esprit russe brille le mieux dans des balivernes » - Klioutchevsky - « Русский ум ярче всего сказывается в глупостях ».
asie,éléments,élite,esprit,hommes,intelligence,modernité,raison,robot,voix

nietzsche f.
Eine solche Zunahme der Bedrohlichkeit Rußlands, daß Europa sich entschließen müßte, einen Willen zu bekommen.

La menace croissante russe contraindra l'Europe à se forger sa propre volonté.
russie
La prophétie se réalisa. Mais pour redonner de la consistance à la volonté russe en bouillie (de ces « admirables barbares de l'avenir » - « bewunderungswürdigen Barbaren der Zukunft »), il faudrait désormais non pas un forgeron mais un réanimateur.
europe,intensité,valoir

nietzsche f.
Ein neuer Sprengstoff, ein Dynamit des Geistes - ein Russisches Nihilin, ein Pessimismus bonae voluntatis, der nicht bloß Nein sagt, Nein will, sondern - Nein thut.

Un nouvel explosif, une dynamite de l'esprit - la nihilite russe, un pessimisme de bonne volonté, dont le non n'est ni seulement dit ni voulu, mais - fait.
russie
L'injection de néant à l'âme - la nihilite européenne, pratique plus radicale pour stopper net, sans explosion, l'épidémie de la justice, qui se propageait dans les âmes, lorsqu'il y avait des âmes. Tout se désamorce et se désarme par le chosisme, cet héritier cérébral imposteur du nihilisme spirituel déclinant.
action,âme,enthousiasme,être,europe,fanatisme,justice,nihilisme

nietzsche f.
Die Hauptsymptome des Pessimismus : der russische Pessimismus ; der ästhetische Pessimismus ; l'art pour l'art ; der anarchische Pessimismus ; die Religion des Mitleides ; der äthische Pessimismus.

Principaux symptômes du pessimisme : le pessimisme russe ; le pessimisme esthétique ; l'art pour l'art ; le pessimisme anarchique ; la religion de la pitié ; le pessimisme éthique.
russie
Ces symptômes sont à égale distance du pessimisme et de l'optimisme. On est pessimiste dans le secondaire : les faits, les yeux, la raison et optimiste dans l'essentiel : la vision, le regard, le rêve. Et toute parole riche peut s'écrire à la lumière des chiffres ou à l'ombre du verbe. Pessimisme de la force brute, optimisme de la fine faiblesse. Toi, chantre de la tragédie antique et de la tuerie nihiliste, ou le décadent Socrate, tueur de la tragédie.
enthousiasme,fanatisme,force,nihilisme,ombre,proximité,regard,religion,rêve,tragédie

nietzsche f.
In Russland wartet der Wille, ungewiss, ob als Wille der Verneinung oder der Bejahung.

En Russie, la volonté s'apprête à jaillir ; qui sait si ce sera pour un non ou pour un oui.
russie
Son fond est dans un non de l'esprit, et sa forme – dans un oui de l'âme. Rester en puissance ou miser sur la puissance, farauder de ne pas faire ou être orgueilleux de son fait, s'enivrer du possible ou se dissoudre dans l'intelligible – les Russes penchèrent pour le premier choix. La volonté de puissance demeure dans l'âme ; la puissance de la volonté ne quitte pas l'esprit.
action,âme,esprit,force,inconnu,négation,style,valoir

nietzsche f.
Ich sehe mehr Hang zur Größe in den Gefühlen der russischen Nihilisten als in denen der englischen Utilitarier.

Je vois plus de propension à la grandeur dans les sentiments des nihilistes russes que dans ceux des utilitaristes anglais.
russie
L'Anglais tient au primat de la liberté extérieure ; pour lui, l'intérêt dicte le degré de fraternité et fixe la frontière de l'égalité. Le Russe est fanatique de la liberté intérieure ; pour lui, le sacrifice crée le frère et indique la voie vers l'égalité.
angleterre,égalité,fanatisme,fraternité,frontière,liberté,nihilisme,sacrifice,utilité

nietzsche f.
Wo gibt es heute Psychologen ? In Frankreich, gewiß ; vielleicht in Rußland ; sicherlich nicht in Deutschland.

Où trouver aujourd'hui des psychologues ? Sans doute en France ; peut-être en Russie ; certainement pas en Allemagne.
russie
Ce que nous pensons de nos semblables est décidément sans intérêt. Voilà G.Maupassant, le plus fin psychologue de la place de Paris, surclassant Dostoïevsky en matière des choses inavouables !
allemagne,france,goût,hommes

nietzsche f.
Der russische Fatalismus trat darin bei mir hervor, daß ich unerträgliche Lagen, Jahre lang zäh festhielt, - es war besser, als sie veränderbar zu fühlen, - als sich gegen sie aufzulehnen. Sich selbst wie ein Fatum nehmen.

Le fatalisme russe se révéla chez moi, en me faisant accrocher, des années durant, aux situations intenables ; ce fut mieux que d'en envisager l'évolution, que de m'appuyer la-dessus. Non, me prendre comme un destin.
russie
La lutte, c'est l'équilibre ; et c'est son ennui qui pousse le Russe vers la précarité des bords d'abîme : abîme d'humilité, d'esclavage ou de fatalisme.
acquiescement,action,immobilité,inconnu,lutte

rilke r.-m.
Daß Rußland meine Heimath ist, gehört zu jenen großen und geheimnisvollen Sicherheiten, aus denen ich lebe, - aber meine Versuche hinzugehen, durch Bücher, durch Menschen sind mehr eine Abwendung als ein Näherkommen.

Que ma vraie patrie soit la Russie est une des grandes et mystérieuses grâces, dont je vis ; mais toute tentative de l'atteindre, par des livres ou par des hommes, résulte plutôt en éloignements qu'en rapprochements.
russie
Le plus raffiné poète dit cela à la plus fascinante femme - dans le doute, qui me sépare de toi, Russie, je bredouille cet aveu, qu'on ne peut confondre avec la boutade semblable de Nietzsche au sujet de la Pologne.
auteur,doute,exil,femme,grâce,hommes,proximité

solitude
Avec la solitude comme avec la gloire ou avec la femme : c'est en la négligeant qu'on a les meilleures chances de l'alpaguer. La guigne de Nietzsche ne prouve rien : « Le philosophe se reconnaît à ce qu'il évite trois choses éclatantes et bruyantes : la gloire, les princes et les femmes » - « Man erkennt einen Philosophen daran, daß er drei glänzenden und lauten Dingen aus dem Wege geht : dem Ruhme, den Fürsten und den Frauen » - il les évite à la lumière des lampes et dans le bruit des sens et s'y baigne à l'abri des regards et dans le silence du sens.
caresse,cité,femme,gloire,intensité,ombre,philosophie,raison,silence

solitude
Le nihilisme n'est pas une maladie de la volonté (Nietzsche), mais la santé du rêve. Le rêve est une volonté spiritualisée de se supporter tout seul ; la volonté est un rêve incarné de se mêler aux autres.
fanatisme,hommes,intensité,nihilisme,rêve,souffrance

solitude
Ce n'est pas au ciel que je trouve spontanément la hauteur la plus proche ; elle se présente dans mon souterrain, troué par des soupiraux des profondeurs, et me propose de déménager nuitamment dans ses ruines. « L'homme du souterrain, qui creuse dans les profondeurs, veut garder sa propre obscurité, car il sait, qu'il aura son propre salut, sa propre aube » - Nietzsche - « Der Unterirdische, der in der Tiefe Grabende, will seine eigne Finsternis haben, weil er weiß, daß er seine eigne Erlösung, seine eigne Morgenröte haben wird ». Souterrain, l'âme du château en Espagne ; « l'esprit du château fort, c'est le pont-levis »* - R.Char.
auteur,château,consolation,étoile,frontière,hauteur,ombre,platitude,proximité,ruines,…

solitude
Aucun oppresseur en vue - et je suis opprimé ; aucun argousin à ma porte - et je suis dans une cage ; aucun bâillon sur ma bouche - et ma voix n'atteint aucune oreille. « Ce qui nous brise et torture le plus douloureusement, ce sont des mains invisibles » - Nietzsche - « Wir werden am schlimmsten von unsichtbaren Händen gebogen und gequält ». Tyrannie anonyme. Néron et Staline tenaient à leurs noms pour propager l'adulation ou la terreur, mais la machine…
auteur,cité,honte,inconnu,liberté,ouïe,robot,souffrance

solitude
Ils sont tellement habitués à la compagnie de caniches ou de bergers, qu'ils prennent le hurlement d'un loup solitaire pour aboiement : « Chien de Nietzsche, tu prêches le style à l'aboi ! » - A.Suarès - les chiens de compagnie s'entendent rarement avec des lycanthropes comme Cioran.
hommes,souffrance,voix

solitude
Bel exemple d'un exil porté en tout lieu - L.Salomé, Russe exotique pour Nietzsche et Rilke, Allemande bien rangée pour Tourgueniev et Tolstoï. Pourquoi n'a-t-elle pas amené en Russie Nietzsche, comme elle le fit avec Rilke ! Quel Livre de Retours y a-t-on manqué !
allemagne,désert,exil,platitude,retour,russie

solitude
Le désert croît ? (Nietzsche - die Wüste wächst) - tous les prophètes se réfugièrent dans des bureaux ; personne n'étant plus dupe des mirages, tout ermitage doit à la cité son éclairage et son chauffage. L'ère de lucidité ; aucun parvenu, tyran ou poète ne peut plus compter sur : « Le monde veut être dupe, qu'il le soit » - proverbe latin - « Mundus vult decipi, ergo decipiatur ».
cité,désert,doute,exil,mouton,ombre,platitude,vérité

solitude
On échoue à rendre un vrai état d'exil (Ovide, Pétrarque, Dante, Pouchkine, Dostoïevsky, H.Arendt, S.Zweig), on ne réussit qu'à en esquisser la pose (Sénèque, Casanova, Byron, Nietzsche, Kafka, S.Weil, Nabokov, Cioran). Et l'exil n'est pas le seul état d'âme, qui reste toujours à inventer, je soupçonne, que l'amour, la foi et la noblesse possèdent la même étrangeté.
amour,authenticité,création,exil,noblesse,pose,religion

solitude
Cultiver l'âtre, au milieu des ruines, mon défi phonétique à l'être (comme le Paraître le fut pour Pyrrhon, le Non-Autre pour le Cusain, le Naître - après Sein und Schein - pour Nietzsche, l'Outre pour Bakounine, comme l'Autre pour Levinas ou le Neutre pour Blanchot). Les contraires logique (le Urteil de Hölderlin), spatial (le néant de Sartre) ou temporel (la Zeit de Heidegger) sont moins chauds et plus ternes.
audace,auteur,commencement,être,mot,platitude,raison,ruines,temps

solitude
Dans la maison de l'être, quels sont les obstacles ? Le plancher - pour ma stabilité, la porte - pour mon mouvement, les murs - pour ma solitude, le souterrain - pour ma honte, le toit - pour mon rêve. Les obstacles franchis, il ne me resteront que des ruines, bien à moi, et où l'être et le devenir se voient à la hauteur de mon étoile, dont la lumière, nommé langage, se reconnaît aux ombres du Verbe, sans domicile fixe. Le propre des ruines est d'être toujours les mêmes, d'accueillir les ombres du langage, d'être la demeure de l'être : « Éternellement se bâtit la même maison de l'être » - Nietzsche - « Ewig baut sich das gleiche Haus des Seins ».
étoile,être,honte,immobilité,langue,maîtrise,ombre,ordre,rêve,ruines

solitude
Tout philosophe, depuis Platon, se doit « d'être en exil et de conspirer contre sa patrie » - Nietzsche - « seit Plato ist er im Exil und conspirirt gegen sein Vaterland » ; celui d'aujourd'hui s'exile en colloques et conspire contre un groupe de recherches rival.
exil,hommes,lutte,philosophie

solitude
Que mes notes n'aient pas reçu le moindre écho est l'une des rares occasions pour me féliciter d'un silence, dans lequel même Nietzsche ressentait une blessure incurable (die tödliche Wunde keine Antwort zu haben) ; aucune onde de sympathie ou de fraternité n'a dévié le courant de ma plume ; toutes mes incurabilités proviennent de moi-même.
art,auteur,fraternité,gloire,silence

solitude
Seule la forme peut rendre un discours - élitiste ; il n'y a pas de gradation d'élitisme de contenu, qu'on s'adresse à l'homme seul ou au troupeau ; par le contenu, Nietzsche n'est pas plus élitiste que Marx ; et l'oubli du souci de la forme peut conduire à une même lecture grégaire.
élite,mouton,style

solitude
Le mirage est ma destination ; le désert - le milieu qui le promet ; l'oasis - l'arrêt, où boire n'est qu'alimentaire et élémentaire et où ne doivent pas s'échanger les cargaisons ou fardeaux sans prix. Nietzsche se trompe de lieu et d'instant - et de gravité ! - des profanations : «  La vie est une source de volupté, mais où la canaille vient boire, toutes les fontaines sont empoisonnées » - « Das Leben ist ein Born der Lust, aber wo das Gesindel mittrinkt, sind alle Brunnen vergiftet ».
auteur,bonheur,désert,mouton,rêve,soif,vie

solitude
L'un des avantages de la solitude est que je ne remplisse pas de vétilles trop visibles nos vides communs et que je les peuple de fantômes – voilà ce que m'apporte le désert, contrairement à la forêt. Ce vide n'est pas moins béant dans la multitude, mais je n'y fourre que des choses ou des valeurs. Le vide du solitaire est conçu pour être peuplé de voix de Dieu ou d'autres spectres, en musique ou en mystique, non en mécanique ou en axiologie. Privé de la compagnie des hommes, le solitaire finit par se dire, que « l'amour des fantômes a plus de hauteur que celui des hommes »* - Nietzsche - « höher als die Liebe zu Menschen ist die Liebe zu Gespenstern », mais ce fantôme ne sera que la quintessence de l'homme réel - le surhomme imaginaire.
auteur,axe,dieu,hauteur,musique,mystère,réalité,rêve,robot,vide,…

solitude
Depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, il existèrent trois types de philosophes, dont la voix s'articulait : dans un dialogue (avec un complice), dans un soliloque (du soi inconnu), dans un chœur (avec un rôle dicté par l'époque) – Platon, Nietzsche, Hegel. Les solitaires furent toujours plus pénétrants – Héraclite, Pascal, Valéry.
antiquité,inconnu,mouton,philosophie,soi

solitude
Tout progrès, sur une échelle linéaire, n'apporte de la satisfaction que si je suis au sein d'un troupeau ; mais, tôt ou tard, autrui disparaît de mes coordonnées, et je découvre le désert, dans lequel toute mesure est illusoire, et je me mettrai à n'apprécier que l'intensité des mirages : « À l'opposé du sentiment de désert, il y a l'ivresse » - Nietzsche - « Als Gegenteil des Gefühls der Leere steht die Trunkenheit » - bien que l'ivresse ne soit pas à l'opposé, mais bien au-delà du désert.
auteur,balance,désert,intensité,mouton,négation

solitude
Ces notes solitaires prirent un ton si mélancolique, que je les qualifierais de vespérales, en complément de Nietzsche, le diurne, de Valery, le matinal, de Cioran, le nocturne.
auteur,mélancolie

solitude
Le beau projet nietzschéen : faire parler le désir et non pas la pensée. Il se trouve, que celui-là débouche, malgré toute injonction de celle-ci, sur la solitude, imitation (Nachfolge ou Nachahmung), vindicte ou ressentiment (Rach- ou Nachgefühl). Et la pensée préconçue n'y est pour rien. Apollon n'a qu'à suivre Dionysos ; mais main dans la main, ils ne se retrouvent que dans la tragédie.
création,élan,haine,idée,raison,révolte,sentiment,tragédie

solitude
Le rêve que je scelle, c'est moi-même. Plotin appelait bien à « sculpter sa propre statue », mais préconisait le regard comme ciseau éphémère, pour laisser les niais se lamenter sur les grands hommes sans effigies ni statues, dans les places publiques. En fin de compte, c'est peut-être le seul moyen de régler le problème des fétiches et des idoles (la noblesse et l'intensité de Nietzsche - sur le piédestal du dieu mort).
auteur,création,éléments,gloire,hauteur,intensité,mort,regard,rêve,soi

solitude
Les repus, qui placent leur solitude entre deux dîners en ville, la redoutent plus que les autres, tout en bavardant sur ses béatitudes. « Le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible » - Pascal - puisqu'il est une chose trop basse. Dans la vraie solitude naît la plus noire des souffrances et la plus pure des métaphores. Nietzsche place encore plus en amont les souffrances de pacotille : « Le pessimisme du déjeuner, qui ne passe pas » - « Pessimismus als zurückgetretenes Mittagessen ».
bassesse,bonheur,ennui,enthousiasme,intelligence,mélancolie,métaphore,platitude,souffrance

solitude
Les Platon, Descartes, Hegel ont tant d'imitateurs, d'acolytes, de plagiaires, reproduisant le même contenu, les mêmes schémas, le même ton. Autour d'Héraclite, St-Augustin, Nietzsche – un vide ; aucune voix comparable, faussement solidaire, ne brouille le contact direct, sans intermédiaires, avec leur poésie, leurs passions, leur langue. La stature d'un grand se devine d'après la virginité d'accès à leur musique ; le brouhaha des minables (lärmendes GezwirgeNietzsche) se filtre et se réduit si facilement au silence.
filtre,grandeur,mouton,musique,philosophie,poésie,silence,vide,voix

solitude
On se précipite dans la solitude, lorsqu'on entend le troupeau - la foule de la Johannes-Passion - ou lorsqu'on s'écoute soi-même - Il Vecchio Castello, la Pathétique, Dostoïevsky, Nietzsche. Après réflexion - l'appel du Concerto №1 ( Allegro Maestoso) de Paganini, Goethe, Tolstoï, Valéry - on se met à chercher son prochain, mais on ne l'atteint plus, on est hérissé d'éloignements, dans lesquels on n'entendra que le Dieu du Concerto №21 ( Andante) de Mozart.
esprit,mouton,musique,proximité,soi

solitude
S'estimer devant sa conscience est plus facile que devant autrui. Devant une conscience somnolente, le respect de soi n'est qu'un somnifère de plus. Pour la réveiller, rien de plus efficace que le sentiment de la honte. « Plus tu as de hontes, plus tu vaux » - Shaw - « The more things a man is ashamed of, the more respectable he is ». Être sans honte, c'est être sans liberté, puisque la liberté, c'est le pouvoir d'agir contre soi. Et Nietzsche nous invite à la servitude : « Le sommet de la liberté : ne plus avoir honte de soi-même » - « Das Siegel der erreichten Freiheit : sich nicht mehr vor sich selber schämen ».
conscience,gloire,honte,liberté,soi,valoir

solitude
Le genre choral peut avoir sa noblesse, tandis qu'émettre sa propre voix, c'est souvent faire un canard. Même si « toute communion rend commun » - Nietzsche - « jede Gemeinschaft macht gemein » - il faut parfois accepter cet humble constat.
mouton,musique,noblesse,voix

solitude
Cioran écrit pour le salon (d'où l'importance du style) ; Valéry réfléchit devant Dieu (cet inexistant, indispensable pour une belle intelligence) ; Nietzsche s'extasie devant lui-même (dans une solitude du mot et de l'idée, nous bouleversant par leur musique). Je tente de réunir ces trois milieux, en un lieu que j'appelle mon soi inconnu. Mes trois confrères ont leur voix propre, puisqu'ils n'ont pas de collègues à rassurer ou à flatter ; pourtant, c'est ce que cherche la gent professoresque, en écrivant dans un jargon, miteux, lourd et farfelu.
auteur,dieu,école,idée,inconnu,intelligence,mot,musique,soi,style,…

solitude
L'usage populaire du terme fort place dans cette catégorie les marchands et les politiciens, c'est à dire ceux qui ont le plus besoin de foules, pour assouvir ainsi leur avidité de richesses ou de pouvoir. Mais Nietzsche les appelle faibles ; ils finiraient toujours par écraser et humilier les forts, ceux qui ne s'épanouissent que dans leur solitude.
argent,cité,défaite,force,hommes,honte,mouton

solitude
Mon visage, c'est mon soi inconnu, le créateur ; mon soi connu, le producteur, ne ne peut exhiber que des masques. Les masques, que grime l'homme de la multitude, sont reproductions des visions communes, tandis que le regard du solitaire invente ces masques, est obligé de les inventer. Même chez les meilleurs, la mascarade peut devenir fanfaronnade. Ce que Nietzsche dit de Spinoza : « O combien de sa propre vulnérabilité trahit cette mascarade d'un malade solitaire ! » - « Wie viel eigne Angreifbarkeit verräth diese Maskerade eines einsiedlerischen Kranken ! » - s'applique parfaitement à lui-même.
création,force,inconnu,mouton,regard,soi,voix

solitude
Porter un masque n'a de sens qu'en présence de spectateurs ; c'est pourquoi le solitaire n'a que son visage et, éventuellement, un lac réfléchissant. Les visages, devenus copies d'un modèle, ne sont que des masques. « Vous, hommes du présent, votre propre visage est le meilleur masque ! Qui vous reconnaîtrait ! » - Nietzsche - « Ihr könntet gar keine bessere Maske tragen, ihr Gegenwärtigen, als euer eignes Gesicht ist ! Wer könnte euch – erkennen ! ».
modernité,mouton,voix

solitude
Le mot désert a plus d'acceptions divergentes que l'arbre ; la lamentation sur le vide croissant, vide désertique d'idées, d'intelligence ou d'idéaux, est la lecture la plus courante et bête. Le désert décroît. Surtout à cause de l'incapacité de voir ou de provoquer des mirages et de la rationalisation et de la collectivisation des caravanes solitaires de rêves. « Malheur à celui qui porte en soi des déserts » - Nietzsche - « Weh dem, der Wüsten birgt », car il mourra de soif, faute d'oasis.
arbre,désert,idée,intelligence,mort,mot,rêve,soif,vide

solitude
La valeur de presque tout animal se découvre, lorsqu'il est au sein de son troupeau, sa meute ou sa termitière ; et si Nietzsche choisit l'aigle et le serpent, pour symboles, c'est qu'ils sont connus, comme les meilleurs des hommes, pour leur goût de solitude.
hommes,mouton,valoir

solitude
Si j'efface de ma mémoire toute trace d'Héraclite, Pascal, Nietzsche, Valéry, je peux garder inchangée l'intégralité de mes postulats des commencements – c'est ainsi que je confirmerais et justifierais mon attachement au vrai nihilisme – avoir été seul à la naissance de mon essence.
commencement,être,mémoire,nihilisme,voix

solitude
Ne pas être de son temps, refuser le présentisme actuel, est un devoir d'artiste, et le meilleur moyen d'y réussir est de ne s'engager dans aucun combat avec ses contemporains. Mais même le frêle Nietzsche rêve de batailles de rue : « Quel est le pugilat le plus féroce, qu'un philosophe doit affronter ? - celui qui le libérerait d'être enfant de son siècle » - « Womit hat ein Philosoph seinen härtesten Strauß zu bestehn? Mit dem, worin er das Kind seiner Zeit ist ».
art,lutte,modernité,philosophie,temps

solitude
La musique la plus désespérante est aussi la plus consolante, puisqu’elle met l’émotion au-dessus de toutes les vicissitudes de la vie. Mais la consolation par le bruit nietzschéenne est une aberration, même pour le plus solitaire des hommes. Le bruit est de la pesanteur, et la consolation est de la grâce.
consolation,espérance,grâce,musique,sentiment,vie

solitude
Abandonnant un pessimiste, abandonné par un optimiste, l’axiologue Nietzsche se retrouve seul. Sur le même axe d’acquiescement, je fus toujours et je reste seul ; mon Schopenhauer et mon Wagner s’incarnèrent dans une même personne, optimiste à ses débuts et pessimiste sur la fin, qui préserva ma solitude non pas par abandon advenu mais par distance entretenue. Sans cette solitude je n’aurais pas pu écrire des livres, dont je peux, aujourd’hui, dire qu’« Il n’existe nulle part des livres d’une espèce plus fière et plus raffinée » - Nietzsche - « Es gibt durchaus keine stolzere und raffiniertere Art von Büchern ». Seulement, à la place de force et cynisme déclamatoires je mets la faiblesse fière et le nihilisme raffiné.
acquiescement,auteur,axe,enthousiasme,force,grandeur,nihilisme,noblesse,proximité

solitude
La meilleure voie, qui t’évite l’isolement, est d’être dans la moyenne, d’accepter, sagement ou bêtement, un conformisme, raisonnable ou abject. Tandis qu’une grande faiblesse ou une grande force te condamnent ou te prédestinent à la solitude. La faiblesse t’isole ; tu t’isoles par la force. « À quelles forces farouches il faut faire appel, pour surmonter le progressus in simile » - Nietzsche - « Man muss ungeheure Gegenkräfte anrufen, um den progressus in simile zu kreuzen ».
bassesse,force,hommes,intelligence,mouton,raison

solitude
La philosophie des Anciens est destinée aux salles de classe, aux agoras, aux prétoires ; la seule exception – Héraclite. Nietzsche s’en inspira. Tous les deux sont les seuls philosophes nobles, car pratiquant surtout une philosophie de la solitude.
mouton,noblesse,philosophie

solitude
Nietzsche, pour se sentir bien seul, cherchait à mettre quelques siècles entre lui-même et son époque ; il ne se rendait pas compte, que le temps (comme l’espace) relève de l’horizontalité, et le meilleur moyen de vivre bien sa solitude est de se réfugier dans une hauteur, où aucun nombre n’a ni volume ni poids.
exil,grâce,hauteur,modernité,temps

solitude
Inévitablement, même aux plus narcissiques entre nous, il arrive de s’appuyer sur les valeurs communes qu’on prend, intuitivement, pour les siennes propres. De temps en temps, on s’en rend compte, on les rejette, on s'en déprend – voici la naissance de ses vrais commencements ou un retour à son soi-même. Le retour éternel (hors souci du temps, suite à un abandon-oubli) de Nietzsche est ce (re)commencement.
commencement,éternité,mouton,retour,soi,temps

solitude
Des notes solitaires, c’est ce qui manque le plus à la musique shakespearienne et ce qui ne permet pas de considérer son art comme une perfection. Ils sont rares, ceux qui émettent ces notes : Bach, Pascal, Byron, Leopardi, Nietzsche, Tchékhov.
art,grandeur,musique

solitude
Depuis quatre siècles, la mode du genre aphoristique réapparaît une fois tous les cinquante ans. Je suis victime de la malchance de me trouver au beau milieu de ces vagues ; de plus, depuis Cioran – aucun bon livre de maximes. Il serait ridicule de prétendre que je sois mal compris ; aujourd’hui, personne ne veut ni ne peut comprendre les écrits non-discursifs, abstraits et détachés du présent. Ce pauvre Nietzsche qui se considérait mal compris, méconnu, confondu, calomnié (mißverstanden, verkannt, verwechselt, verleumdet) ; dans ces rapports avec la société il resta petit-bourgeois.
auteur,cité,discursif,histoire,maxime,mensonge,modernité,platitude,temps

solitude
Les yeux sont faits pour nos rencontres terrestres ; le regard est donné à ceux qui cherchent le vertige céleste. Avec les yeux on creuse les mêmes profondeurs et parcourt la même horizontalité que la plupart de tes semblables. Mais une froide solitude attend celui qui voue son regard à la hauteur, où son regard différent (die Verschiedenheit des BlicksNietzsche) l’isole des hommes.
hauteur,hommes,mouton,regard,voix

solitude
Des hordes de professeurs stériles imitent les méthodes cartésienne, spinoziste, hégélienne, husserlienne ; personne n’est capable d’imiter Héraclite, Pascal ou Nietzsche. La solitude des grands s’étend aussi bien dans l’espace que dans le temps ; un bon philosophe est fatalement et doublement solitaire.
école,grandeur,mouton,philosophie,temps

aristote
Le solitaire est dieu ou démon.
solitude
Son inspiration, comme son acte, peuvent être ou divins ou diaboliques. « Celui qui est ravi d'être seul est une bête sauvage ou un dieu » - F.Bacon - « Whosoever is delighted in solitude is either a wild beast, or a god ». C'est le seul à imaginer sa tanière sur Olympe. Quand on est les deux, à la fois, on est philosophe (Nietzsche). « Celui qui sait vivre seul ne ressemble en rien à une bête sauvage, en beaucoup - au sage et en tout - à Dieu » - Gracián - «  Aquel que puede vivir solo, no se parece en nada a la bestia bruta, se parece mucho al sabio y se parece en todo a un dios ».
action,commencement,dieu,grandeur,mal,philosophie

nietzsche f.
Der Eine geht zum Nächsten, weil er sich sucht, und der Andre, weil er sich verlieren möchte.

Les uns vont vers le Prochain, parce qu'ils se cherchent. D'autres - parce qu'ils veulent se perdre.
solitude
Dans les deux cas, ils tombent sur eux-mêmes, attendu que me perdre, c'est revenir à moi et « je ne me trouve pas où je me cherche : et me trouve plus par rencontre que par l'inquisition de mon jugement » - Montaigne.
hommes,proximité,raison,soi

nietzsche f.
Ich habe Niemanden, der mit mir mein Nein und mein Ja gemein hätte.

Je n'ai personne qui partage mon non et mon oui.
solitude
Marie Stuart dit la même chose. Mais si le oui est grand par ce, à quoi il acquiesce, le non l'est par la non-noblesse et la petitesse de ce qu'il nie. Et l'on finit par ne plus vivre que du oui.
acquiescement,égalité,grandeur,noblesse,soi,voix

nietzsche f.
In der Einsamkeit frißt sich der Einsame selbst auf ; in der Vielsamkeit fressen ihn die vielen.

Dans la solitude tu te ronges le cœur ; dans la multitude, ce sont les autres qui te le rongent.
solitude
La solitude fait de moi un ouroboros, à l'appétit féroce ; dans la multitude je suis une marmotte, à l'indigestion humiliante. Le but de la vie étant d'arracher au silence quelques aveux, le hurlement est préférable à l'écœurement.
contrainte,honte,mouton,platitude,silence,souffrance,vie

nietzsche f.
Jede unbedingte Verschiedenheit des Blickes verurteilt den mit ihr Behafteten zu den Frösten und Ängsten.

Toute différence de regard spontanée condamne son porteur à la solitude de l'angoisse.
solitude
Il ne s'agit que d'une différence de hauteur et non de profondeur ni de largeur.
angoisse,hauteur,regard,sentiment,souffrance,voix

nietzsche f.
Mein Herz erträgt den Schauder der einsamsten Einsamkeit nicht und zwingt mich zu reden, als ob ich Zwei wäre.

Mon cœur ne supporte pas le frisson de la plus solitaire des solitudes et m'oblige à parler, comme si j'étais deux.
solitude
D'où la tentation d'appeler ce soliloque - dialogue. Le connu, s'adressant à l'inconnu et s'en contaminant, - l'essor de l'art, à l'opposé de l'effort de la science. Le bienfait de la solitude, c'est son frisson profond, qui nous sauve de la chute vers la platitude et nous prépare à la rencontre avec la hauteur.
cœur,consolation,élan,hauteur,platitude,savoir,sentiment,soi,voix

nietzsche f.
Philosophie ist das freiwillige Leben in Eis und Hochgebirge.

Philosopher, c'est choisir librement une vie sur les cimes glacées.
solitude
C'est la-haut que l'air est le plus pur, c'est là que se trouvent les commencements des grands flux et des grands commandements, c'est là que le troupeau est rare, comme l'est la nourriture terrestre, c'est là que le feu de l'âme s'entretient au contact de la glace de l'esprit.
âme,ange,éléments,esprit,hauteur,vie

nietzsche f.
Für den sehr Einsamen ist schon Lärm ein Trost.

Même le bruit est une consolation pour un grand solitaire.
solitude
Ton existence est faite de ton ouïe et de ton regard. Celle-là transmet à celui-ci le bruissement du monde que tu es sensé transformer en musique. La meilleure consolation – les retrouvailles avec la musique du rêve.
consolation,musique,nature,ouïe,regard,rêve,vie

sartre j.-p.
L'enfer, c'est les Autres.
solitude
Qui se cachent dans ma propre voix et que je démasque, confus, désarçonné, écœuré. Surtout, s'« il n'est permis à personne de dire : je suis moi » ! D'où l'intérêt du purgatoire de l'ironie. Qui dit, que je ne suis pas meilleur que les Autres. L'enfer d'aujourd'hui, c'est l'enfer du Même (Baudrillard). L'enfer homérique : « au-delà du Peuple des Songes, ce circuit astral, conduisant à la vraie vie », traite les autres de - « génération, à travers laquelle passe l'errance de l'âme », pour nourrir nos songes. « Qu'aimes-tu dans les autres ? Mes espérances »* - Nietzsche - « Was liebst du an Anderen ? Meine Hoffnungen ».
âme,artificiel,auteur,chemin,espérance,étoile,hommes,ironie,mouton,rêve,…

cioran é.
La force d'un être réside dans son incapacité de savoir à quel point il est seul.
solitude
Les vraies affres de la faiblesse sont donc dans cette lucidité, qui t'empêche de t'agiter et d'agir. Et si le mal résidait exactement dans le sacrifice rituel à cette force ? Et le bien - dans la discrète fidélité à cette faiblesse ? La faiblesse serait, hélas, le seul moyen qu'ait le solitaire pour préserver sa hauteur, puisque « dans la solitude, le plus fort s'effondre »** - Nietzsche - « der Stärkste geht an der Einsamkeit zugrunde ».
action,bien,force,hauteur,mal,sacrifice,savoir

souffrance
Le vrai tourment, ce n'est pas de ne plus être, mais de ne pas savoir être sans avoir. Je ne suis qu'intensité, mais il me faudrait maîtriser la terre - pour marquer mon époque, l'air - pour être respirable, le feu - pour laisser des empreintes et l'eau - pour que l'encre la couche sur papier. « Ce n'est pas l'éternité que tu demanderas à la vie, mais l'intensité »*** - Nietzsche - « Auf die ewige Lebendigkeit kommt es an, nicht auf das ewige Leben ».
auteur,éléments,éternité,être,intensité,maîtrise,tragédie,vie

souffrance
Sangloter, en me relisant, dans ce mélange obscur de fierté, d'humilité, de grandeur, de désespoir et de communion avec le dessein divin ; cent fois j'ai vécu cette bizarrerie larmoyante et irrésistible, que seul Nietzsche connut, en revisitant son Zarathoustra, et qu'auraient pu connaître Bach et Mozart, s'ils étaient moins casaniers ou moins bêtes.
auteur,dieu,espérance,grandeur,intelligence

souffrance
La douleur ne rend ni meilleur ni plus profond, mais elle nous laisse un libre choix entre une extrême hauteur et une extrême bassesse. Et la bassesse ressemble si souvent à de la profondeur : « Seule la grande douleur nous contraint à descendre dans notre extrême profondeur » - Nietzsche - « Erst der grosse Schmerz zwingt uns in unsre letzte Tiefe ». Que l'autre refuge, à l'opposé, m'est plus cher : « Souffrons, mais souffrons sur les cimes ! »** - Hugo.
bassesse,contrainte,hauteur,intensité

souffrance
La volupté est l'art sublime de faire sentir la pesanteur profonde et la grâce haute, tout en restant sur la surface. Tandis que je n'arrive pas à imaginer une haute souffrance ; de même je ne peux placer la joie qu'en hauteur, jamais en profondeur. Et Nietzsche : « La volupté est plus profonde que la peine de cœur » - « Lust ist tiefer noch als Herzeleid » - a raison de rester avec une projection imaginaire plutôt qu'avec l'original réel. Ailleurs il est encore plus précis : on peut « classer les hommes d'après la profondeur, que peut atteindre leur souffrance » (« die Rangordnung, wie tief Menschen leiden können »), mais la hauteur de leurs joies les discrimine encore plus nettement.
auteur,bonheur,caresse,cœur,erreur,hauteur,réalité

souffrance
Après m'être attardé aux mystères dionysiaques (la danse à la Nietzsche) et aux mystères orphiques (le chant à la Rilke), je me suis arrêté aux mystères d'Éleusis, où règne le rythme sans rites. Le passé, le présent, le futur tournés vers le deuil : Dionysos pleurant sa mère, Orphée - son épouse, Déméter - sa fille.
antiquité,auteur,danse,femme,mystère,temps,tragédie

souffrance
Je connus sur ma peau toutes les formes de souffrance, qui se prêtent à la grandiloquence des plumes sensibles, et je dis qu'elles ne comptèrent presque pour rien au fond de mon écrit. C'est à ce que nous n'avons jamais vécu, par exemple à nos rêves, que nous devons notre essence. « Notre caractère est déterminé plutôt par l'absence de certaines expériences que par des expériences réelles » - Nietzsche - « Unser Charakter wird noch mehr durch den Mangel gewisser Erlebnisse als durch das, was man erlebt, bestimmt ».
âme,art,auteur,création,être,goût,mot,réalité,rêve,style

souffrance
Quand je suis moi-même un climat, j'accueille comme miens les calamités et sinistres, dont m'accable une aveugle saison : « Tout ce que m'apportent tes saisons est pour moi fruit, ô Nature » - Marc-Aurèle. Être moi-même nature, que n'éclaire ni ne tente aucun chemin : « La nature que nous sommes s'assombrit, car nous n'avions aucun chemin »** - Nietzsche - « Die Natur, die wir sind, verfinsterte sich - denn wir hatten keinen Weg » - que mon dynamisme s'affirme dans mon art de préserver mon immobilité, pleine de belles ombres d'une lumière inconnue.
auteur,chemin,climat,défaite,immobilité,mélancolie,nature,ombre,soi

souffrance
La hauteur nous fait mépriser la force, la profondeur nous rend maladifs - c'est dans l'étendue seule qu'on peut encore placer son espérance dans la force et ne pas se savoir incurable : « Tout vivant ne peut devenir sain, fort et fécond qu'à l'intérieur d'un certain horizon » - Nietzsche - « Jedes Lebendige kann nur innerhalb eines Horizontes gesund, stark und fruchtbar werden ».
espérance,étoile,force,hauteur

souffrance
L'acquiescement au monde ou la résignation d'y échouer, ces deux apparentes antinomies, en se solidarisant, deviennent deux facettes d'une même tragédie ; donc, Nietzsche, la-dessus, n'est qu'un prolongement de Schopenhauer.
défaite,fraternité,tragédie

souffrance
Les flèches virtuelles des souffrances réelles n'abattent que de mauvais archers ; elles garnissent le carquois d'un maître des bonnes cordes : « en état d'un arc bandé à l'extrême, tout affect est bienvenu »** - Nietzsche - « in einem Zustande eines bis zum Springen gespannten Bogens tut einem jeder Affekt wohl ».
flèche,intensité,maîtrise

souffrance
Tout commence par le corps, la-dessus même Platon est d'accord avec Nietzsche. Mais que ce soit une déchirure, une volupté ou un contact mécanique, la première tâche de la philosophie consiste à le transformer en caresse.
caresse,philosophie

souffrance
Toute lutte finit par dévitaliser un peu davantage notre esprit ; la résignation schopenhauerienne et la vitalité nietzschéenne ne s'opposent guère et, souvent, l'une aboutit à l'autre, pour donner naissance à une tragédie.
acquiescement,commencement,esprit,lutte,tragédie

souffrance
Arrivé au stade extatique de tout ce qui est beau ou grand, on a des raisons d'égale justesse pour se dire bienheureux ou bien prêt à se pendre, question de goût ou de style ; Cioran vote pour la seconde issue, la plus facile, Nietzsche - pour la première, plus ardue, et moi, je n'exclus ni l'une ni l'autre, j'en cherche des unifications. Encore faut-il savoir atteindre une extase.
arbre,auteur,bonheur,grandeur,mort,sentiment

souffrance
Comme toute lutte avec le réel, au lieu de l'imaginaire, la douleur, elle aussi, affleure le quotidien et nous plonge dans la platitude. Ne compte accéder, par la souffrance, ni à la hauteur ni à la profondeur : « Je doute que la douleur nous rende meilleurs, mais elle nous rend plus profonds » - Nietzsche - « Ich zweifle, ob ein solcher Schmerz verbessert, aber ich weiß, daß er uns vertieft » - elle ne fait que renforcer les positions acquises sans combat.
angoisse,doute,grandeur,hauteur,lutte,platitude

souffrance
L'éternel retour de Nietzsche est tragique puisque éphémère ; le einmal, nur einmal (une fois, qu'une fois) de Rilke ou le never more (plus jamais) de Poe sont comiques puisque réels. Le retour à chercher n'est pas celui du jour et de la nuit, du sommeil et de la veille, mais de la réalité et du rêve, ou de la réalité et de la mémoire, la réalité se définissant ensuite par l'intensité entretenue des songes ou des représentations. Ce retour éphémère, ce sacrifice du nouveau, entretient le bonheur éphémère, le seul digne de notre fidélité.
bonheur,éternité,intensité,mémoire,réalité,retour,rêve,sacrifice,temps,tragédie

souffrance
Un même écrit est vraiment bon, s'il peut servir de baume, de poison ou d'antidote, en fonction de nos plaies du moment, lui-même n'étant qu'un adjuvant, et le poison du faible pouvant servir de nourriture au fort (Nietzsche). Et si, en plus, je peux me permettre d'alterner les attitudes de guérisseur, de cobaye ou d'immortel…
art,éléments,force,pose

souffrance
Pourquoi le beau caresse l'œil et l'âme, comment le regard et l'esprit doivent combattre l'horreur – ces questions sont les sources premières de nos étonnements créateurs. Peu y importe la chronologie : « La philosophie devrait commencer non pas par l'étonnement, mais par l'effroi » - Nietzsche - « Philosophie muß nicht mit dem Erstaunen, sondern mit dem Erschrecken beginnen » - c'est la topologie qui compte. L'exclusive y est toutefois injuste : l'effroi doit venir de moi, et l'étonnement, surtout, - du monde.
âme,beauté,esprit,étonnement,nature,philosophie,regard

souffrance
L'espérance est digne de ce nom, quand sa cohabitation avec le désespoir est féconde, elle y gagnerait même en intensité. Elle est le maintien de ton regard en hauteur, et ce regard est intemporel et donc étranger à l'attente : « Ne plus rien attendre – la première sagesse de la vie » - Nietzsche - « Erste Lebensklugheit – nicht mehr zu warten ».
espérance,hauteur,intelligence,intensité,regard,vie

souffrance
La vraie tragédie n'est ni dans l'éthique (la compassion du moralisateur Aristote), ni dans l'esthétique (le pathos de l'artiste Nietzsche), mais dans le mystique (la passion de notre soi inconnu, inspirateur et créateur d'espérances impossibles).
absurde,art,beauté,bien,espérance,inconnu,mystère,pitié,soi,tragédie

souffrance
L'immortalité est une image trop bête, pour servir de consolation ; mais la foi en intensité du beau peut faire oublier la désarmante certitude du vrai. Cette intensité est au cœur de la métaphore de l'éternel retour, qui serait « un succédané de la croyance en immortalité » - Nietzsche - « ein Ersatz für den Unsterblichkeitsglauben ».
beauté,consolation,inconnu,intensité,métaphore,mort,religion,retour,vérité

souffrance
L'excès de pessimisme donne des ailes à ma révolte, l'excès d'optimisme m'enfle de résignation, celle de prendre un stylo pour me dégonfler. Les deux ne sont que deux figures du nihilisme, aux saisons différentes. La révolte est comique et la résignation - tragique : « La vie est indigne de notre attachement : l'esprit tragique conduit à la résignation »*** - Schopenhauer - « Das Leben ist unserer Anhänglichkeit nicht werth : der tragische Geist leitet zur Resignation hin » - mais toi, qui ne connus jamais le vrai Dionysos, tu ne comprenais pas, que la résignation devant la vie pouvait signifier révolte du rêve, ce que comprit Nietzsche.
acquiescement,auteur,défaite,enthousiasme,ironie,lutte,nihilisme,rêve,révolte,tragédie,…

souffrance
Quelle consolation j'attends d'un discours philosophique ? Celle de vérités et de certitudes, qui m'enracineraient davantage dans la profondeur de la vie ? Ou celle d'images et de rêves, qui m'arracheraient de la terre et me laisseraient en vue du haut ciel ? En réponse à Wittgenstein, qui ne trouve pas beaucoup de consolation chez Nietzsche.
consolation,étoile,exil,hauteur,philosophie,question,rêve,vérité,vie

souffrance
Toute vie est une histoire de chutes : de l'extase (passion, poésie), vers l'enthousiasme (bonheur, harmonie) et vers l'ataraxie (équilibre, création). Par le travail implacable de la raison, toute justification d'une hauteur acquise s'érode et s'effondre. Et le but de la philosophie devrait être d'inventer de nouvelles raisons de s'immobiliser à la hauteur courante, de ne pas s'agiter. Plotin, Nietzsche, Cioran - pour la marche la plus haute, non-numérotée ; Épicure, Pascal, Dostoïevsky - pour l'avant-dernière ; Platon, Tolstoï, Valéry - pour la dernière.
amour,balance,bonheur,création,défaite,enthousiasme,hauteur,immobilité,intensité,ordre,…

souffrance
Le devenir serait souffrance, et l'être - délivrance par la volonté (Nietzsche et Heidegger) ; mais je vois dans la volonté surtout une algorithmique indolore et dans l'être - un rythme douloureux.
auteur,être,intensité,musique,robot,vie

souffrance
La culture n'est pas ce qui sauve du naufrage vital (Ortega y Gasset : « Cultura es lo que salva del naufragio vital »), elle est ce qui rend plus pathétique le style de nos messages confiés à la bouteille, à bord de ce vaisseau fantôme qu'est la vie. C'est, peut-être, ce que voulait dire Nietzsche : « Montez à bord, les philosophes ! » - « Auf die Schiffe, ihr Philosophen ! » (les bons philosophes savent, depuis Pascal, qu'ils sont déjà fatalement embarqués), leurs havres d'intranquillité étant leurs propres épaves : « pour se maintenir, comme Pyrrhon, à flot dans l'océan de l'esprit » - Byron - « to float, like Pyrrho, on a sea of speculation ». Deux manières de penser le retour éternel : brûler ses navires, soigner le contenu de sa bouteille.
angoisse,consolation,culture,défaite,esprit,philosophie,raison,retour,style,vie

souffrance
Les mêmes angoisses guettent tout mortel ; chacun cherche sa consolation, en fonction de ses talents, de son intelligence, de la hauteur de son regard. Fonctionnellement, le créateur n'y est pas très différent de celui qui plante un arbre ou une progéniture. Tous réussissent leurs débuts, tous échouent au final. Ne te fais pas trop d'illusions la-dessus : « La création, voilà ce qui délivre de la souffrance et rend la vie - légère » - Nietzsche - « Schaffen - das ist die große Erlösung vom Leiden, und des Lebens Leichtwerden ». On est créateur, si l'on s'occupe de l'arbre entier de la vie : de ses racines, de ses fleurs et de ses ombres, en y plaçant des inconnues, sources des lumières initiales et des ténèbres finales.
angoisse,arbre,commencement,consolation,création,hauteur,ombre,regard,vie

souffrance
Face à la tristesse, tout homme songe à la consolation : Schopenhauer la méprise, Kierkegaard la refuse, Nietzsche l'invente. Est philosophe celui qui sache concilier ces trois attitudes.
consolation,création,haine,mélancolie,philosophie,pose

souffrance
L'intelligence s'oppose souvent au goût : les aigreurs et amertumes conduisent à la baisse en intelligence. « L'augmentation de la sagesse se laisse mesurer exactement d'après la diminution de bile » - Nietzsche - « Der Zuwachs an Weisheit läßt sich genau an der Abnahme an Galle bemessen ». Un bon producteur de bile se mue difficilement en émetteur d'encens, et le crachat manque toujours ce qu'atteint le fiel.
esprit,goût,haine,intelligence,philosophie,révolte

souffrance
La vraie soif naît du goût de la lie ou du dégoût de la vie, surtout chez les turbulents du bocal. La meilleure - de son avant-goût dès les premières gorgées, dans un verre trop plein. « Celui qui laisse toute coupe moitié vide ne veut pas admettre, que toute chose a sa lie et son fiel »*** - Nietzsche - « Personen, welche jedes Glas halbausgetrunken stehen lassen, wollen nicht zugeben, daß jedes Ding in der Welt seine Neige und Hefe habe ».
action,haine,soif,vie

souffrance
De tout carillon de Valéry, le marteau de Nietzsche extrait le glas de Cioran.
création,intensité,ironie,musique

souffrance
Les seuls commencements, dignes d'un philosophe, sont : la souffrance (Dostoïevsky), la noblesse (Nietzsche), le langage (Valéry). Les commencements logique (Aristote), méthodologique (Descartes), dialectique (Hegel) ne sont que des pas intermédiaires et, donc, - insignifiants.
commencement,langue,noblesse,philosophie,science

souffrance
La souffrance et le langage – les seuls sujets d'une philosophie noble (peut-il y en avoir d'autres ?). La sécheresse pseudo-savante d'Aristote, Kant, Hegel les rend indifférents à la hauteur du premier sujet ; leur ignorance langagière leur cache la profondeur du second. D'où la grandeur de Dostoïevsky, de Nietzsche, de Valéry.
grandeur,hauteur,langue,noblesse,philosophie,science

souffrance
Spinoza et Leibniz se rangent du côté du bonheur et de la joie, Schopenhauer et Kierkegaard – du côté de la souffrance et du désespoir, Heidegger et Cioran – du côté de l’ennui et de l’extase, mais seul Nietzsche parvient à joindre ces deux bouts, que couronne l'intensité de la vie et de l'art, l'éthique cédant place à l'esthétique. Le fond de la vie est bien animé par le bien, mais c'est le beau qui en crée la forme - l'art.
art,axe,beauté,bien,bonheur,élan,ennui,espérance,intensité,style,…

souffrance
Face à la douleur, les philosophes de la connaissance ou bien tentent de me persuader, que je ne souffre point, ou bien me tendent une thérapie de choc ou d'anesthésie. Les philosophes de la souffrance m'invitent à la vivre pleinement, en musique, qu'elle soit funèbre ou joviale. « Nous ne sommes point médecins ; nous sommes douleur »*** - Herzen - « Мы не врачи, мы боль » - on comprend pourquoi Nietzsche, ayant perdu la tête, se prenait pour A.Herzen.
auteur,bonheur,musique,philosophie,savoir,vie

souffrance
L'exil, c'est l'entretien de la sensation du voyage permanent, sans routes ni jalons ; et Descartes dit quelque part, qu'on ne réfléchit qu'en villégiature - ambulandi cogitatio - (Kant et Hegel se contentant d'une marche, et Nietzsche prêchant l'immobilité de l'éternel retour, ce contraire de toute bougeotte). Quel dommage que le Moi sédentaire du je suis ne soit connu des autres que par l'erratique non-moi du je pense !
chemin,éternité,être,exil,frontière,immobilité,raison,retour,soi

souffrance
La souffrance me rend plus sensible au vague appel du Bien ; mes mots-échos, au début nus et naïfs, se mettent à rechercher des habits de la Beauté. C'est ainsi que se produit la fusion entre la vie et l'art, dont le Bien restera la victime muette d'un triomphe de la Beauté, préparé par une souffrance. Ce chemin fut parcouru par Hölderlin, Dostoïevsky et Nietzsche.
acquiescement,art,beauté,bien,chemin,création,défaite,vie

souffrance
La modestie croissante de ceux qui souffrent et ironisent : Essais de Montaigne, Pensées de Pascal, Remarques de Lichtenberg, Déracinement de Chestov, Aveux de Cioran. La constante arrogance de ceux d'en face : Méthode de Descartes, Critique de Kant, Mots de Sartre ou Foucault. Deux exceptions, dans les deux camps : Nietzsche et Goethe.
acquiescement,école,exil,ironie,mot

souffrance
Tout bon philosophe se trouve une bonne source de la consolation humaine : Voltaire – dans l’ironie, Nietzsche – dans la musique, Heidegger – dans la poésie, Valéry – dans le mystère de la création. Rien de plus bête que le pessimisme sceptique. Ce qui est admirable, c’est que la consolation philosophique ne devienne convaincante que grâce à la qualité du langage, de cette seconde facette de toute bonne philosophie. Avec ces deux auréoles, la tragédie humaine gagne en hauteur et en couleurs, sans perdre de son intensité.
consolation,création,enthousiasme,espérance,hauteur,hommes,intelligence,intensité,ironie,langue,…

souffrance
Tout créateur connaît les assauts du désespoir, que n’arrive à endiguer aucune autorité – que ce soit le savoir, la puissance ou Dieu. Pourtant, le désir de la consolation ne se laisse pas éteindre et trouve son assouvissement éphémère et furtif dans la tentative de munir la création humaine de l’intensité du créé divin, qu’on finit par confondre : « Quelle consolation – la représentation d’un Dieu du devenir ! »* - Nietzsche - « Was für ein Trost in der Vorstellung eines werdenden Gottes liegt ».
consolation,création,dieu,espérance,être,force,intensité,représentation,savoir

souffrance
Ce qui est réalisable doit être exclu du cercle de mes outils potentiels de consolation. D’ailleurs, la vraie recherche d’une vraie consolation commence avec le constat d’un néant consolateur. « De tout ce qui console un inconsolable, rien ne vaut la certitude, que son cas n’admette aucune consolation »**** - Nietzsche - « Von allen Trostmitteln tut Trostbedürftigen nichts so wohl als die Behauptung, für ihren Fall gebe es keinen Trost ».
absurde,consolation,doute

souffrance
Tout homme délicat associe la consolation avec la hauteur et la caresse. La douceur manquant, l’homme, dans sa hauteur fébrile, est pris de vertiges et s’effondre ; dans cette chute, il trouve souvent une fausse consolation – la pensée du suicide (Nietzsche).
caresse,consolation,défaite,erreur,hauteur,mort

souffrance
Non seulement la hauteur de ton regard ne peut pas se substituer à la surface, sur laquelle se peindront tes tableaux, mais, en plus, une terreur mélancolique affleurera d’en-dessous de tes tableaux. « Pas de belles surfaces sans horrible profondeur » - Nietzsche - « es gibt keine schöne Fläche ohne schreckliche Tiefe ». C'est à Macduff (« Horror, horror, horror, tongue cannot name thee ») que répond Hamlet (« words, words, words ») ; et cette mise au même niveau ne date pas d'hier : « Hadès est le même que Dionysos » - Héraclite. Pégase est né du sang de Méduse.
art,beauté,hauteur,mélancolie,mort,mot,regard

souffrance
La tragédie est l’épuisement fatal de nos mélodies, et la consolation consisterait à transposer une symphonie vitale en un solo, lointain, mélancolique mais fidèle à l’original. « Je crois en vie éternelle, exclame la tragédie ; tandis que la musique est l’idée immédiate de cette vie »*** - Nietzsche - « Wir glauben an das ewige Leben, so ruft die Tragödie ; während die Musik die unmittelabare Idee dieses Lebens ist ».
consolation,idée,mélancolie,musique,proximité,solitude,tragédie,vie

souffrance
Le plus grand mérite de Nietzsche est de nous avoir convaincus, que le bonheur peut cohabiter avec le malheur : dans la nature, dans la vie, dans l'art, puisque l'homme entier est dans les axes et non pas dans les valeurs.
art,axe,bonheur,nature,valoir,vie

souffrance
Le mérite principal de Dostoïevsky est d'avoir compris, que ce n'est pas une valeur, singulière, univoque et indubitable, qui distingue un homme, mais tout un axe équivoque, dont cette valeur n'est qu'un cas particulier : de chute à salut, d'espérance à désespoir, d'ange à bête. Mais le seul à avoir compris et mis en pratique ce terrible et authentique constat fut Nietzsche. La perplexité et la honte de Dostoïevsky et la noblesse et le style de Nietzsche, la conscience et le talent, mais la même place de la souffrance et de l'art, chez tous les deux.
ange,art,authenticité,axe,conscience,consolation,défaite,doute,espérance,esprit,…

souffrance
Tous les philosophes, indifférents à la recherche de consolations, sont des hommes sans cœur. Chez Nietzsche, la consolation, c’est l’élan vers le surhomme, vers le divin, vers l’inexistant donc – la plus noble des consolations !
absurde,cœur,consolation,dieu,élan,hommes,noblesse,philosophie

souffrance
Dostoïevsky veut être consolateur des autres ; Nietzsche veut rester inconsolé ; je veux être consolé par moi-même, consolateur.
auteur,consolation

souffrance
Nietzsche définit bien la tragédie : « Les regards de ma jeunesse et mes mystères les plus chers, c’est vous qui les massacrèrent »** - « Mordetet ihr doch meiner Jugend Gesichte und liebste Wunder », mais se trompe d’assassin, qui n’est ni Wagner ni Schopenhauer, mais le poids du réel.
enfance,erreur,mort,mystère,réalité,regard,temps,tragédie

souffrance
Dostoïevsky et Nietzsche imaginent, que pour penser il faille souffrir, se tordre dans des crampes, en appeler aux forces surhumaines ; mais ce qui convient le mieux à cette activité - mécanique, calculatrice – c’est une paisible concentration de la cervelle, comparable au rôle de l’appétit, dans des ripailles rurales. La douleur rehausse les rêves, mais abaisse les pensées.
hauteur,idée,platitude,raison,rêve,robot

souffrance
Il est vain de protéger la vie, c’est-à-dire la réalité, contre la souffrance (das Leben gegen den Schmerz zu verteidigenNietzsche) ; ce combat est perdu d’avance – la douleur est invincible. Il faut défendre le rêve contre son affaiblissement, son oubli, son extinction – donc, contre la vraie tragédie humaine, pour n’en garder peut-être que de la mélancolie.
défaite,mélancolie,mémoire,mort,platitude,réalité,rêve,tragédie,vie

souffrance
Nietzsche, dans sa grande souffrance, cherchait, lamentablement, du respect et de l’estime ; la pitié l’insultait ; son aristocratisme y devenait petit-bourgeois.
bassesse,grandeur,noblesse,pitié,platitude

souffrance
L'équilibre de Goethe, l'héroïsme beethovénien, c'est juste bon pour passer quelques soirées de velours ou de morgue, mais c'est l'immense frisson éperdu de Nietzsche, honteux devant ses déroutes en poésie et en musique, qui me met dans une véritable tonalité artistique, celle d'une débâcle finale, belle et horrible.
art,défaite,honte,musique,poésie,sentiment

souffrance
La tragédie classique : le mal triomphe du bien ; la tragédie dostoïevskienne : le mal se faufile dans toute œuvre du bien. Vinrent, enfin, Nietzsche et Tchékhov, pour se mettre au-delà du bien et du mal, et placer le tragique non pas dans l’éthique mais dans l’esthétique. « Vous, spectres de ma jeunesse ! Vous, tous les regards d’amour, regards divins ! Ah, comme votre mort fut si soudaine ! »** - Nietzsche - « Oh ihr, meiner Jugend Erscheinungen ! Oh, ihr Blicke der Liebe alle, ihr göttlichen Augenblicke ! Wie starbt ihr mir so schnell ! ».
amour,beauté,bien,dieu,enfance,mort,regard,tragédie

cicéron
Patria est ubicumque est bene.

Où l'on est bien, là est la patrie.
souffrance
Et c'est quand on y sera mal qu'on comprendra, qu'on s'était trompé (avec Aristophane ou tel Milton : « our country is where ever we are well off » ou, mieux, Fénelon : « La patrie d'un cochon se trouve partout, où il y a du gland »). La patrie est le pays, qui veut partager ta souffrance, autant dire, que le solitaire est toujours un exilé. Ou Robinson ou un bon dramaturge : « Ubi pater sum, ibi patria » - Nietzsche. Ou un bon interprète : « La patrie n'est pas là où tu habites, mais là où tu es compris » - Morgenstern - « Nicht da ist man daheim wo man seinen Wohnsitz hat, sondern wo man verstanden wird ». Ou un bon spectateur : « où je comprends et suis compris » - Jaspers - « wo ich verstehe und verstanden werde ». Ou un bon sculpteur : « Où je me crée, là est ma patrie »** - Valéry. Ou un bon philosophe : « On est bien, là où l'on n'est pas » - proverbe russe - « Там хорошо, где нас нет ». Ou un ange, enfant du ciel, la patrie de ta voix et l'exil de ta voie.
ange,chemin,création,égalité,erreur,être,exil,hommes,interprétation,platitude,…

goethe j.-w.
Armut selbst macht stolz, die unverdiente.

Même la misère rend fier, quand elle n'est pas méritée.
souffrance
Dès qu'on pèse les mérites, on est dans l'aigre ressentiment ou dans l'insipide bonne conscience. La fierté est toujours dans l'acquiescement, même si le sel ou la bile s'y mêlent. « L'acquiescement transforme malheur en bonheur » - H.Hesse - « Unglück wird zu Glück, indem man es bejaht ». Il serait utile de se souvenir de la grande leçon nietzschéenne sur la libération du ressentiment (Erlösung von der Rache) de l'homme qui souffre.
acquiescement,angoisse,balance,bonheur,conscience,filtre,gloire,haine,mémoire,misère,…

beethoven l.
Kreuze im Leben des Menschen sind wie Kreuze in der Musik : sie erhöhen.

La croix, dans la vie comme dans la musique, signifie la hauteur.
souffrance
Ta hauteur rejoint la haute intelligence, que Dostoïevsky attachait à la douleur, là où Nietzsche lisait une profonde noblesse ou Maître Eckhart - une étendue de la perfection : « L'animal le plus rapide, qui vous porte à la perfection, c'est la souffrance » - « Das schnellste Tier, das euch zur Vollkommenheit trägt, ist Leiden ».
ange,esprit,hauteur,intelligence,noblesse,ruines

byron g.
Sorrow is Knowledge… The tree of Knowledge is not that of Life.

Le savoir est dans la douleur, mais son arbre n'est pas celui de la vie.
souffrance
Eschyle ne le voyait pas autrement : « Par la souffrance - la connaissance, telle est la loi souveraine », tandis que Prométhée aurait inversé l'effet et la cause, tout comme l'Ecclésiaste et G.Bruno : « Qui accroît le savoir, accroît la douleur » - « Chi accresce il sapere aumenta il dolore ». La sotte espérance socratique de « pouvoir guérir par la connaissance l'éternelle blessure de l'existence » - « durch das Erkennen die ewige Wunde des Daseins heilen zu können » fut dénoncée par Nietzsche.
amour,exil,intensité,justice,ordre,philosophie,platitude,raison,rêve,savoir,…

nietzsche f.
Alle Ideale sind Gifte, aber als zeitweilige Heilmittel unentbehrlich.

Tous les idéaux sont des poisons, mais temporairement indispensables comme remèdes.
souffrance
Les idéaux sont des mystères vécus comme des problèmes, tandis que la maladie, c'est vivre dans l'asile des solutions. Le remède - tant soit peu de liberté surveillée.
liberté,mystère,noblesse

nietzsche f.
Das Leiden ist kein Argument gegen das Leben.

La douleur ne peut pas servir d'argument contre la vie.
souffrance
La vie s'évalue surtout d'après le type des opérateurs passionnels composés, plutôt que des opérandes événementiels imposés. Et le sens est donné à la valeur de vérité par un acquiescement religieux.
acquiescement,action,intensité,interprétation,réalité,religion,tragédie,vérité,vie

nietzsche f.
Ein Lied, so sonnig, so leicht, daß es die Grillen einlädt, mitzusingen.

Un chant, si lumineux, si doux, qu'il inviterait la noirceur même à y mêler sa voix.
souffrance
La musique doit être lumière, pour que la danse des ombres en soit un reflet fidèle, une voix, un visage.
danse,mélancolie,musique,ombre,voix

nietzsche f.
Scham gebeut sich der Edle vor allem Leidenden.

L'homme noble s'impose la honte devant tout ce qui souffre.
souffrance
La souffrance fait découvrir l'aporie de l'identité de la honte et de la pitié.
honte,noblesse,paradoxe,pitié

nietzsche f.
Die Zucht des grossen Leidens hat alle Erhöhungen des Menschen geschaffen.

Toute hauteur de l'homme est gagnée par la culture de la grande souffrance.
souffrance
Mais ce n'est pas la volonté de puissance, stoïque ou héroïque, qui rend possible cette culture, mais la résignation de ne pas prêter trop attention à la souffrance mesquine, facilitant la profondeur et la platitude. Et la création haute, non pas en tant qu'un anesthésiant (« la grande délivrance de la souffrance » - « die große Befreiung vom Leid »), mais en tant qu'un excitant.
acquiescement,création,culture,force,grandeur,hauteur,platitude

berdiaev n.
Христианство есть религия распятой Правды.

Le christianisme est la religion d'une Vérité crucifiée.
souffrance
Pour qui connut la solitude et la souffrance, « le Christ crucifié est le plus sublime de tous les symboles » - Nietzsche - « Christus am Kreuz - das erhabenste Symbol ». La vérité persécutée et le mensonge triomphant disparurent, la vérité mesquine triomphe et le mensonge rêveur périclite.
christianisme,défaite,noblesse,religion,rêve,solitude,vérité

vérité
Pourquoi le sage aime-t-il défier des vérités ? Serait-il plus sceptique que le sot, face aux preuves ? Non, le sage fait davantage confiance à l'Horloger du vrai, mais il sait, par expérience, que plus on soumet la vérité aux épreuves du paradoxe, plus majestueux est le nouveau langage, dans lequel elle se réincarne et se renomme, dans une espèce de tautologie de rupture. « La législation langagière engendre aussi les premières lois de la vérité »** - Nietzsche - « Die Gesetzgebung der Sprache giebt auch die ersten Gesetze der Wahrheit ».
dieu,doute,grandeur,langue,ordre,paradoxe,philosophie,raison

vérité
Le regard et le langage - deux outils qu'entretient un bel esprit ; le médiocre, le mal instrumenté ou le mal inspiré, s'occupe de matières premières, des vérités. La Caresse ou le Verbe, c'est à dire la poésie personnelle, se concentrent aux Commencements ; des vérités traînent auprès des finalités aléatoires et communes. Ceux qui manquent d'audace et de personnalité, se plient aux jugements universels, absolus : « Ce qui vient de moi-même, dans ma philosophie, est faux » - Hegel - « Was in meiner Philosophie von mir ist, ist falsch ». Le créateur audacieux dit : « C'est le regard qui exprime la vérité » - Nietzsche - « Die Wahrheit spricht der Blick aus ».
audace,caresse,commencement,création,esprit,langue,mal,matière,ombre,platitude,…

vérité
La vie devrait être vue comme une impossible féerie, un mensonge mélodieux, mais les hommes la réduisent à une vérité sans éclat ni musique. La musique, mieux que tout, nous égare, nous laisse hors des vérités battues, nous rend sédentaires nostalgiques d'une patrie inconnue, c'est ce que veut dire Nietzsche : « Sans la musique la vie serait une errance » - « Ohne Musik wäre das Leben ein Irrtum » (et non pas une erreur ; c'est la musique qui est l'erreur salutaire)
absurde,bonheur,consolation,erreur,exil,hommes,mensonge,musique

vérité
Le vrai est toujours logé dans un univers clos, et la création est modification de l'univers, donc – défi explicite au vrai ancien et naissance implicite du vrai nouveau. Le vrai, contrairement au beau, ne demande ni volonté ni intelligence internes ; il est produit collatéral et secondaire d'une volonté de la création externe. « Volonté du vrai - c'est l'impuissance dans la volonté de créer »*** - Nietzsche - « Wille zur Wahrheit - die Ohnmacht im Willen zur Schaffung ». Le créateur produit des images, qui forment un arbre requêteur, et que l'observateur unifie avec son propre monde, l'unification devenue possible grâce à l'adaptation au nouveau langage et à la vérité établie, fugitivement et mécaniquement, de la proposition.
arbre,audace,commencement,création,esprit,force,intelligence,intensité,langue

vérité
Que l'illusion soit plus vitale que toute vérité se prouve avec la même rigueur à partir des trois démarches : de la représentation (la puissance d'Aristote), de la quête (la poésie de Valéry), de l'interprétation (la noblesse de Nietzsche). Ce qui est curieux - et juste, car ces trois dons ne s'influencent guère mutuellement -, c'est que chacun d'eux voyait dans sa démarche la seule menant à cette vitalité.
esprit,force,interprétation,noblesse,poésie,question,représentation,rêve,vie

vérité
Le bon créateur se désintéresse de la vérité, car celle-ci n'est jamais dans la création ouverte (quoi qu'en dise Nietzsche : « La vérité n'est que dans la création » - « Nur im Schaffen gibt es Wahrheit »), mais toujours dans le créé figé. La création est dans les contraintes esthétiques ; elle se substitue à la liberté éthique.
contrainte,création,immobilité,liberté,ouvert

vérité
La beauté a besoin de monstration créatrice, la vérité - de démonstration calculatrice ; c'est pourquoi les deux nous désespèrent : la première - par verdeur (Valéry), la seconde - par laideur (Nietzsche).
beauté,création,raison

vérité
La production de vrai (Nietzsche - das Wahre hervorbringen) serait à l'origine de la volonté de puissance ; mais produire peut signifier aussi bien créer (la représentation) que prouver/comprendre (l'interprétation et le sens) ; mais Nietzsche ne voit que le second procédé. La reconnaissance de beau serait la seule véritable prérogative de la volonté de puissance, qui n'est pas une idée vitale, mais artistique.
art,beauté,force,interprétation,raison,représentation,valoir,vie

vérité
Des convulsions, des crampes, des séismes, c'est ce que promettent les porteurs de vérités nouvelles et ennemis du mensonge (y compris - Nietzsche), bien calés devant leurs bureaux, tandis que cette agitation de bocal n'aboutit, dans le meilleur des cas, qu'à un aplatissement de plus de quelques aspérités de l'existence de salon.
ironie,mensonge,platitude,vie

vérité
L'une des plus utiles contraintes est celle qui interdit à mon regard de voir certaines choses, que mes yeux voient. Pouchkine et Nietzsche appellent ce refus - mensonge qui élève ; voir ce que voit tout le monde est certes une vérité, mais elle me rapproche de la platitude.
auteur,contrainte,hauteur,mensonge,platitude,regard,révolte

vérité
L'univers de Nietzsche se moque du réel, il est habité de fantômes : Dieu, la Grèce, le nihilisme, la puissance, la vérité, la philosophie y sont des fantômes – (ré)inventés à chaque retour de l'intense devenir. Tant d'apparentes contradictions, tandis qu'il s'y agit chaque fois de changements de langage.
artificiel,dieu,force,grèce,intensité,langue,négation,nihilisme,philosophie,réalité,…

vérité
En unités de représentation ou de langage, les vérités coûtent de plus en plus cher. Consolation : cherté, c'est rareté. La banqueroute de toute aristocratie est inéluctable, la noblesse exigeant des règlements en monnaie de sa pièce (quand ce n'est à son effigie), qui n'a plus cours. « Garder notre dette, plutôt que de nous acquitter avec une monnaie, qui ne porte pas notre effigie » - Nietzsche - « Lieber schuldig bleiben, als mit einer Münze zahlen, die nicht unser Bild trägt ».
argent,consolation,noblesse

vérité
Sans le don poétique, tourner autour de la vérité, comme autour d'une machine à vapeur ou du Code de la route, est condamné à l'ennui et à la routine. Aristote, Spinoza, Kant, Hegel – tout ce qu'ils exposent, lourdement, sur la vérité, et que leurs acolytes remâchent infiniment, ne présente plus aucun intérêt et doit être oublié. Nietzsche et Valéry, deux poètes, si éloignés du clan professoresque, émettent la-dessus des avis autrement plus rafraîchissants. Quant aux avis en marbre, c'est auprès des logiciens et des linguistes, comme Chomsky, qu'il faut les chercher.
école,ennui,langue,mémoire,poésie,science

vérité
Les indignés d'aujourd'hui nous abreuvent de plates vérités de ce jour, tandis que les rêves, ces mensonges musicaux, ces échappatoires d'une réalité cacophonique, devinrent l'apanage des résignés. « Nul ne ment autant qu’un homme indigné » - Nietzsche - « Niemand lügt soviel als der Entrüstete ».
défaite,lutte,musique,réalité

vérité
Tout ce qui s'exprime et s'évalue à vrai dans un langage concerne la représentation et seulement par un ricochet – la réalité. La vérité du réel est indicible, au sens propre du mot ; tout ce qui se verbalise ne touche pas au réel, en est un écart. « La vérité n'est jamais autre chose qu'une apparence qui parvient à dominer, donc une erreur » - Heidegger - « Wahrheit ist immer nur zur Herrschaft gekommene Scheinbarkeit, d.h. Irrtum » - la vérité dominante s'appelle doxa. Mais l'erreur, contrairement à ce que tu penses, avec Nietzsche, n'existe que dans les représentations et non pas dans le monde.
doute,erreur,inconnu,langue,nature,réalité,représentation

vérité
Deux axes, sur lesquels on positionne la vérité : l'opposition stérile entre l'adéquation et l'erreur et l'opposition opératoire entre le succès et l'échec. Il est flagrant, que Nietzsche, tout en employant le vocabulaire de la première, suit partout les conséquences de la seconde vision. La revalorisation de l'échec en est une.
axe,défaite,erreur,négation

vérité
La nullité rationnelle de la logorrhée prosaïque sur l'être, chez Hegel, Sartre, Levinas, s'établit facilement, en soumettant leurs discours à l'épreuve par la négation : systématiquement le contraire de leurs formules a autant de (non-)sens que l'affirmative. Avec les poètes, ce test ne marche pas : aucun sens sérieux ne se dégage de la négation de Parmenide, de Nietzsche ou de Heidegger, et dont la valeur irrationnelle réside dans le langage, le ton et le talent.
absurde,esprit,être,langue,négation,poésie,raison

vérité
À quoi doit se réduire un regard philosophique ? - à la tragédie humaine, reflétée par le Verbe ; il est insensé et stupide de se vouer à la sobre vérité, devant tant de vertiges du langage et tant d'angoisses, implorant une consolation. « Le philosophe ne cherche pas la vérité, mais la métamorphose du monde dans les hommes » - Nietzsche - « Der Philosoph sucht nicht die Wahrheit, sondern die Metamorphose der Welt in den Menschen ». - et cette métamorphose ne vaut que par la douleur ennoblie et le Verbe rehaussé.
angoisse,consolation,hauteur,hommes,intelligence,langue,mystère,nature,noblesse,philosophie,…

vérité
Les représentations d'un sot sont si décousues et superficielles, qu'il pense pouvoir s'en passer pour ne faire qu'interpréter (l'illusion, partagée par Nietzsche). Les représentations d'un savant sont si profondément câblées, que leur accès est presque imperceptible ; on les explicite à reculons. Dire que la vérité n'existe pas, car on n'aurait aucune représentation, est une sottise, entretenue par un mauvais nihilisme.
erreur,intelligence,interprétation,nihilisme,platitude,représentation

vérité
Aller au-delà de la pensée et de la connaissance (Plotin), du beau et du hideux (Baudelaire), du bien et du mal (Nietzsche) ne devient possible que grâce au regard, qui va au-delà du vrai et du faux : au-delà des valeurs on trouve leur rêve prévalent, moitié vrai moitié faux, on y trouve leur fontaine, digne qu'on continue à mourir de soif à côté d'elle. L'appel ou la conscience de l'au-delà, ne seraient-ils pas la définition même de la poésie ? Si la prose est une physique de l'écriture, la poésie en est une métaphysique.
axe,beauté,bien,idée,nécessité,poésie,philosophie,regard,rêve,savoir,…

vérité
Pour porter aux nues Spinoza et Hegel, il faut être : ignare en logique, obsédé par le mot savoir, insensible au style, entraîné vers le bavardage ou la graphomanie. Pour aimer Nietzsche et Valéry, il faut tenir à la noblesse, à l’intelligence, à la poésie. Poursuite, hors langage, des occultes vérités pseudo-universelles ; ou création de langages, pour exprimer des vérités lumineuses individuelles.
création,intelligence,langue,noblesse,poésie,savoir,science,style,universel,voix

vérité
La vérité est comme l’argent : elle permet de posséder de beaux objets. Mais ce n’est pas la possession qui est le but de l’artiste, mais l’admiration, l’intensité, l’éclairage ou les ombres. « La possession de la vérité, c’est l’ennui, comme toute possession » - Nietzsche - « Der Besitz der Wahrheit ist langweilig wie jeder Besitz ».
argent,art,ennui,intensité,maîtrise,ombre

démocrite
La vérité est au fond de l'abîme.
vérité
Elle descend, en effet, du haut (où naît le langage du désir), puis elle prend corps en bas (où l'on accède aux choses). Il vaut mieux laisser mon regard en compagnie du langage, en haut ; sinon je risquerais de confondre eaux stagnantes, cloaques et abîmes : « Si tu persistes à regarder l'abîme, l'abîme finira par regarder à travers toi » - Nietzsche - « Wenn du lange in einen Abgrund blickst, blickt der Abgrund auch in dich hinein » - et je perdrais la hauteur de mon propre regard.
auteur,chemin,élan,hauteur,langue,paradoxe,réalité,regard

thomas d'aquin
Veritas est adaequatio intellectus et rei.

La vérité, c'est l'accord entre les choses et la raison.
vérité
Depuis St-Augustin, on cherche à nous contenter de cette veritas optima, une merveille hors la raison, tandis que veritas vera, la seule vérité, ne quitte jamais la raison et ignore les choses. La pensée veut exprimer les choses, en s'imprimant dans les mots : l'arbre intelligible, s'unifiant avec l'arbre sensible, en se servant de l'arbre logique – trois univers qui ne se touchent guère. L'objet est dans le modèle conceptuel, l'affirmation - dans le modèle linguistique, la vérité - dans le modèle logique. Et cet accord, ces va-et-vient entre ces modèles, est proprement ce qu'on appelle le sens. Dans le meilleur des cas, il est adaequatio iubilationis et intellectus (Nietzsche) !
arbre,concept,idée,intensité,interprétation,langue,mot,raison,réalité,représentation

nietzsche f.
Die Wahrheit ist nicht etwas, das zu entdecken wäre, - sondern etwas, das zu schaffen ist.

La vérité n'est pas une chose à découvrir, mais une chose à créer.
vérité
Les deux sont possibles, mais la première préexiste, elle est tautologique dans un modèle figé, la seconde naît d'une révision du modèle ou du langage.
création,étonnement,langue,nécessité,raison,représentation

nietzsche f.
Es ist ein Grundglaube aller Aristokraten, daß das gemeine Volk lügnerisch ist. « Wir Wahrhaftigen » - so nannten sich im alten Griechenland die Adeligen.

Tout aristocrate tient fermement pour menteurs toute la plèbe. « Nous, les véridiques », c'est ainsi qu'en Grèce ancienne, se nommaient les nobles.
vérité
Tout le contraire de ce qu'on vit aujourd'hui, où seul le noble ose l'inventé, ce rêve mensonger et vital. « Tout ce qu'on invente est vrai » - Flaubert. D'ailleurs, ton message doit sa beauté surtout au fait, qu'il est entièrement inventé (erdacht).
artificiel,audace,création,élite,grèce,mensonge,négation,noblesse,vie

nietzsche f.
Niemand stirbt jetzt an tödlichen Wahrheiten : es gibt zu viele Gegengifte.

Personne ne meurt plus de vérités mortelles : il y a trop de contrepoisons.
vérité
En mourir, ne plus pouvoir la falsifier par des incantations du langage. La meilleure guérison est une résurrection. On manque de seringues ou d'ironie, quand on dit : « L'esprit philosophique consiste à préférer aux mensonges, qui font vivre, les vérités, qui font mourir » - G.Thibon).
création,ironie,langue,mensonge,mort,philosophie

nietzsche f.
Ohnmacht zur Lüge ist lange noch nicht Liebe zur Wahrheit.

L'impuissance pour le mensonge est loin d'être l'amour pour la vérité.
vérité
La puissance, même en fabrication de contre-vérités, peut ramener à l'amour de la sagesse, qui consiste en sagesse de l'amour. Ce n'est pas la vérité qu'il faut aimer, mais sa création. Tout créateur commence par créer un nouveau langage ; et celui-ci, sortant des habitudes des autres langages, se présente, au début, comme une contre-vérité. Seul le créateur peut témoigner que : « L'homme du vrai finit par comprendre qu'il ment toujours » - Nietzsche - « Der Wahrhaftige endet damit, zu begreifen, daß er immer lügt ».
amour,création,force,langue,mensonge

nietzsche f.
Logik erscheint den Franzosen als notwendig wie Brot und Wasser, aber auch gleich diesen als eine Art Gefangenenkost, sobald sie rein und allein genossen werden sollen.

La logique paraît aux Français être aussi indispensable que pain et eau, et donc une espèce de nourriture des prisonniers, quand elle n'est accompagnée de rien d'autre.
vérité
Si la vérité érige des murailles, la logique devient geôlier et la vie - prison.
france,liberté,raison,vie

nietzsche f.
Wir haben die Kunst, damit wir nicht an der Wahrheit zu Grunde gehen.

L'art nous sert à éviter de toucher le fond à cause de la vérité.
vérité
Ce n'est pas une noyade, mais bien une platitude, que promet toute poursuite d'un fond et de sa pesanteur, sans bénédiction d'une forme artistique, sans la grâce des bonnes voiles.
défaite,grâce,platitude,style,vie

kraus k.
Der Aphorismus deckt sich nicht mit der Wahrheit ; er ist entweder eine halbe Wahrheit oder anderthalb.

L'aphorisme n'est pas congruent avec la vérité ; il en est une moitié ou une vérité et demie.
vérité
Il n'est ni amortisseur ni amplificateur ; il est le poids et le mesureur, la balance et l'unité de mesure. La vérité se moque de métaphores, l'aphorisme ne vit que d'elles. Nietzsche confond vérité et pensée ; la vérité serait : « un ost de métaphores, métonymies et anthropomorphismes en mouvement » - « ein bewegliches Heer von Metaphern, Metonymien und Anthropomorphismen ».
balance,filtre,maxime,métaphore
Nietzsche F.